Présidentielle turque: l'alliance de l'opposition vole en éclat
En lice pour la présidentielle du 14 mai face au camp du président Erdogan, l'alliance de l'opposition turque s'est fracturée. En cause, l'impossibilité de se mettre d'accord sur le choix d'un candidat commun aux six partis.

L'alliance de six partis de l'opposition turque s'est fracturée vendredi sur le choix d'un candidat commun pour affronter le chef de l'État sortant Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle du 14 mai.

Le chef de l'État turc, au pouvoir depuis vingt ans et candidat à sa propre succession, a annoncé mercredi maintenir les élections présidentielle et législatives à la date prévue, malgré le séisme dévastateur du 6 février qui a fait plus de 45.000 morts.

Le Bon Parti (nationaliste), la deuxième plus importante formation de l'alliance de l'opposition, a refusé de se ranger derrière la candidature de Kemal Kiliçdaroglu, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le principal parti d'opposition.

L'investiture de M. Kiliçdaroglu doit être officialisée lundi.

Le président du principal parti d'opposition turc, le Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kilicdaroglu, rencontre le membre du Conseil des présidents du Parti de gauche Onder Isenler, à Ankara (Photo de Adem ALTAN / AFP)

Dans une allocution télévisée, la fondatrice et présidente du Bon Parti, Meral Aksener, a déploré le choix de M. Kiliçdaroglu, estimant qu'il résultait de "petits calculs" contraires à l'intérêt général des Turcs.

"Depuis hier, la Table des Six (le surnom de l'alliance de l'opposition, NDLR) a perdu sa capacité à refléter la volonté de la nation", a déclaré la seule figure féminine de l'opposition.

"Cette alliance n'est plus une plateforme de bon sens où l'on peut discuter des candidats potentiels : elle est devenue un bureau de notaires travaillant à l'approbation d'un seul candidat", a-t-elle dénoncé.

Elle a appelé les populaires maires d'Istanbul et d'Ankara, Ekrem Imamoglu et Mansur Yavas, tous deux membres du CHP, à se présenter.

"Notre nation vous aime, notre nation vous réclame", a-t-elle lancé à l'issue d'une réunion avec les cadres de son parti.
Agrandir la "table"

Meral Aksener, fondatrice et présidente du nationaliste Bon Parti (Iyi Parti), le deuxième plus importante formation de l'alliance de l'opposition.

Tout en soutenant "son président" Kemal Kiliçdaroglu, M. Yavas s'était dit prêt mardi à remplir son "devoir" si l'alliance le lui demandait.

M. Imamoglu a réitéré vendredi son soutien à une candidature du chef du CHP.


Dans une vidéo qu'il a partagée sur Twitter, M. Kilicdaroglu a évoqué son intention d'ouvrir à d'autres partis l'alliance de l'opposition, initialement appelée "la Table des Six".

"Nous devons inviter toutes les couleurs de la Turquie à cette table. (...) Cette table doit s'agrandir. Personne ne peut l'empêcher", a-t-il affirmé.

Le chef du CHP a aussi reproché, sans la nommer, à Mme Aksener d'adopter "le langage d'Erdogan", ainsi que "des jeux politiques et de l'impolitesse".

"Que notre peuple ne soit pas inquiet. Nous vaincrons de toute façon Erdogan et sa machine de propagande. Soyez sûr, nous vaincrons", a-t-il assuré.

"Le rejet de (la candidature de) Kiliçdaroglu par Aksener porte un sérieux coup aux perspectives de l'opposition. Elle a fait un beau cadeau à Erdogan", juge l'analyste Anthony Skinner.

Pour une partie des soutiens de l'opposition, M. Kiliçdaroglu, un ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans et issu de la minorité alévie, souffre d'un manque de charisme face au chef de l'État, qui s'affiche volontiers en homme fort.

Le président du Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kilicdaroglu et le président du parti de la Félicité (SP) Temel Karamollaoglu (Photo de Adem ALTAN / AFP)

Mais M. Erdogan devra répondre de la lenteur des secours dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre du 6 février, ainsi que du manque d'anticipation des risques sismiques par son gouvernement.

Des manquements que M. Kiliçdaroglu n'a pas manqué de relever, dénonçant "l'incompétence" et la corruption à la tête du pays.

Le parti de gauche prokurde HDP, tenu à l'écart de l'alliance de l'opposition, et qui n'a pas encore annoncé de candidat pour la présidentielle, voit d'un bon œil la candidature de M. Kiliçdaroglu.

Il reste maintenant dix semaines à l'opposition pour imposer l'image de son candidat et faire campagne.

Selon les médias turcs, le CHP a convoqué une réunion extraordinaire de son conseil exécutif central dans la foulée des déclarations de Mme Aksener.

Le séisme d'une magnitude de 7,8, qui a dévasté onze provinces du sud de la Turquie, pose par ailleurs d'importants problèmes logistiques avec, entre autres, 3,3 millions de personnes déplacées.

Marie de La Roche Saint-André, avec AFP
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