«Le Liban est le pays vers lequel se tournent tous les chrétiens du monde arabe, pour trouver force et donner un sens à leur présence», affirme Pierbattista Pizzaballa, patriarche des latins de Jérusalem.
Le patriarche des latins de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa. ©DR
Il est né il y a 56 ans dans un petit village du nord de l’Italie. Il a le visage émacié de ceux qui savent se passer du superflu, mais il n’est pas toujours avenant. «Il est exigeant, confient ses proches collaborateurs, mais nous passons outre, car c’est un homme de Dieu.» Pierbattista Pizzaballa, patriarche des latins de Jérusalem, se trouve en ce moment au Liban pour la Conférence épiscopale latine dans les régions arabes (Celra), qui tient sa session annuelle au Liban, et pour la phase diocésaine du synode sur la synodalité dans l’Église catholique, qui aura lieu du 13 au 18 février.
À l’heure où, en Israël, la situation devient explosive, il a bien voulu accorder à Ici Beyrouth un entretien rapide, en marge de la session qu’il préside, qui se tient à la maison d’accueil Notre-Dame du Mont, à Fatka (Kesrouan), laquelle domine la baie de Jounieh.
Outre le patriarche Pizzaballa, ont pris part à la session de la Cerla son vice-président et vicaire apostolique des latins au Liban, Mgr César Essayan, ainsi que les évêques Jean Sleiman (Bagdad), Giorgio Bertin (Djibouti et Somalie), Claudio Lurati (Alexandrie), Paolo Martinelli (Arabie du Sud), Paul Hinder (Arabie du Nord), William Shomali et Rafic Nahra (vicaires), Jamal Khader (Jordanie), Piotr Zelazko (catholiques hébréophones), Bruno Varriano (Chypre), Raimondo Girgis (Alep-Syrie) et Pietro Felet (secrétaire général de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte).
«Nous venons de réalités différentes, explique le patriarche Pizzaballa, mais nous avons en commun le fait de venir de pays en guerre, marqués par des tensions politiques et de profondes divisions. Et puis, il y a les distances, à la fois géographiques et culturelles.» De grandes disparités sociales marquent les sociétés où l’Église latine vit et agit, sans compter Jérusalem, cœur spirituel des trois mondes, chrétien, musulman et juif, et où avec le gouvernement actuel, ce n’est plus le pacifique statu quo antérieur, mais la loi du plus fort qui règne désormais».
Défendre nos «frontières identitaires»
«Nous parlons d’habitude du besoin de nous défendre, de défendre nos frontières identitaires, physiques, politiques, etc. Le rôle de Jérusalem est de rester une ville ouverte, comme l’a toujours voulu le Saint-Siège. Certes, des portes sont nécessaires, mais elles ne doivent pas exclure. Nous devons apprendre à inclure, et non à repousser», dit le patriarche Pizzaballa, se faisant l’avocat de la vocation d’accueil de la Ville sainte, dont l’un des grands avantages est… la création d’emplois et la prospérité économique de sa population autochtone.
On le devine à sa parole, le patriarche Pizzaballa se charge non des seuls Latins – dont le nombre ne dépasse pas les 55.000 entre Israël et la Cisjordanie –, mais de toutes les populations présentes dans son diocèse, y compris des dizaines de milliers de migrants asiatiques qui y travaillent. Le réseau pastoral de l’Église latine comprend de nombreuses structures d’accueil (paroisses, garderies, dispensaires et hôpitaux, écoles, universités et instituts d’études supérieurs, organisations de jeunesse) où se côtoient ces diverses populations.
Des heures difficiles
«Nous vivons des heures difficiles», reconnaît le patriarche Pizzaballa, tenant compte de la véritable chasse à l’homme à laquelle se livre l’armée israélienne et des actes de vandalisme et de haine anti-chrétiens qui se multiplient, de la part de certains groupes extrémistes juifs. «Les pays de la région semblent tous pris en otage, d’une façon ou d’une autre, ce qui explique l’hémorragie humaine que nous constatons tous, souligne-t-il. Elle affecte les chrétiens de façon particulière, mais vous ne pouvez pas empêcher les jeunes générations de vouloir échapper à une situation sans horizon.»
« Le Liban est le pays vers lequel se tournent tous les chrétiens du monde arabe, pour trouver force et donner un sens à leur présence», enchaîne le patriarche Pizzaballa.
La mission éducative de l’Église latine, véritable «colonne vertébrale» de la présence chrétienne au Liban, est menacée de banqueroute par la dépréciation de la livre. Elle est à l’ordre du jour de la session. En effet, les élèves scolarisés dans les écoles catholiques répondent, pour moitié presque, d’établissements relevant de l’Église latine. Cette mission est aussi de première importance en Syrie et en Irak, pour ne citer que ces deux pays.
Synode sur la synodalité
Le synode sur la synodalité, une consultation sur la communication et la prise de décision au sein de l’Église catholique, lancé par le pape François, figurera par ailleurs, en tête de l’ordre du jour de la session. Sa phase continentale, qui précède sa phase finale au Vatican, prévue à l’automne, s’ouvre le 13 février au Liban. Toutefois, ses thèmes figurent à la périphérie des sujets centraux qui obsèdent les populations chrétiennes en ce moment, convient le patriarche, plus que conscient des impasses où se trouvent de nombreux pays du Moyen-Orient.
«Le christianisme est né sur la Croix», insiste cet inlassable avocat du dialogue, pour lequel «une relation personnelle avec le Christ fait toute la différence».
«Les choses ne changent pas d’elles-mêmes. Il y faut, dans une première étape, une vision personnelle claire, puis travailler au niveau institutionnel, ce qui est bien plus difficile», ajoute-t-il. «Il faut savoir attendre que les personnes avec lesquelles vous travaillez comprennent, et ne pas abandonner. S’ils se sentent aimés, les gens accepteront. Cela prend plus de temps, mais ce que vous faites tiendra!»
Le patriarche des latins de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa. ©DR
Il est né il y a 56 ans dans un petit village du nord de l’Italie. Il a le visage émacié de ceux qui savent se passer du superflu, mais il n’est pas toujours avenant. «Il est exigeant, confient ses proches collaborateurs, mais nous passons outre, car c’est un homme de Dieu.» Pierbattista Pizzaballa, patriarche des latins de Jérusalem, se trouve en ce moment au Liban pour la Conférence épiscopale latine dans les régions arabes (Celra), qui tient sa session annuelle au Liban, et pour la phase diocésaine du synode sur la synodalité dans l’Église catholique, qui aura lieu du 13 au 18 février.
À l’heure où, en Israël, la situation devient explosive, il a bien voulu accorder à Ici Beyrouth un entretien rapide, en marge de la session qu’il préside, qui se tient à la maison d’accueil Notre-Dame du Mont, à Fatka (Kesrouan), laquelle domine la baie de Jounieh.
Outre le patriarche Pizzaballa, ont pris part à la session de la Cerla son vice-président et vicaire apostolique des latins au Liban, Mgr César Essayan, ainsi que les évêques Jean Sleiman (Bagdad), Giorgio Bertin (Djibouti et Somalie), Claudio Lurati (Alexandrie), Paolo Martinelli (Arabie du Sud), Paul Hinder (Arabie du Nord), William Shomali et Rafic Nahra (vicaires), Jamal Khader (Jordanie), Piotr Zelazko (catholiques hébréophones), Bruno Varriano (Chypre), Raimondo Girgis (Alep-Syrie) et Pietro Felet (secrétaire général de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte).
«Nous venons de réalités différentes, explique le patriarche Pizzaballa, mais nous avons en commun le fait de venir de pays en guerre, marqués par des tensions politiques et de profondes divisions. Et puis, il y a les distances, à la fois géographiques et culturelles.» De grandes disparités sociales marquent les sociétés où l’Église latine vit et agit, sans compter Jérusalem, cœur spirituel des trois mondes, chrétien, musulman et juif, et où avec le gouvernement actuel, ce n’est plus le pacifique statu quo antérieur, mais la loi du plus fort qui règne désormais».
Défendre nos «frontières identitaires»
«Nous parlons d’habitude du besoin de nous défendre, de défendre nos frontières identitaires, physiques, politiques, etc. Le rôle de Jérusalem est de rester une ville ouverte, comme l’a toujours voulu le Saint-Siège. Certes, des portes sont nécessaires, mais elles ne doivent pas exclure. Nous devons apprendre à inclure, et non à repousser», dit le patriarche Pizzaballa, se faisant l’avocat de la vocation d’accueil de la Ville sainte, dont l’un des grands avantages est… la création d’emplois et la prospérité économique de sa population autochtone.
On le devine à sa parole, le patriarche Pizzaballa se charge non des seuls Latins – dont le nombre ne dépasse pas les 55.000 entre Israël et la Cisjordanie –, mais de toutes les populations présentes dans son diocèse, y compris des dizaines de milliers de migrants asiatiques qui y travaillent. Le réseau pastoral de l’Église latine comprend de nombreuses structures d’accueil (paroisses, garderies, dispensaires et hôpitaux, écoles, universités et instituts d’études supérieurs, organisations de jeunesse) où se côtoient ces diverses populations.
Des heures difficiles
«Nous vivons des heures difficiles», reconnaît le patriarche Pizzaballa, tenant compte de la véritable chasse à l’homme à laquelle se livre l’armée israélienne et des actes de vandalisme et de haine anti-chrétiens qui se multiplient, de la part de certains groupes extrémistes juifs. «Les pays de la région semblent tous pris en otage, d’une façon ou d’une autre, ce qui explique l’hémorragie humaine que nous constatons tous, souligne-t-il. Elle affecte les chrétiens de façon particulière, mais vous ne pouvez pas empêcher les jeunes générations de vouloir échapper à une situation sans horizon.»
« Le Liban est le pays vers lequel se tournent tous les chrétiens du monde arabe, pour trouver force et donner un sens à leur présence», enchaîne le patriarche Pizzaballa.
La mission éducative de l’Église latine, véritable «colonne vertébrale» de la présence chrétienne au Liban, est menacée de banqueroute par la dépréciation de la livre. Elle est à l’ordre du jour de la session. En effet, les élèves scolarisés dans les écoles catholiques répondent, pour moitié presque, d’établissements relevant de l’Église latine. Cette mission est aussi de première importance en Syrie et en Irak, pour ne citer que ces deux pays.
Synode sur la synodalité
Le synode sur la synodalité, une consultation sur la communication et la prise de décision au sein de l’Église catholique, lancé par le pape François, figurera par ailleurs, en tête de l’ordre du jour de la session. Sa phase continentale, qui précède sa phase finale au Vatican, prévue à l’automne, s’ouvre le 13 février au Liban. Toutefois, ses thèmes figurent à la périphérie des sujets centraux qui obsèdent les populations chrétiennes en ce moment, convient le patriarche, plus que conscient des impasses où se trouvent de nombreux pays du Moyen-Orient.
«Le christianisme est né sur la Croix», insiste cet inlassable avocat du dialogue, pour lequel «une relation personnelle avec le Christ fait toute la différence».
«Les choses ne changent pas d’elles-mêmes. Il y faut, dans une première étape, une vision personnelle claire, puis travailler au niveau institutionnel, ce qui est bien plus difficile», ajoute-t-il. «Il faut savoir attendre que les personnes avec lesquelles vous travaillez comprennent, et ne pas abandonner. S’ils se sentent aimés, les gens accepteront. Cela prend plus de temps, mais ce que vous faites tiendra!»
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