Mehran Tamadon expose la torture pour déstabiliser les tortionnaires
Dans une tentative poignante de dévoiler la brutalité du régime iranien, le réalisateur Mehran Tamadon révèle les tortures endurées par d’anciens prisonniers politiques iraniens dans son dernier film, Là où Dieu n’est pas. Sélectionné pour la Berlinale 2023, ce documentaire glaçant explore les mécanismes psychologiques de la torture, mettant en lumière les souffrances indicibles infligées par les autorités iraniennes.

Leurs récits de calvaire remontent bien avant le récent mouvement de contestation qui a débuté à la mi-septembre et a entraîné la mort d’au moins 537 personnes aux mains des forces de sécurité iraniennes, selon l’ONG Iran Human Rights, et l’emprisonnement de milliers d’autres. Malgré cela, Tamadon soutient que « tout ce que je filme parle d’aujourd’hui », car les tortures continuent d’avoir lieu dans les prisons iraniennes.

Né à Téhéran en 1972 de parents communistes ayant eux-mêmes subi la répression, Tamadon dénonce un « système totalitaire » qui sévit depuis la révolution de 1979 et qui « ne demande pas pardon ». Après avoir quitté définitivement la République islamique d’Iran en 2012, il expose la violence « intériorisée » par tous les citoyens, une brutalité qui opère « comme la roulette russe » et peut frapper n’importe qui de manière « aléatoire ».

Dans le film, Mazyar, un ancien chef d’entreprise de 50 ans accusé à tort d’assassinat, raconte comment il a été forcé d’avouer des crimes qu’il n’avait pas commis après avoir été torturé et incapable de marcher. Homa, une ancienne détenue, évoque les prisons surpeuplées des années 1980, les coups et les insultes, et s’effondre en larmes en se souvenant du jour où elle a été « brisée » par la propagande religieuse et a abandonné ses convictions marxistes. Taghi Rahmani, emprisonné pendant une quinzaine d’années pour son activité politique, revit l’isolement dans une minuscule cave parisienne, retraçant les pas qu’il faisait dans sa cellule d’isolement.

Avec ce documentaire bouleversant, Mehran Tamadon espère « ébranler » les bourreaux de ces victimes et sensibiliser le public à l’horreur de la torture dans les prisons iraniennes.


Mehran Tamadon, réalisateur audacieux, prend des risques en faisant revivre les traumatismes de victimes de torture dans son film Là où Dieu n’est pas. Cristina Nord, cadre de la Berlinale, souligne toutefois que le cinéaste parvient à éviter l’obscénité en ne franchissant pas certaines limites. En parallèle, Tamadon présente un second film, Mon pire ennemi, dans lequel il devient lui-même victime de torture mentale, infligée par l’actrice Zar Amir Ebrahimi. Échappée d’Iran en 2008 après des mois d’interrogatoires et d’humiliations, cette dernière offre une performance troublante, mêlant réalité et fiction.

Le réalisateur cherche à créer un effet d’«abyme» pour déstabiliser et ébranler les bourreaux. Il espère que les questions posées à ses personnages sur la conscience des tortionnaires pourront semer des graines de réflexion et provoquer un changement ultérieur. Bien que Catherine Bizern, directrice artistique du Cinéma du réel, un festival parisien du documentaire, qualifie cette vision de « naïve », elle loue la complexité des films de Tamadon, qui vont « au-delà de l’émotion » et mettent le cinéaste lui-même en danger.

Taghi Rahmani, militant politique réfugié en France depuis plus de dix ans et protagoniste du documentaire, ne croit pas non plus à la vertu rédemptrice des deux films. Son attention se porte plutôt sur sa femme, Narges Mohammadi, icône des droits de l’Homme et figure de la contestation actuelle en Iran, actuellement détenue dans ce pays. Rahmani confie que, bien que sa femme ne subisse pas de torture physique en raison de sa notoriété, elle est maintenue à l’isolement, ce qui provoque également une souffrance chez lui. Les œuvres de Tamadon mettent ainsi en lumière la réalité de la torture et de la détention en Iran, tout en interrogeant la conscience et les responsabilités des bourreaux.

Avec AFP
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