Banques centrales en temps de crise
Certains médias répètent comme un mantra que les banques centrales sont la racine de tous les maux. Les anathèmes se multiplient quand la situation économique n’est pas clémente. Examinons alors quelques grandes crises financières et le rôle que les banques centrales y ont joué.

Les actions classiques des banques centrales s’articulent généralement autour de trois axes: baisse ou hausse des taux d’intérêt pour stimuler l’investissement ou lutter contre l’inflation; soutien financier à des banques en difficulté pour préserver le système; et ajustement des régulations. Mais, dans tous les cas, crise ou pas crise, la banque centrale n’était jamais la seule à agir. Les autorités élues votaient des lois, les ministères concernés prenaient des mesures, etc.

La crise des «dot-coms»

À partir de juillet 1995, la Réserve fédérale américaine (ou la Fed) a mené une politique de baisse des taux d’intérêt pour encourager les investissements. Cela a effectivement incité l’investissement dans le secteur technologique. La prospérité était au rendez-vous, croyait-on. Le cours des actions a spectaculairement augmenté et les marchés financiers étaient optimistes. Mais, cette croissance était de courte durée. La baisse des taux d’intérêt s’est avérée pernicieuse à la fin parce que les acteurs économiques n’étaient plus enclins à épargner, ce qui fait que les investisseurs ne trouvaient plus assez de liquidités.

Il s’en est ensuivi un jeu de yoyo sur les taux d’intérêt provoquant à chaque fois alternativement une embellie et une crise. Entre juin 1999 et mai 2000, la Fed a voulu éviter un «surchauffement» de l’économie (une croissance incontrôlée). Elle a alors haussé les taux d’intérêt 6 fois, pour calmer le jeu et l’enthousiasme des investisseurs.

Mais la bulle a fini par éclater en 2000, ce qui a amené la Fed à baisser les taux d’intérêt de 6,5% (à la fin de l’an 2000) jusqu’à 1% en mi-2003 pour stimuler la croissance. Elle a également acheté des bons du Trésor américain pour fournir des liquidités au marché financier.

Dans l’espoir d’éviter une autre crise financière, le gouvernement américain a implémenté plusieurs nouvelles réglementations, dont le Sarbanes-Oxley Act, adopté en 2002, imposant des exigences strictes en matière de responsabilité des dirigeants d’entreprise.

La crise des subprimes

S’il y a une crise au monde qui a été grossièrement mal interprétée, ce serait bien la crise des subprimes. La Fed avait baissé les taux d’intérêt jusqu’à 1%, en 2003, afin d’inciter à l’investissement, notamment dans l’immobilier. Avec cette politique monétaire laxiste, initiée par le gouvernement, les critères d’éligibilité aux prêts hypothécaires ont été dramatiquement abaissés sous prétexte que cela rendrait le logement abordable. Par conséquent, même les individus les moins solvables pouvaient obtenir un prêt. Cela a engendré une bulle spéculative dans le marché immobilier ainsi qu’un endettement titanesque.

Mais ces taux d’intérêt n’étaient pas fixes pour toute la durée du prêt.  Et, lorsque les taux d’intérêt ont augmenté jusqu’à 5,25% en 2006, d’innombrables emprunteurs ont fait défaut. La Fed est alors intervenue afin de fournir des liquidités aux banques et de les repêcher dans le but d’éviter un effet domino catastrophique. De nouvelles réglementations ont été introduites, dont le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, puis la norme Bâle III qui renforce les exigences en matière de fonds propres pour les banques.


La tragédie de l’euro

La crise de l’euro dans les années 2000 met en exergue, elle aussi, la dangerosité d’une politique monétaire laxiste. La banque centrale européenne (BCE) avait commencé par mener une politique de baisse de taux d’intérêt. Cela a facilité l’endettement excessif de plusieurs pays européens, notamment le Portugal, l’Italie, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne.

Lorsque la crise a éclaté en 2009, la BCE a lancé plusieurs programmes pour fournir des liquidités au secteur bancaire de la zone euro. Les plus importants d’entre eux étaient les opérations de refinancement à long terme, qui accordaient des prêts à faible taux d’intérêt aux banques. En 2011 et 2012, la BCE a fourni des centaines de milliards d’euros en crédits.

De plus, la BCE a acheté des obligations d’État de pays en difficulté de la zone euro. Elle a également poursuivi sa politique de baisse des taux d’intérêt, qui ont atteint 0% en 2016. De nouvelles réglementations ont été mises en place par l’Union européenne et ses institutions. Parmi ces réglementations figurent le Mécanisme européen de stabilité et l’Union bancaire.

Le cas de Chypre

Il y a des jours où les banques centrales doivent endurer les caprices de l’État. La crise chypriote en est un témoignage. Avant la crise, la banque centrale chypriote faisait ce que toute banque centrale au monde fait: elle régulait les banques et contrôlait la politique monétaire.

Mais le gouvernement chypriote, imprégné d’une énorme générosité, a voulu augmenter les dépenses publiques, plongeant l’île dans une dette publique colossale et dans un déficit budgétaire inquiétant. Il convient de noter que les banques chypriotes étaient aussi fortement exposées à la dette grecque.

La banque centrale chypriote a fini par fournir des liquidités aux banques insolvables. Elle a imposé, en mars 2013, des contrôles de capitaux qui ont été graduellement retirés. De surcroît, le FMI, la Commission européenne et l’Union européenne ont accepté de fournir un prêt de 10 milliards d’euros à l’État chypriote.

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Ainsi, après avoir scruté ces cas, on s’aperçoit que les banques centrales sont des institutions humaines et donc loin d’être infaillibles. Mais elles ne sont jamais des îlots séparés de l’économie du pays. Elles sont parfois victimes d’une politique inadaptée du gouvernement ou d’un déficit de réglementation. C’est pour cela que, à l’occasion de chaque crise, un ajustement de la législation est pris par les autorités du pays, généralement dans les semaines ou les mois qui suivent le déclenchement de la crise.
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