La "haine", la crainte des "flammes de l'enfer", puis la "honte". A la cour d'assises spéciale de Paris, la "revenante" de Syrie, Amandine Le Coz, a tenté d'expliquer ses cinq années passées en territoire du groupe terroriste Daech.
Le procès d'Amandine Le Coz, une "revenante" radicalisée qui a séjourné plus de cinq ans en zone irako-syrienne jihadiste à partir de 2014, s'est ouvert devant la cour d'assises spéciale de Paris. Cheveux châtains lâchés sur les épaules, long gilet gris, l'accusée de 32 ans originaire du Val-d'Oise a décliné depuis le box son identité, d'une voix hésitante.
Elle comparaît pour association de malfaiteurs terroriste criminelle à cause de sa participation aux activités de Daech (Etat islamique-EI). Vendredi soir, la cour a prononcé son verdict: Amandine est condamnée à dix ans de réclusion criminelle, une peine assortie d'une mesure de sûreté des deux tiers. La justice a également ordonné un suivi socio-judiciaire pendant sept ans après sa sortie de prison.
Amandine Le Coz a écouté le verdict visiblement tendue, les bras accrochés au rebord du box. "Vous avez compris ?", lui demande le président Laurent Raviot. "Mon avocate m'expliquera", répond la jeune femme de 32 ans. La cour a "considéré que vous aviez fait des efforts, mais vous avez encore besoin de faire des efforts, et d'être accompagnée", lui dit le président de la cour. "Effectivement", "Merci M. le président", répond Amandine Le Coz.
Des centaines d'enfants français et leurs mères croupissaient dans les camps de prisonniers ayant combattu avec Daech, gardés par les Kurdes au nord-est syrien. (AFP)
A l'audience, elle a reconnu pour la première fois avoir envisagé de se "faire exploser". "Je voulais mourir en martyre, oui c'est vrai, parce que j'avais peur de l'enfer", a déclaré, pleine de "honte", celle qui a assuré avoir depuis "appris à réfléchir".
L'avocat général fait défiler des photos de son époque syrienne - elle y est arrivée en septembre 2014. Sur un cliché apparaît son premier mari, tout sourire, ceinture explosive sur le dos.
"C'est vous qui la lui avez mise ?", demande l'avocat général. "Non, mais j'en ai déjà porté une", répond Amandine Le Coz. "Pour mourir en martyr. Je pensais que c'était la meilleure adoration".
"On est un peu plus que dans la radicalisation, là... On est dans le jihad", observe le magistrat.
Il juge que la femme est "loin d'être une victime", mais plutôt une "femme proactive radicalisée, qui a affiché ses convictions" et qui, "tant qu'elle pouvait bénéficier de son statut, n'a jamais remis en cause cet engagement jihadiste".
Amandine Le Coz s'est convertie à l'islam à 23 ans, et ses parents l'ont mise dehors. À cause de ce rejet, celle qui a été un peu mannequin, un peu vendeuse, beaucoup fêtarde, se radicalise rapidement. "J'étais dans la haine", justifiera-t-elle du box vitré.
Comme Amandine Le Coz, des centaines de filles européennes avaient rejoint Daech. La résidente britannique de nationalité française Tooba Gondal, alias "Umm Muthanna al-Britaniyah", 25 ans, avait rejoint le groupe terroriste en 2015. Ces photos la montrent totalement métamorphosée. (Twitter)
Elle se cherche un mari sur internet. Le premier candidat est un certain "Abou Merguez". "Vous l'aviez rencontré comment ?", demande le président Raviot. "J'avais tapé +Abou...+ sur Facebook", répond Amandine Le Coz, "candide", "naïve" selon l'experte psychologue qui l'a examinée.
A l'été 2014, sur internet, elle trouve finalement à épouser un combattant de l'EI. "Parce que je le trouvais beau". Dans la foulée, elle le rejoint à Raqqa, au nord de la Syrie.
Battue par ce premier mari, elle obtiendra le droit de divorcer. Elle se remariera quelques mois plus tard avec un autre combattant, avec qui elle aura un enfant.
Sur les réseaux sociaux, elle tente de convaincre au moins deux femmes, dont une mineure, de rejoindre la Syrie. "C'est à cause d'idiotes comme moi que des filles" partent en Syrie, "qu'elles se font battre, violer, tuer", sanglote-t-elle, s'excusant à nouveau. "J'ai honte".
Chez les Françaises de l'EI, on la dit tantôt "grosse chienne", "elle draguait sur internet alors qu'elle était mariée", rapporte l'une d'elles entendue pendant l'enquête, ou de "grande gueule".
"C'est vrai que je faisais ma belle" dit Amandine Le Coz. "Je disais ne pas avoir peur des bombardements alors que j'étais pétrifiée".
L'ONU a condamné à maintes reprises l'attitude de la France et des autres pays européens d'avoir longtemps hésité à rapatrier ses ressortissants des camps syriens de prisonniers. (AFP)
Le président Raviot l'interroge sur son "ambiguïté", elle qui a plusieurs fois tenté de quitter l'EI sans jamais donner suite.
"J'avais peur d'être une mécréante, j'avais peur des flammes de l'enfer, je croyais à ce que Daech faisait", dit-elle. "D'un autre côté je voulais revoir ma famille, avoir une vie normale, être heureuse".
C'est finalement, dit-elle, pour l'avenir de son fils qu'elle décide de se rendre aux forces kurdes en 2018. Retenue 18 mois dans les camps de Roj et d'Aïn Issa, elle sera expulsée vers la France fin 2019.
A l'audience, Amandine Le Coz aura longuement loué le travail qu'elle a fait en prison, en QPR (quartiers de prise en charge de la radicalisation): "J'ai appris à réfléchir (...) je suis sur la voie de la guérison, mais pas encore guérie".
Marie de La Roche Saint-André, avec AFP
Le procès d'Amandine Le Coz, une "revenante" radicalisée qui a séjourné plus de cinq ans en zone irako-syrienne jihadiste à partir de 2014, s'est ouvert devant la cour d'assises spéciale de Paris. Cheveux châtains lâchés sur les épaules, long gilet gris, l'accusée de 32 ans originaire du Val-d'Oise a décliné depuis le box son identité, d'une voix hésitante.
Elle comparaît pour association de malfaiteurs terroriste criminelle à cause de sa participation aux activités de Daech (Etat islamique-EI). Vendredi soir, la cour a prononcé son verdict: Amandine est condamnée à dix ans de réclusion criminelle, une peine assortie d'une mesure de sûreté des deux tiers. La justice a également ordonné un suivi socio-judiciaire pendant sept ans après sa sortie de prison.
Amandine Le Coz a écouté le verdict visiblement tendue, les bras accrochés au rebord du box. "Vous avez compris ?", lui demande le président Laurent Raviot. "Mon avocate m'expliquera", répond la jeune femme de 32 ans. La cour a "considéré que vous aviez fait des efforts, mais vous avez encore besoin de faire des efforts, et d'être accompagnée", lui dit le président de la cour. "Effectivement", "Merci M. le président", répond Amandine Le Coz.
Des centaines d'enfants français et leurs mères croupissaient dans les camps de prisonniers ayant combattu avec Daech, gardés par les Kurdes au nord-est syrien. (AFP)
Des témoignages accablants
A l'audience, elle a reconnu pour la première fois avoir envisagé de se "faire exploser". "Je voulais mourir en martyre, oui c'est vrai, parce que j'avais peur de l'enfer", a déclaré, pleine de "honte", celle qui a assuré avoir depuis "appris à réfléchir".
L'avocat général fait défiler des photos de son époque syrienne - elle y est arrivée en septembre 2014. Sur un cliché apparaît son premier mari, tout sourire, ceinture explosive sur le dos.
"C'est vous qui la lui avez mise ?", demande l'avocat général. "Non, mais j'en ai déjà porté une", répond Amandine Le Coz. "Pour mourir en martyr. Je pensais que c'était la meilleure adoration".
"On est un peu plus que dans la radicalisation, là... On est dans le jihad", observe le magistrat.
Il juge que la femme est "loin d'être une victime", mais plutôt une "femme proactive radicalisée, qui a affiché ses convictions" et qui, "tant qu'elle pouvait bénéficier de son statut, n'a jamais remis en cause cet engagement jihadiste".
Amandine Le Coz s'est convertie à l'islam à 23 ans, et ses parents l'ont mise dehors. À cause de ce rejet, celle qui a été un peu mannequin, un peu vendeuse, beaucoup fêtarde, se radicalise rapidement. "J'étais dans la haine", justifiera-t-elle du box vitré.
Comme Amandine Le Coz, des centaines de filles européennes avaient rejoint Daech. La résidente britannique de nationalité française Tooba Gondal, alias "Umm Muthanna al-Britaniyah", 25 ans, avait rejoint le groupe terroriste en 2015. Ces photos la montrent totalement métamorphosée. (Twitter)
Battue par"Abou Merguez", son mari
Elle se cherche un mari sur internet. Le premier candidat est un certain "Abou Merguez". "Vous l'aviez rencontré comment ?", demande le président Raviot. "J'avais tapé +Abou...+ sur Facebook", répond Amandine Le Coz, "candide", "naïve" selon l'experte psychologue qui l'a examinée.
A l'été 2014, sur internet, elle trouve finalement à épouser un combattant de l'EI. "Parce que je le trouvais beau". Dans la foulée, elle le rejoint à Raqqa, au nord de la Syrie.
Battue par ce premier mari, elle obtiendra le droit de divorcer. Elle se remariera quelques mois plus tard avec un autre combattant, avec qui elle aura un enfant.
Sur les réseaux sociaux, elle tente de convaincre au moins deux femmes, dont une mineure, de rejoindre la Syrie. "C'est à cause d'idiotes comme moi que des filles" partent en Syrie, "qu'elles se font battre, violer, tuer", sanglote-t-elle, s'excusant à nouveau. "J'ai honte".
Chez les Françaises de l'EI, on la dit tantôt "grosse chienne", "elle draguait sur internet alors qu'elle était mariée", rapporte l'une d'elles entendue pendant l'enquête, ou de "grande gueule".
"C'est vrai que je faisais ma belle" dit Amandine Le Coz. "Je disais ne pas avoir peur des bombardements alors que j'étais pétrifiée".
L'ONU a condamné à maintes reprises l'attitude de la France et des autres pays européens d'avoir longtemps hésité à rapatrier ses ressortissants des camps syriens de prisonniers. (AFP)
Le président Raviot l'interroge sur son "ambiguïté", elle qui a plusieurs fois tenté de quitter l'EI sans jamais donner suite.
"J'avais peur d'être une mécréante, j'avais peur des flammes de l'enfer, je croyais à ce que Daech faisait", dit-elle. "D'un autre côté je voulais revoir ma famille, avoir une vie normale, être heureuse".
C'est finalement, dit-elle, pour l'avenir de son fils qu'elle décide de se rendre aux forces kurdes en 2018. Retenue 18 mois dans les camps de Roj et d'Aïn Issa, elle sera expulsée vers la France fin 2019.
A l'audience, Amandine Le Coz aura longuement loué le travail qu'elle a fait en prison, en QPR (quartiers de prise en charge de la radicalisation): "J'ai appris à réfléchir (...) je suis sur la voie de la guérison, mais pas encore guérie".
Marie de La Roche Saint-André, avec AFP
Lire aussi
Commentaires