Domus Berytus ou le retour aux sources de Gilbert Halaby
Cest à Beit Beirut, en plein cœur de la capitale, entre bâtiments en ruines et immeubles ultramodernes, que Gilbert Halaby choisit dinstaller son exposition, Domus Berytus: toiles aux maisons traditionnelles entourées de pins parasols, jusqu’à fin mars 2023.

C'est lhistoire dun petit garçon qui est né et a grandi dans un joli village de la montagne. Dhour El Choueir, surplombant la Méditerranée, est pour Gilbert Halaby le cadre d'une enfance heureuse, malgré les atrocités de la guerre. Il joue avec ses amis et voisins dans les champs, autour des maisons, sous les pins. Il admire le seul peintre du village et découvre son atelier, où il aime se rendre pour lobserver à l’œuvre.



Cest alors que le petit garçon ressent une magnifique lumière jaillir en son for intérieur. Cest la lumière de lart. Il devra cependant bientôt l’éteindre parce qu'il nest pas facile d’être un enfant de la guerre. Il nest pas évident non plus de devenir un artiste peintre en de telles circonstances.

Son avenir sera ailleurs, dans un métier source de revenus, qui suscitera respect et sérieux. Car, pour un enfant de la montagne, être artiste nest quun hobby, un passe-temps. Cette lumière quil tente d’éteindre et qui devient un nuage noir dans son ciel ne cesse pourtant d’éclairer sa voie. Cest vers Rome, la cité de lart par excellence, que Gilbert Halaby se dirige. Il devient archéologue certes, mais il est aujourdhui un artiste à l’état pur.

Il lui aura fallu vingt ans pour faire la paix avec son enfance, avec la guerre et toutes les souffrances. Gilbert retourne à la source. Il revient à la «maison» et dessine toutes les belles demeures de son enfance, nichées entre ciel et mer, à lombre des pins parasols. Il crée une série de 40 toiles où le monde de son enfance renaît à travers ses couleurs primaires et joyeuses. Il peint sur de la toile en lin non traitée, donnant vie à la matière. Il épure et simplifie ses paysages. Il lisse ses teintes et ne permet aucune ombre à son art. Cest pourtant lhuile de lin qui glisse sur la toile, créant des contours transparents autour de ses formes.



Parmi les paysages colorés, des monochromes noirs ou blancs. Il précise que le noir est le mélange savant de toutes les couleurs. Il le décline serein et solitaire.

«Jai finalement fait la paix avec moi-même et je suis devenu le peintre que javais toujours été. (…) Jai finalement commencé à ressembler au peintre que javais rencontré lorsque j’étais enfant.»


Dans une très belle lettre dédiée au petit garçon qu’il a été, l’artiste invite l’enfant à revisiter les chemins qu’il a foulés, dans une paix avec soi-même et une émotion particulière: celle de l’amour.

Il insiste sur le fait que, où que l’on aille, c’est vers la maison que l’on revient toujours. Et c’est de là que jaillit la source de la lumière pure. Cette lumière qui engendre l’art, où s’inclinent les pins et dans laquelle se posent les jolies maisons traditionnelles. Les collines de son enfance offrent leurs courbes harmonieuses aux petites maisons qui dansent, joyeuses, dans la palette des couleurs de l’enfance et le noir qui en diffuse tout le spectre.

Tous les espaces où l’on ressent le vide sur les toiles sont en fait emplis d’histoires pas encore racontées. Un arbre solitaire est aussi un moment de bonheur dans le paysage d’une destinée. De ses branches, il émane la paix de l’âme et l'amour pour la vie, pour les autres et surtout… pour la terre mère.



Cette terre vers laquelle revient Gilbert Halaby, avec, pour tout bagage, son pinceau et l’histoire de cette Méditerranée qui borde les deux pays qui l’accueillent: l’Italie et le Liban.

Domus Berytus est une exposition en solo émotionnelle et lumineuse, organisée et curée par Muriel Asmar, à admirer dans le cadre unique en histoire et poésie qu’est Beit Beirut.

Zeina Nader

www.zeinanader.com

@zeinanader_art
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