Rahil al-Farashat («L’Émigration des papillons») est le nom de la nouvelle mise en scène de Shady Habr. Écrite par Dimitri Melki et interprétée par Zeina Melki et Olfat Khattar, la pièce est un vécu familial et social, et porte une dimension à la fois onirique, philosophique et émotionnelle. Du 2 au 12 mars 2023, à 20h30, au théâtre Le Monnot.
Les planches du théâtre Le Monnot se transforment en grenier. Au fond d’une baignoire, dans une scénographie qui relève de l’imaginaire, deux femmes se retrouvent dans un huis-clos, pourtant grand ouvert sur le passé.
L’Émigration des Papillons relate l’histoire de deux sœurs qui se retrouvent dans le grenier de leur maison, au beau milieu de leurs anciennes affaires qui ravivent en eux la flamme des souvenirs. Nostalgie et sentiments refont surface et submergent les deux personnages, ce qui aboutit à un règlement de compte. Pourtant, petit à petit, les rôles s’inversent, les masques tombent et les deux sœurs révèlent les secrets qui étaient jusque-là enfouis au fond du cœur de chacune.
Un événement commun scelle leur passé. La vérité bâtit un pont entre elles. Un même destin les relie à jamais. Dans cette marge d’indicible et de vérité poignante, la pièce rengorgeant de détails va en crescendo jusqu’au moment où tout est dit. Tout. La haine ou l’amour, les émotions refoulées, les secrets dérobés. À leurs contrastes déchirants s’ajoute leur relation fusionnelle…
Crédit photo : Chris Ghafary
Le choix des actrices est associé au texte scénique délicat et qui requiert deux actrices professionnelles. La première, Zeina Melki, est connue pour ses rôles de scène avec Raymond Gebara, Gabriel Yammine, Camil Salamé, entre autres, et de télévision avec Marwan Najjar, Antoine Rémi…, ainsi que pour sa voix off dans plusieurs feuilletons télévisés. Elle a également remporté le prix de la meilleure actrice arabe au festival de la télévision arabe en 1988 en Tunisie. La seconde, Olfat Khattar, a acquis une expérience scénique grâce aux ateliers «Masra7 Cheghl el-Beit». Elle a marqué le public en dénonçant les tabous, les codes sociaux et le vécu d’une femme arabe dans un monologue bouleversant, Aazizati Olfat («Chère Olfat»), qu’elle a elle-même rédigé et interprété en 2020, sur une mise en scène de Shady Habr également. Ce dernier déclare à ce sujet: «Le scénario nécessite aussi deux sœurs. La ressemblance entre les deux actrices est également un critère important. Le choix s’est porté sur elles pour incarner les personnages respectifs.»
Les éléments visuels et sonores s’enchaînent sur les planches sous la direction artistique de Shady Habr et accentuent l’ambiance d’un grenier suspendu entre réel et imaginaire. La musique d’instruments à percussion en live d'Achraf Hussein transpose le spectateur dans un univers autre. Mais aussi, et surtout, la lumière… Cette lumière toujours féérique, conçue par Hagop Derghougassian et exécutée par Toufic al-Asafaoui ajoute une nouvelle dimension scénique au tableau mouvant. La lumière n’est-elle pas ce qui reste quand tout part? Immuable, inchangeable, claire, transparente, elle demeure. C’est peut-être vers elle que s’envolent les ailes, attirées par son éclat… La lumière adoucit le noir. Et, parfois, la lumière brûle.
Les questionnements perdurent tout au long de la pièce où la problématique se déroule au fil de la représentation. Au-delà de ces secrets, plus loin que le mystère, que reste-t-il quand les masques tombent? Derrière un visage de marbre, combien de faces un être humain peut-il avoir? Connaît-on vraiment l’autre, assis près de nous? Et, pour répondre à Socrate, se connaît-on un jour vraiment?
La question à laquelle le metteur en scène s’obstine à ne pas répondre persiste: où s’en vont les papillons? Où partent-ils quand ils émigrent? Réponse que Shady Habr laisse à l’audience, pour «garder le mystère» et laisser au public la magie de la découverte théâtrale, du déroulement des événements, de l’ici et du maintenant, ainsi que des projections individuelles et collectives… jusqu’à ce petit quelque chose cathartique que chacun emporte avec lui après la représentation, et qui reste.
Marie-Christine Tayah
Instagram:
Les planches du théâtre Le Monnot se transforment en grenier. Au fond d’une baignoire, dans une scénographie qui relève de l’imaginaire, deux femmes se retrouvent dans un huis-clos, pourtant grand ouvert sur le passé.
L’Émigration des Papillons relate l’histoire de deux sœurs qui se retrouvent dans le grenier de leur maison, au beau milieu de leurs anciennes affaires qui ravivent en eux la flamme des souvenirs. Nostalgie et sentiments refont surface et submergent les deux personnages, ce qui aboutit à un règlement de compte. Pourtant, petit à petit, les rôles s’inversent, les masques tombent et les deux sœurs révèlent les secrets qui étaient jusque-là enfouis au fond du cœur de chacune.
Un événement commun scelle leur passé. La vérité bâtit un pont entre elles. Un même destin les relie à jamais. Dans cette marge d’indicible et de vérité poignante, la pièce rengorgeant de détails va en crescendo jusqu’au moment où tout est dit. Tout. La haine ou l’amour, les émotions refoulées, les secrets dérobés. À leurs contrastes déchirants s’ajoute leur relation fusionnelle…
Crédit photo : Chris Ghafary
Le choix des actrices est associé au texte scénique délicat et qui requiert deux actrices professionnelles. La première, Zeina Melki, est connue pour ses rôles de scène avec Raymond Gebara, Gabriel Yammine, Camil Salamé, entre autres, et de télévision avec Marwan Najjar, Antoine Rémi…, ainsi que pour sa voix off dans plusieurs feuilletons télévisés. Elle a également remporté le prix de la meilleure actrice arabe au festival de la télévision arabe en 1988 en Tunisie. La seconde, Olfat Khattar, a acquis une expérience scénique grâce aux ateliers «Masra7 Cheghl el-Beit». Elle a marqué le public en dénonçant les tabous, les codes sociaux et le vécu d’une femme arabe dans un monologue bouleversant, Aazizati Olfat («Chère Olfat»), qu’elle a elle-même rédigé et interprété en 2020, sur une mise en scène de Shady Habr également. Ce dernier déclare à ce sujet: «Le scénario nécessite aussi deux sœurs. La ressemblance entre les deux actrices est également un critère important. Le choix s’est porté sur elles pour incarner les personnages respectifs.»
Les éléments visuels et sonores s’enchaînent sur les planches sous la direction artistique de Shady Habr et accentuent l’ambiance d’un grenier suspendu entre réel et imaginaire. La musique d’instruments à percussion en live d'Achraf Hussein transpose le spectateur dans un univers autre. Mais aussi, et surtout, la lumière… Cette lumière toujours féérique, conçue par Hagop Derghougassian et exécutée par Toufic al-Asafaoui ajoute une nouvelle dimension scénique au tableau mouvant. La lumière n’est-elle pas ce qui reste quand tout part? Immuable, inchangeable, claire, transparente, elle demeure. C’est peut-être vers elle que s’envolent les ailes, attirées par son éclat… La lumière adoucit le noir. Et, parfois, la lumière brûle.
Les questionnements perdurent tout au long de la pièce où la problématique se déroule au fil de la représentation. Au-delà de ces secrets, plus loin que le mystère, que reste-t-il quand les masques tombent? Derrière un visage de marbre, combien de faces un être humain peut-il avoir? Connaît-on vraiment l’autre, assis près de nous? Et, pour répondre à Socrate, se connaît-on un jour vraiment?
La question à laquelle le metteur en scène s’obstine à ne pas répondre persiste: où s’en vont les papillons? Où partent-ils quand ils émigrent? Réponse que Shady Habr laisse à l’audience, pour «garder le mystère» et laisser au public la magie de la découverte théâtrale, du déroulement des événements, de l’ici et du maintenant, ainsi que des projections individuelles et collectives… jusqu’à ce petit quelque chose cathartique que chacun emporte avec lui après la représentation, et qui reste.
Marie-Christine Tayah
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