Alyona Mikhailova, visage de l’amour consumé
À 27 ans, l’actrice russe Alyona Mikhailova impressionne en « femme de Tchaïkovski », dans le film éponyme, en salles en France mercredi, histoire d’un mariage réduit en cendres, car le compositeur lui cache son homosexualité.

Le réalisateur Kirill Serebrennikov, l’enfant terrible du cinéma russe, associe à de multiples reprises avec le feu celle qui incarne Antonina Milioukova (1848-1917), épouse du musicien (1840-1893). Lors de leur mariage, ils tiennent tous deux une bougie, et celle de Tchaïkovski s’éteint. Sa flamme pour lui est intacte, lui n’en a pas pour elle.

Lorsqu’elle tente, après maints refus de son mari, de vivre sa nuit de noces, Tchaïkovski tente de l’étrangler et renverse une lampe qui enflamme alors quelques éléments de la chambre.
Il vient de brûler symboliquement leur contrat de mariage.



 

Ce rôle a fortement résonné chez Alyona Mikhailova, originaire de Perm en Oural, et dont le nom circulait à Cannes au printemps 2022 pour un prix d’interprétation féminine. « À l’âge de 18 ans, j’étais tombée amoureuse d’un garçon schizophrène. Comme il était imprévisible, je le suivais partout. J’étais devenue dépendante de lui », a raconté Alyona Mikhailova, dans le magazine français Elle.

« Un médecin m’a expliqué que ce garçon était en train de me contaminer, de me transmettre sa maladie. Je comprends la phase de folie qu’a traversée Antonina. J’ai eu la chance de m’en sortir même si ça a été difficile. Pas elle », poursuit-elle.
Celle qui possède les traits de Romy Schneider jeune promène à l’écran une silhouette élancée héritée de son passé de sportive. Fille d’un athlète, elle s’est consacrée à la course à pied jusqu’à une blessure au dos.

Le métier d’actrice fut alors son refuge. Installée à Moscou, elle a jusqu’ici tourné dans de nombreuses séries russes.


Elle a pu apporter ses idées sur le tournage de « La femme de Tchaïkovski ». « Dans la scène où tous les éphèbes sont nus autour d’Antonina et qu’elle saisit les testicules de l’un d’entre eux, c’est moi qui l’ai suggéré. Je pensais qu’on était dans une espèce de fantasme et qu’en agissant ainsi, elle prenait le rôle du mari homosexuel », confie-t-elle encore dans Elle.

L’actrice ne considère pas comme un geste politique sa prestation pour Kirill Serebrennikov, cinéaste qui a toujours publiquement pris position contre le rétrécissement des libertés en Russie ou les guerres menées par le Kremlin à l’étranger.

« Je ne vois que l’aspect artistique. Je suis au courant et pleinement consciente de la souffrance qu’endurent tant de gens aujourd’hui. Je n’ai qu’une hâte, que tout cela s’arrête », commentait-elle, au sujet de l’invasion russe en Ukraine.

Le long métrage, reparti bredouille de Cannes l’an dernier, permet de réhabiliter « un personnage complètement oublié » comme le disait  Kirill Serebrennikov.

« Dans la vraie vie, Tchaïkovski était une personne extrêmement compliquée : il était très généreux avec ses amis, adulé du public, considéré comme un bon compositeur par les critiques, mais trop européen qui n’atteignait pas l’idéal du compositeur russe comme Glinka. Et c’était une star aux États-Unis, où il est venu inaugurer le Carnegie Hall avec un concert », souligne-t-il.

« Or dans ce film, on voit Tchaïkovski par les yeux de cette femme donc par définition ça ne peut pas être un biopic. Quand on lit ses lettres à elle, on s’aperçoit qu’elle a utilisé 169 fois le mot égoïste », dit-il.

Longtemps, les biographes ont imputé à Antonina Milioukova toute la souffrance de Tchaïkovski, la qualifiant de folle. Lui-même la taxait de « vipère » dans sa correspondance. Alors que le film de Serebrennikov montre que c’est le compositeur qui a injecté le venin du mensonge dans son couple.

AFP
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