Alors que les touristes occidentaux fuient l'Iran, synonyme d'instabilité et d'atteintes aux droits de l'homme, le pays cherche à diversifier sa clientèle. Riche en patrimoine et en sites de pèlerinage, l'Iran espère attirer les visiteurs venus d'Asie ainsi que les chiites d'Irak, du Liban, du Koweït ou du Pakistan qui viennent en nombre à Qom et Mashhad chaque année. 

En quelques années, l'Iran est passé de destination à la mode à "pays fortement déconseillé" aux voyageurs occidentaux. Une épreuve pour les professionnels du tourisme, qui tentent d'attirer des visiteurs de Chine ou des pays voisins en attendant des jours meilleurs.

L'opération séduction avait pourtant bien commencé: entre 2014 et 2019, les touristes européens se pressaient à Ispahan, Chiraz ou Persepolis, les joyaux de l'ancienne Perse.

Trop optimistes, les autorités iraniennes visaient les 20 millions de visiteurs par an d'ici à 2025 contre huit millions en 2019.

Mais, rapidement, les déconvenues se sont accumulées.

Le mouvement de contestation en Iran, relayé par de nombreux sit-in de solidarité en Occident, a mis un coup fatal au tourisme dans le pays (AFP)

"Le recul a commencé après le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire en 2018", explique Farzaneh Mohammadi, de la société des Chemins de fer iraniens. Puis, il y a eu les manifestations de novembre 2019 contre le pouvoir et le crash en janvier 2020 de l'avion ukrainien abattu après son décollage de Téhéran par des missiles des forces iraniennes.

"Des efforts ont ensuite été lancés pour rétablir la situation, mais les événements récents ont donné un coup fatal au tourisme", déplore Mme Mohammadi, en référence au mouvement de contestation qui s'est propagé dans le pays après la mort en détention de Mahsa Amini, une jeune Kurde de 22 ans, à la mi-septembre.

Les autorités iraniennes visaient les 20 millions de visiteurs par an d'ici à 2025 contre huit millions en 2019, un chiffre inatteignable à présent. (Creative Commons)

La forte médiatisation des manifestations à l'étranger "a contribué à créer une atmosphère d'iranophobie", regrette Maryam Jalali, la vice-ministre du Tourisme, interrogée par l'AFP au salon du Tourisme de Téhéran qui s'est tenu la semaine dernière.

Dans un tel contexte, "nous n'aurons probablement pas de touristes occidentaux ce printemps", la meilleure saison pour visiter le pays, souligne Mme Mohammadi.

"Quand les médias étrangers ne cessent de répéter qu'il y a des troubles dans le pays, cela décourage les voyageurs", se désole aussi Amir-Hossein Rahimi, le PDG de l'un des principaux tour-opérateurs privés du pays, Alaedin Travel.

M. Rahimi espère une prochaine relance des discussions sur le nucléaire, actuellement au point mort, pour "retrouver un environnement favorable" au tourisme.


En attendant, plusieurs pays, comme l'Allemagne et la France, déconseillent à leurs ressortissants de se rendre en Iran.

"Tout visiteur s'expose à un risque élevé d'arrestation, de détention arbitraire et de jugement inéquitable", avertit ainsi Paris, alors que six Français, dont certains voyageaient comme touristes, sont détenus dans les prisons du pays.
Les hôtels désertés

Le président de l'Association des hôteliers, Jamshid Hamzehzadeh, a récemment tiré la sonnette d'alarme sur le taux d'occupation des hôtels, désormais inférieur à 20%, qui a poussé les deux-tiers des établissements à réduire le nombre de leurs employés.

L'absence des voyageurs occidentaux à fort pouvoir d'achat va continuer aussi à peser sur l'activité, déjà en berne, des vendeurs de tapis et autres produits artisanaux dans les bazars et les grands sites touristiques.

C'est le cas de la ville historique de Yazd, située sur la route des épices et de la soie, où "près de 80% des guides ont perdu leur emploi depuis la pandémie" de Covid-19, se désole Davoud Dehghani, le président de l'association locale des guides touristiques, qui compte environ 200 membres.

Il se rappelle les jours heureux: "lorsque Yazd a été inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco en 2017, le nombre de touristes a explosé de plus de 500%", et la ville a trouvé sa place dans les circuits des tour-opérateurs, entre Chiraz et Ispahan.

Entre 2014 et 2019, les touristes européens se pressaient à Ispahan, Chiraz ou Persépolis, les joyaux de l'ancienne Perse. (Creative Commons)

"Heureusement", ajoute Davoud Dehghani, il reste "un petit nombre de touristes étrangers", venus "de Russie, de Chine, de Turquie ou d'autres pays" qui ne sont pas en froid avec la République islamique.

Pour la vice-ministre Maryam Jalali, la priorité est désormais d'attirer davantage de visiteurs des pays voisins, "qui partagent une culture et une religion communes".

Un grand nombre d'entre eux sont des pèlerins chiites d'Irak, du Liban, du Koweït ou du Pakistan qui se rendent, souvent en groupes, dans les villes saintes de Machhad (nord-est) et de Qom (nord).

L'Iran veut également développer le tourisme médical en s'appuyant sur ses efficaces infrastructures de santé, ses tarifs moins élevés et son expertise en chirurgie esthétique, dont sont de plus en plus adeptes les habitants du Moyen-Orient.

Sami Erchoff avec AFP
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