Liban-Yémen: Les Houthis sont dans la banlieue sud de Beyrouth et le Hezbollah à Sanaa
Le dossier de la guerre au Yémen et plus particulièrement du rôle direct du Hezbollah libanais dans ces hostilités qui durent depuis près de sept ans, a rebondi sur le devant de la scène ces quelques jours après les accusations du porte-parole de la coalition arabe, soutenue par l’Arabie saoudite, le général Turki el-Maliki, dimanche, contre le Hezbollah. L’officier saoudien qui avait affirmé avoir des preuves de l’implication de la formation chiite dans l’utilisation de l’aéroport de Sanaa pour bombarder l’Arabie saoudite, avait montré une vidéo dans laquelle un homme qu’il a présenté comme étant un expert militaire du Hezbollah, aidait des rebelles houthis à piéger des drones à l’intérieur même de l’aéroport de Sanaa.

Le plus intéressant dans cette affaire est que le parti pro-iranien n’a pas démenti les accusations saoudiennes, se contentant de les qualifier de « ridicules » et de considérer qu’elles « ne méritent pas une réponse ». Un de ses médias devait situer la conférence de presse de Turki el-Maliki dans le cadre d’un « ciblage saoudien continu du Hezbollah » et l’interpréter comme « un message destiné à Téhéran alors que les réunions entre négociateurs iraniens et saoudiens ont lieu dans plusieurs capitales ».

Quels que soient le discours ou les arguments que le parti pro-iranien développe, ils ne leurrent plus personne et ne cachent en aucune façon le soutien direct du Hezbollah aux rebelles houthis et son implication dans la guerre au Yémen aux côtés de ces derniers. Les puissances régionales et internationales le savent. Les dirigeants libanais aussi. Au début du mois de décembre, un ministre yéménite avait annoncé le décès d’un responsable de la branche militaire du Hezbollah, Akram Sayyed, dans des frappes de l'armée yéménite, à Ma'rib, au nord du pays, se félicitant d’un "coup sévère" porté ainsi à l’Iran. Le parti chiite n’avait pas réagi à cette information.

Depuis que l’Arabie saoudite a rompu les ponts avec Beyrouth après des propos maladroits de l’ancien ministre de l’Information, Georges Cordahi, au sujet de la guerre du Yémen, les responsables libanais ne cachent plus leur ras-le-bol face aux agissements du parti de Hassan Nasrallah qui a pris à charge sans que personne ne le lui demande, la politique étrangère du Liban. Pas plus tard que ce mardi, le Premier ministre libanais Nagib Mikati est revenu sur ce problème, critiquant implicitement le Hezbollah lorsqu’il a appelé dans une conférence de presse qu’il a tenue le matin, à un dialogue national pour mettre les points sur les i concernant la politique étrangère du pays. Nagib Mikati a aussi appelé au respect de la politique de distanciation à laquelle le gouvernement libanais s’était engagé en décembre 2017 et n’a pas hésité à stigmatiser « les ingérences dans les affaires internes de certains pays arabes », sans toutefois citer le parti pro-iranien.

Une personnalité chiite de l’opposition confirme le soutien direct que le Hezbollah apporte à partir du Liban et du Yémen aux Houthis qui contrôlent la plupart des régions nord du Yémen et qui sont engagés dans des combats féroces contre les forces du président Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenu depuis 2017 par Riyad.

Mandaté par Khamenei

Elle explique que le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, avait été mandaté de cette mission au Yémen par l’ayatollah Ali Khamenei, guide spirituel de l’Iran, tout comme le général Qassem Soleimani, (liquidé par les Etats-Unis le 3 janvier 2020) était mandaté, toujours par Khamenei, du dossier irakien.

Les Houthis, poursuit cette personnalité, ont une présence importante dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, où un de leur guide spirituel, cheikh Abdel Malak Chami, avait été enterré en 2015 près du mausolée du cadre Hezbollahi, Imad Moghnieh, tué en Syrie. Leur présence se manifeste aussi entre autres, à travers leurs médias, financés directement par l’Iran qui se servait du port de Beyrouth, avant l’explosion du 4 août 2020, pour faire parvenir des armes aux rebelles au Yémen, mais aussi au mouvement Hamas, dans les territoires occupés. Le Hezbollah avait pour mission d’envoyer ces armes à bord de cargos qui traversaient la Méditerranée jusqu’à la Mer rouge où se situe le port stratégique d’Hodeida tombé sous le contrôle des Houthis depuis 2015 et que la coalition arabe a essayé en vain de récupérer.

Cette même personnalité estime que le Hezbollah s’est attelé à compenser la perte du port de Beyrouth en exploitant d’autres ports au Liban ou en Syrie, ce qui pourrait expliquer les raids israéliens récents sur le port de Lattaquié, alors que le littoral syrien était généralement épargné par les bombardiers israéliens.

Pour le parti pro-iranien, sa présence au Yémen reste hautement stratégique. Lorsque son chef avait évoqué sur un ton menaçant, lors d’une diatribe contre les Forces libanaises en octobre dernier, la présence de 100 000 combattants armés et entraînés dans ses rangs, il ne s’adressait pas seulement au parti de Samir Geagea, mais semblait expliquer à qui voulait l’entendre qu’il disposait des moyens humains qui lui permettent d’intervenir là où il le souhaite. Dans la vidéo montré par le général Maliki, l’individu présenté comme étant un cadre du Hezbollah affirmait : « Hassan Nasrallah avait exprimé le souhait de mener le Jihad (guerre sainte) au Yémen. La guerre en Syrie va se terminer bientôt et la plupart des combattants vont venir au Yémen. Nous voulons une importante mobilisation de jihadistes. Nous voulons nous réorganiser pour empêcher la chute de Hodeida ».

Alors que le conflit s’accentue au Yémen, les relations entre les deux alliés de l’Iran, les Houthis et le Hezbollah, sont appelés à se consolider davantage, craint cette personnalité, qui redoute par voie de conséquence une aggravation de la crise entre le Liban et l’Arabie saoudite, compte-tenu des accusations lancées par Turki el-Maliki dimanche.

Dans ce contexte, la question se pose au sujet de l’aptitude du Premier ministre libanais à normaliser les relations de Beyrouth avec Riyad. L’intention y est. Nagib Mikati n’arrête pas de l’affirmer. Le tout est de savoir par quels moyens.
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