SOS, notre sauvetage ne viendra que de l’extérieur!
Notre destin a toujours été décidé par les autres. Notre régime constitutionnel et notre surface géographique dépendent de l’entente internationale ou régionale. D’où cet appel à la rescousse, les Libanais ne pouvant gérer leur crise en interne.

Non, Messieurs, nous n’allons pas nous faire des illusions! Le Liban ne sera sauvé et remis sur les rails que par une intervention étrangère. Que le monde entier soit lassé de nos querelles intestines, c’est entendu. Et qui ne le serait pas? Mais de là à ce que le «concert des nations» nous dise que seule une solution interne peut résoudre nos problèmes de gouvernance revient à se laver les mains et à renoncer à mettre de l’ordre dans notre embrouillamini.

Et qui irait le reprocher aux pays amis qui se penchent sur l’enfant gâté qui ne veut rien entendre? Nous sommes incorrigibles!

Cependant, pour une saine analyse de la situation, rappelons deux vérités:

D’abord, et surtout, que nous sommes sous occupation comme l’Europe l’a été quand elle gémissait sous la botte nazie. C’est le débarquement en Normandie, et non les faits de résistance locale pour héroïques qu’ils fussent, qui libéra les pays occupés de la peste brune. De l’occupation iranienne du Liban, de la Syrie comme de l’Irak, les pays «bien-pensants» sont en partie responsables, un peu par lâcheté, un peu par candeur, la sécurité étant une notion collective voire globalisante. Et là, une intervention humanitaire ou plus musclée s’impose.

Deuxio, qu’il y a notre histoire libanaise, sa pesanteur et ses antécédents. À faire un inventaire rapide des régimes qui se sont succédé depuis le XIXe siècle, j’arrive à la constatation amère suivante: «Ce ne sont jamais les Libanais qui ont décidé de leur propre sort; notre destin constitutionnel et notre surface géographique ont toujours dépendu de l’entente internationale ou régionale. Pas plus en 1989 à Taëf, là où nos députés étaient cloîtrés ou maintenus quasi-otages, qu’à la Résidence des pins où le Grand Liban fut proclamé en 1920 par un général français, les Libanais ne furent proprement consultés.» (1)

Ibrahim pacha ou l'occupation égyptienne.

Ainsi ni le Mont Liban autonome ni la République libanaise indépendante n’ont survécu, sous une forme ou une autre, qu’en fonction d’interventions étrangères. En d’autres termes notre destin, à nous Libanais, a toujours été taillé par les autres. En témoigne ce bref exposé chronologique:

1- En 1840, le pays était occupé par les Égyptiens et la révolte des populations, toutes confessions confondues, n’aurait pas été en mesure de chasser les troupes d’Ibrahim pacha, n’était-ce le bombardement de Beyrouth par la flotte essentiellement britannique et le débarquement d’environ dix mille hommes de troupes anglaises, autrichiennes et turques aux environs de Jounieh pour prêter main-forte à l’insurrection.

2- Le double Qaymacamat en 1841: le prince de Metternich proposa que le Mont Liban fût divisé en deux districts administratifs, l’un au nord placé sous le pouvoir d’un qaymacam maronite, et l’autre au sud gouverné par un druze. C’était «un compromis entre le point de vue des Français et celui des Ottomans». (2)


3- Alertés par l’ampleur des massacres au Mont Liban et à Damas, les troupes françaises débarquèrent le 16 août 1860 au Liban et installèrent leurs camps à Beyrouth. Le Règlement Organique de 1861, qui allait instituer la Mutasarifiya et assurer une ère de paix et de prospérité relative, fut mis au point par une commission où étaient représentées la France, la Grande-Bretagne, la Russie, l’Autriche et la Turquie.

4- Pour ce qui est du XXe siècle, que d’interventions étrangères pour mettre un terme aux antagonismes ou démarrer de nouvelles époques! Je ne citerai que le débarquement des marines américains sur les plages de Beyrouth, à la suite du coup d’État du 14 juillet 1958 qui renversa la monarchie hachémite en Iraq.

5- Au total, il faudrait des chapitres pour couvrir les interventions syrienne, israélienne, multinationale, iranienne, etc.

Cela dit, je n’ai jamais vu les Libanais décider de leur sort lors de ces grandes échéances politiques. Alors, s’ils sont quelque peu lucides, ils doivent vivre dans l’expectative de l’imprévu qui finira toujours par se manifester. Mes concitoyens savent qu’ils ne peuvent faire bon ménage que sous la pression extérieure ou la menace militaire de l’étranger. Ils savent, également et d’instinct, que leurs guerres de libération menées contre l’envahisseur finissent toujours en conflits internes entre les alliés de la veille.

De mémoire de citoyen lambda, je n’ai jamais vu les Libanais s’entendre pour trouver une solution à leurs problèmes et gérer leurs crises en interne?

Pour leur bonheur, la Syrie est trop délabrée pour songer à phagocyter leur petit pays.

Qassem Soleimani ou l'intervention iranienne.

Youssef Mouawad
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1- Youssef Mouawad, «L’État au risque de sa subjugation», L’Orient-Le Jour, 22 janvier 2022, p. 11.
2- Kamal Salibi, Histoire du Liban du XVIIe siècle à nos jours, 2e édition, Naufal, Beyrouth, 1992, p. 118.
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