Lettres à Beyrouth, juste après - (34) L’éternel retour de ces dates...
Ces jours importants que l’on garde pour nous ou que l’on célèbre ailleurs. Un numéro insignifiant pour les autres et qui veut tout dire pour nous. La première fois. La dernière. L’entre-deux. Un numéro de téléphone. De chambre d’hôtel. D’un billet de cinéma. De-coup de- théâtre.

Un anniversaire de vie ou de mort. Un jour qui tourne notre calendrier. Nos 365. Encore une fois. Et, comme un manège d’enfants, de tour en tour, on tourne en rond. En cycle de vie ou de mort. D’attente ou de laisser-aller. On croque la vie à pleines dents ou on digère la mort. La peur du vide. Du départ de ceux qu’on aime. Par un jour comme un autre. Une date banale. Qui n’aura plus jamais le même impact. On célèbre la vie. On chante la mort. On souffle avec nos bougies une année de moins. On fait le vœu secret d’un jour meilleur. On marque les dead-lines, les départs pour un nouveau voyage ou un Nouveau Monde. On décide d’un jour comme un autre pour changer de vie. Prendre une décision. Poser une question. Déterminer un choix. Changer de valeurs. Dessiner. De nouveaux caractères. Faire l’amour le quatorzième jour. Calculer la naissance -ou pas- d’un enfant. Toutes ces dates répétitives qui nous narguent, un sourire narquois au coin des lèvres. Près de nous, une personne de plus. Des personnes en moins. Une foule. Un vide. Et les mêmes dates qui reviennent. Implicit jokes. Entre nous et elles. Le monde continue à tourner. Les gens autour à se bousculer. Il y a des jours comme ça où, les yeux fixés sur un calendrier, immobiles, on attend que ce numéro bouge...
Combien de fois encore le verra-t-on tourner...

Quelque part sur la corniche, les mots s’éclipsent dans un dernier coucher. Parce qu’ils savent tout des crépuscules et des mille brindilles qui se plient à un seul feu. Le soleil est roi et silencieux. Le soleil se tait quand il prend feu. Rouge, orange et couleurs folles, il s’endort, muet d’avoir trop entendu, de s’être trop laissé prendre aux filets des mille pêcheuses, aux égos des mille comédiens. Et seule la vie en est témoin. Rien à raconter aux enfants. L’Histoire seule gardera tout. Et l’on ferme les paupières. Ici, on ne voit rien, on n’entend rien, on ne dit rien. La sagesse des archi-fous. La ville s’endort. Chaque soir. Chaque soir elle rêve au soleil. Et elle rallume les étoiles.

Beyrouth.

 

 
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