Que faire de l’or du Liban ?
John Keynes qualifiait l’or de ’relique barbare’. De fait, l’or qui servait naguère de réserve stratégique pour stabiliser les échanges internationaux, les monnaies nationales, les déficits budgétaires, voire l’activité économique, n’est plus qu’un oripeau pour Banque centrale, ornement privé, ou matériau rarement utilisé dans l’industrie.

En ce qui concerne notre pays, la Banque du Liban en détient 287 tonnes, soit plus que l’Espagne, la Belgique, l’Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis et, comparativement à leur PIB, bien plus que tous les pays du monde.  

Lorsque cet or a été accumulé par la Banque du Liban, l’objectif premier était de couvrir la monnaie nationale pour en assurer la stabilité. Au vu des effondrements de la livre libanaise, il est clair que le but n’a pas été atteint si tant est qu’il ait été poursuivi.   

Alors que faire avec l’or?

D’aucuns proposent d’en vendre une partie pour éponger les dettes de l’État libanais (devenues d’ailleurs dérisoires en prix de marché), d’autres d’en utiliser une part pour relancer l’économie (l’épargne en or de la Banque du Liban représente plusieurs fois les prêts espérés du FMI). Aux uns et aux autres, les tenants de l’inaction objectent que, d’une part, il faudrait une loi, et d’autre part, que les produits de la vente seraient aussitôt dilapidés.

Il est certain que la situation actuelle du Liban justifie amplement que toutes les ressources disponibles soient mobilisées; qu’il serait criminel d’accepter que les vieillards, les retraités ou les incapables soient privés de soins et même de confort suite à la disparition de leur épargne auprès des banques ou de la sécurité sociale; qu’il serait stupide de laisser les forces vives du pays le quitter définitivement pour absence d’opportunités locales; et qu’il serait fautif que les piliers de la société et de l’économie libanaise s’effondrent par absence de liquidités.

Il est également avéré que la réduction du stock d’or du Liban ne changerait pas fondamentalement la face du pays, alors  que les effets de la crise actuelle sont en passe de le défigurer définitivement.

Si la majorité des Libanais tiennent à conserver précieusement nos ‘reliques barbares’, rien n’interdit de les mettre à notre service.


A cette fin, un moyen simple serait d’en affecter un petit tiers, le mettre en gage pour emprunter près de cinq milliards de dollars à bas coût, puis les prêter à l’Égypte, assortis d’une marge bénéficiaire de 5%. Un prêt qui sera remboursable dans un délai de cinq ans. En contrepartie de cette aide appréciable pour l’Égypte, celle-ci octroierait des avantages commerciaux au Liban.

Quel bénéfice le Liban tirerait d’une telle opération?

1 - La plus grande partie du budget de l’État libanais serait assurée, ce qui éviterait des augmentations d’impôt débilitantes dans le marasme actuel de l’économie libanaise.

2 - L’Égypte est un pays qui a un énorme potentiel et qui est une clé au Moyen-Orient. Par suite, une telle opération produirait des avantages commerciaux pour les Libanais et des opportunités extrêmement utiles, spécialement dans le contexte actuel.

3 – Le fait de prêter à l’Égypte montrera clairement que le Liban n’est pas un pays en faillite, ce qui contribuera à restaurer la confiance des Libanais et de la communauté internationale.

Le Liban est un pays riche qui doit se reprendre en main. Il y faut du courage et de la vision.   

(*) Riad Obégi est le PDG de la banque Bemo
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