De nouvelles révélations seraient prévues dans le cadre du procès intenté contre Savaro Ltd, la société importatrice du nitrate d'ammonium qui avait explosé au port de Beyrouth en août 2020. Reste à savoir si la procédure judiciaire engagée à Londres va s'étendre à Agroblend Exports Ltd, à l’encontre de laquelle aucun procès n’a été intenté, alors que cette société serait, selon des documents qui ont fuité, à l’origine de la commande du nitrate d'ammonium. Et, surtout, si cette procédure va permettre de faire la lumière sur l'acte criminel qui a détruit une partie de Beyrouth et endeuillé 234 familles.
A partir du 6 février, les Libanais peuvent s’attendre à du nouveau concernant l’affaire Savaro Ltd, une compagnie immatriculée à Londres et qui avait importé le nitrate d'ammonium à l'origine de l'explosion du 4 août 2020, au port de Beyrouth.
Selon une source judiciaire proche du dossier, le procès intenté à Londres par le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth contre cette société-écran pourrait donner lieu à de nouvelles révélations. En attendant, les familles des victimes de la double explosion au port de Beyrouth se mobilisent à l’étranger, d’une part pour pousser vers une internationalisation de l’enquête sur le drame, et d’autre part pour trouver le moyen d’intenter des actions en justice dans les pays qui comptent parmi leurs ressortissants des victimes de la déflagration qui avait détruit Beyrouth et endeuillée 234 familles.
Savaro Ltd constitue une énigme parmi tant d’autres à élucider dans le cadre de l'enquête qui continue d'être bloquée. Immatriculée au Royaume-Uni, c’est à travers elle, mais aussi via une autre société, Agroblend Exports Ltd, enregistrée dans les îles vierges britanniques, qu'a été faite la commande puis le paiement des 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium (d’une valeur de 373.750 dollars), qui devaientt être livrés à l'entreprise Fabrique d’explosifs (Fabrica de Explosivos) du Mozambique. Ces deux sociétés cachent tout un réseau commercial, vieux de plusieurs décennies et engagé dans la vente et l’achat de produits chimiques. Ce réseau serait étroitement lié à l’explosion au port de Beyrouth. Contrôlé par des Ukrainiens, il s’éclipse derrière une kyrielle de mandataires et de sociétés-écrans.
Volodymyr Verbonol est une figure proéminente dans le dossier. A la tête de Savaro, mais aussi d’Agroblend, cet homme d’affaires ukrainien a disparu de la scène. Avant lui, la Chypriote Marina Psyllou, qui a dirigé Savaro entre 2016 et 2021 a nié être le véritable PDG de la société. Selon une base de données internationale, Mme Psyllou est listée comme la responsable de plus de 150 autres compagnies, dont plusieurs basées au Panama. En attendant que l’identité de ses bénéficiaires économiques finaux soit révélée, retour sur les faits juridiques.
Dans une tentative d’échapper aux inculpations, Savaro Ltd devait être liquidée en janvier 2021. Une démarche interrompue, au mois de février de la même année par le registre de commerce de Londres, la « Companies house », à la suite d’un procès civil en responsabilité intenté contre elle en septembre 2020 devant la Haute Cour de justice de Londres. La partie requérante est le bureau d’accusation susmentionné, représenté par l’ancien bâtonnier Melhem Khalaf et les avocats Nasri Diab et Chucri Haddad. L’action en justice a également été menée en étroite collaboration avec le bureau d’études Dechert LLP représenté par Camille Abou Sleiman. Le 16 juin 2022, une nouvelle ordonnance est rendue par cette même instance selon laquelle Savaro serait enjointe de révéler l’identité de ses bénéfciaires finaux. Ces derniers sont des personnes physiques qui peuvent être différentes des actionnaires et qui, en dernier ressort, détiennent ou contrôlent effectivement la société. Un mois plus tard, soit le 15 juillet 2022, la décision de suspendre la liquidation de la société a été prolongée jusqu’en janvier 2023, sur ordre du registre de commerce de Londres.
L'énigme Agroblends et Teto Shipping Ltd
Pour revenir à Agroblend Exports Ltd, à l’encontre de laquelle aucun procès n’a été intenté, la société figure sur la liste noire établie dans le cadre d’une enquête menée par le consortium de journalistes de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Des documents qui avaient fuité prouvent qu’Agroblends est à l’origine de la commande, qu’un contrat a été conclu avec la société Teto Shipping Ltd (propriétaire du Rhosus, bateau battant pavillon moldave qui devait transporter les 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium de Géorgie vers le Mozambique).
Plus encore, lorsque le navire a accosté au port de Beyrouth en 2013, ses propriétaires ont signalé à Agroblend (comme précisé dans un courriel envoyé par Curtis Igleheart, un employé commun à Agorblend et à Savaro) qu’ils se trouvaient dans l’incapacité de livrer la marchandise au port de Beira, au Mozambique. Les propriétaires auraient aussi «exercé un chantage pour obtenir la somme de 180.000 dollars, faute de quoi la cargaison ne sera pas livrée», comme indiqué dans ce courriel. Quoi qu’il en soit, selon des sources judiciaires, le propriétaire du nitrate d’ammonium (Savaro et/ou Agroblend) serait responsable, en vertu de la loi libanaise, du stockage, de l’élimination ou de tout dommage qui affecte la marchandise.
Pour l'instant, l'enquête menée au Liban par le juge d'instruction Tarek Bitar semble vouée à l'échec. Bloquée depuis décembre 2021, elle a été relancée le 24 janvier dernier. Contre toute attente, M. Bitar a décidé de reprendre l'affaire en main, considérant qu'il n'est pas dessaisi du dossier, en vertu des multiples recours présentés contre lui par d'anciens ministres et députés. Depuis, une bataille judiciaire l'oppose au procureur général près la Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate qui qualifie d'illégales les manoeuvres du juge Bitar. Ce dernier doit entendre ce lundi 6 février au Palais de Justice, les deux députés et anciens ministres, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeayter.
A partir du 6 février, les Libanais peuvent s’attendre à du nouveau concernant l’affaire Savaro Ltd, une compagnie immatriculée à Londres et qui avait importé le nitrate d'ammonium à l'origine de l'explosion du 4 août 2020, au port de Beyrouth.
Selon une source judiciaire proche du dossier, le procès intenté à Londres par le bureau d’accusation du barreau de Beyrouth contre cette société-écran pourrait donner lieu à de nouvelles révélations. En attendant, les familles des victimes de la double explosion au port de Beyrouth se mobilisent à l’étranger, d’une part pour pousser vers une internationalisation de l’enquête sur le drame, et d’autre part pour trouver le moyen d’intenter des actions en justice dans les pays qui comptent parmi leurs ressortissants des victimes de la déflagration qui avait détruit Beyrouth et endeuillée 234 familles.
Savaro Ltd constitue une énigme parmi tant d’autres à élucider dans le cadre de l'enquête qui continue d'être bloquée. Immatriculée au Royaume-Uni, c’est à travers elle, mais aussi via une autre société, Agroblend Exports Ltd, enregistrée dans les îles vierges britanniques, qu'a été faite la commande puis le paiement des 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium (d’une valeur de 373.750 dollars), qui devaientt être livrés à l'entreprise Fabrique d’explosifs (Fabrica de Explosivos) du Mozambique. Ces deux sociétés cachent tout un réseau commercial, vieux de plusieurs décennies et engagé dans la vente et l’achat de produits chimiques. Ce réseau serait étroitement lié à l’explosion au port de Beyrouth. Contrôlé par des Ukrainiens, il s’éclipse derrière une kyrielle de mandataires et de sociétés-écrans.
Volodymyr Verbonol est une figure proéminente dans le dossier. A la tête de Savaro, mais aussi d’Agroblend, cet homme d’affaires ukrainien a disparu de la scène. Avant lui, la Chypriote Marina Psyllou, qui a dirigé Savaro entre 2016 et 2021 a nié être le véritable PDG de la société. Selon une base de données internationale, Mme Psyllou est listée comme la responsable de plus de 150 autres compagnies, dont plusieurs basées au Panama. En attendant que l’identité de ses bénéficiaires économiques finaux soit révélée, retour sur les faits juridiques.
Dans une tentative d’échapper aux inculpations, Savaro Ltd devait être liquidée en janvier 2021. Une démarche interrompue, au mois de février de la même année par le registre de commerce de Londres, la « Companies house », à la suite d’un procès civil en responsabilité intenté contre elle en septembre 2020 devant la Haute Cour de justice de Londres. La partie requérante est le bureau d’accusation susmentionné, représenté par l’ancien bâtonnier Melhem Khalaf et les avocats Nasri Diab et Chucri Haddad. L’action en justice a également été menée en étroite collaboration avec le bureau d’études Dechert LLP représenté par Camille Abou Sleiman. Le 16 juin 2022, une nouvelle ordonnance est rendue par cette même instance selon laquelle Savaro serait enjointe de révéler l’identité de ses bénéfciaires finaux. Ces derniers sont des personnes physiques qui peuvent être différentes des actionnaires et qui, en dernier ressort, détiennent ou contrôlent effectivement la société. Un mois plus tard, soit le 15 juillet 2022, la décision de suspendre la liquidation de la société a été prolongée jusqu’en janvier 2023, sur ordre du registre de commerce de Londres.
L'énigme Agroblends et Teto Shipping Ltd
Pour revenir à Agroblend Exports Ltd, à l’encontre de laquelle aucun procès n’a été intenté, la société figure sur la liste noire établie dans le cadre d’une enquête menée par le consortium de journalistes de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Des documents qui avaient fuité prouvent qu’Agroblends est à l’origine de la commande, qu’un contrat a été conclu avec la société Teto Shipping Ltd (propriétaire du Rhosus, bateau battant pavillon moldave qui devait transporter les 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium de Géorgie vers le Mozambique).
Plus encore, lorsque le navire a accosté au port de Beyrouth en 2013, ses propriétaires ont signalé à Agroblend (comme précisé dans un courriel envoyé par Curtis Igleheart, un employé commun à Agorblend et à Savaro) qu’ils se trouvaient dans l’incapacité de livrer la marchandise au port de Beira, au Mozambique. Les propriétaires auraient aussi «exercé un chantage pour obtenir la somme de 180.000 dollars, faute de quoi la cargaison ne sera pas livrée», comme indiqué dans ce courriel. Quoi qu’il en soit, selon des sources judiciaires, le propriétaire du nitrate d’ammonium (Savaro et/ou Agroblend) serait responsable, en vertu de la loi libanaise, du stockage, de l’élimination ou de tout dommage qui affecte la marchandise.
Pour l'instant, l'enquête menée au Liban par le juge d'instruction Tarek Bitar semble vouée à l'échec. Bloquée depuis décembre 2021, elle a été relancée le 24 janvier dernier. Contre toute attente, M. Bitar a décidé de reprendre l'affaire en main, considérant qu'il n'est pas dessaisi du dossier, en vertu des multiples recours présentés contre lui par d'anciens ministres et députés. Depuis, une bataille judiciaire l'oppose au procureur général près la Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate qui qualifie d'illégales les manoeuvres du juge Bitar. Ce dernier doit entendre ce lundi 6 février au Palais de Justice, les deux députés et anciens ministres, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeayter.
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