Séisme: dans une Syrie morcelée, une aide internationale fragmentaire
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Le séisme de magnitude 7,5 qui a frappé le sud de la Turquie le 6 février dernier a également touché le nord de la Syrie, faisant 21 700 morts dans ces deux pays selon un nouveau bilan provisoire ce vendredi. Dévasté et morcelé par douze années de guerre civile internationalisée, le pays levantin est désormais confronté à la lenteur de l’arrivée de l’aide internationale.

Après douze années de guerre en Syrie, ce sont à nouveau des images de destructions qui circulent sur les réseaux sociaux. Elles documentent les dommages du séisme du 6 février dernier, en particulier à Alep, sous contrôle du régime de Bachar el-Assad, et surtout à Idleb, région du nord-ouest syrien et dernier bastion rebelle du pays, soutenu par la Turquie.

Mais depuis 2011, il y a “une pluralité de guerres et de pays en Syrie”, pour reprendre les termes de l'écrivain syrien en exil Yassin Haj al Saleh. D’où le casse-tête des Occidentaux, qui souhaitent ne pas faire rimer aide internationale avec normalisation avec Damas.

Des survivants du séisme se logent dans des tentes de fortune. (AFP)
Aubaine diplomatique?

C’est dans ce contexte que le Croissant rouge syrien appelait mercredi soir l’Union européenne à la levée des sanctions contre le régime de Damas. Ce vendredi matin, le Trésor américain annonçait une levée partielle des sanctions prévues par la loi César, entrée en vigueur en 2020 aux États-Unis. Washington autorise ainsi “pendant 180 jours toutes les transactions liées aux secours en cas de tremblement de terre, ces transactions étant interdites” dans des circonstances normales. Une aubaine pour “le régime syrien qui profite de ce moment pour pousser à la normalisation”, analyse Ziad Majed, politiste et co-auteur de Dans la tête de Bachar al-Assad (2018).

Ces sanctions internationales prises contre le régime de Damas depuis 2011 limitent-elles l’action humanitaire? Sur le terrain à Alep, ville sous contrôle du régime et durement touchée par le séisme, Vincent Gelot, responsable de projets pour l'ONG L'Œuvre d'Orient en Syrie et au Liban, précise que la loi César, dans le texte, “n’empêche pas l’aide humanitaire, mais parle de mesures coercitives”. Cela étant, “le texte est dur et strict pour toute association et entreprise qui souhaiterait entreprendre une reconstruction. Financièrement, l’aide humanitaire qui arrive dans les régions contrôlées par le régime est insuffisante” ajoute-t-il.

Une petite fille syrienne est secourue après avoir passé trois jours dans les décombres. (AFP)

“Le César Act n’a rien à voir avec l’aide humanitaire”, spécifie Ziad Majed rappelant toutefois que l’assouplissement temporaire des sanctions prévu par le Trésor américain signifie que “des transferts vont pouvoir être réalisés vers le ministère de la Santé ou le Croissant rouge syriens, par exemple”. Mais sur son compte Twitter, Omar Alshogre, activiste et directeur des affaires des détenus au sein du groupe de travail d'urgence syrien, met en garde contre le fait qu’en cas de circulation de l’aide humanitaire européenne dans des territoires sous contrôle du régime de Damas, “cette aide deviendra un outil avec lequel Assad torturera son peuple.”
«Bab al-Hawa»

Il reste que jeudi, l'ONU avait appelé à "mettre la politique de côté" et faciliter l'accès au Nord-Ouest de la Syrie, désignant le dernier bastion rebelle, Idleb, soutenu par la Turquie. Jusque là, les principaux acteurs de l’aide sont les Casques blancs, secouristes des zones rebelles qui reçoivent des financements étrangers.


Le Royaume-Uni a ainsi annoncé mardi qu'il leur octroie une aide supplémentaire d'environ 900.000 euros. L'Egypte a pour sa part envoyé une équipe technique et des médecins. Le porte-parole des Casques Blancs, Mounir Moustafa, a souligné dans un communiqué mercredi que “la situation est catastrophique, comparée à nos capacités.”

Sur une photo publiée par l'agence officielle de presse arabe syrienne (SANA), le président syrien Bachar el-Assad (à droite) rend visite à un survivant blessé du tremblement de terre. (AFP)

Il convient de noter dans ce cadre que plus de quatre millions de personnes vivent dans les zones rebelles du nord, proches de la Turquie, dont Idleb contrôlée par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS). Bab al-Hawa, la “porte au vent”, est le seul point de passage à ce jour garanti par l’ONU, permettant à l’aide internationale de rejoindre cette région.

Si un premier camion d’aide a pu franchir le poste-frontière jeudi soir, le contrôle international de ce point de passage fait l’objet depuis plusieurs mois d’une pression accrue de la Russie, qui y voit une “capacité de chantage”, analyse Ziad Majed. La diplomatie turque dit s'employer à ouvrir deux autres points de passage "avec les régions sous contrôle du gouvernement" de Damas, "pour des raisons humanitaires".

Les secouristes recherchent des survivants parmi les décombres d'un immeuble dans la ville rebelle de Jindayris. (AFP)

Face aux difficultés à acheminer ainsi l’aide internationale, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé jeudi être "en route pour la Syrie". La présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric, est arrivée le même jour à Alep, en Syrie.

De son côté, Washington a annoncé jeudi une enveloppe de 85 millions de dollars à la Turquie et à la Syrie. La France débloquera pour sa part une aide d'urgence à la population syrienne à hauteur de 12 millions d'euros. En outre, Londres a annoncé jeudi une aide financière supplémentaire d'au moins 3,4 millions d'euros, soit un montant total de près de 4,3 millions d'euros alloués aux Casques Blancs.

Commentant enfin l’ensemble de cette situation, Ziad Majed relève en conclusion que la lenteur de l’aide internationale dans cette crise est “surprenante”. Il s’agit pour lui, note-t-il, d’une “continuité de la gestion de toute la question syrienne” depuis 2011.

Maxime Pluvinet avec AFP
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