Auteur, scénariste, réalisateur et comédien belge d’origine libanaise, Roda Fawaz s’inspire de ses expériences «sur la route». De son regard scrupuleux, son vécu culturel et son autodérision naît son œuvre
On the road… A est un texte écrit et joué par Roda Fawaz et mis en scène par Éric De Staercke. Ce projet lui vaut plusieurs récompenses en Belgique; il est lauréat des Prix de la critique du théâtre La meilleure découverte 2016, et le Label d’utilité publique décerné par le COCOF en 2017, ainsi que le Prix de la SACD en 2021.
Qui ne se souvient pas de la voix de Roda Fawaz? Libanais d’origine, Belge de nationalité, il a répondu de loin à l’écho de Beyrouth en ruines et en pleurs. «Être libanais c’est garder espoir malgré la colère et l’injustice. Être Libanais c’est faire soi les mots de Brel et se souvenir qu’ 'il est des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril', garder espoir et se relever. Hayda Lebnen. C’est le Liban.», l’entend-on clamer à la radio lors d'une émission qui a largement été partagée sur les réseaux sociaux. Un an après, il commémore ce jour atroce du 4 août en adressant une lettre à un petit Georges, libanais, né lors de l’explosion, comme un miracle de la vie face à la mort.
Lors de sa première visite au Liban, plus précisément dans son village du sud, Jwahiah, lui qui est né au Maroc et a grandi en guinée, avant de devenir belge, il ne ressent rien. «Je ne ressens rien. Je pourrais être dans un village au fin fond du Portugal que ça ne changerait rien pour moi. Je n’ai aucun souvenir qui s’y attache, aucune histoire. Ni mes parents, ni mes grands-parents n’y ont vécu. Une semaine au Liban m’a suffi», écrit-il dans son texte. Et pourtant, il ne se contredit pas, lui qui avait clamé haut et fort: «Être libanais est un métier de névrosés. Pour certains c’est aimer le Liban mais être incapable d’y vivre. Pour d’autres, c’est maudire le Liban mais être incapable de le quitter.» Et encore, «À Annecy, dans l’appartement d’un inconnu, je noie ma tristesse au son de la voix de Feyrouz. Je ferme les yeux et je me vois au Liban. Il fait beau. Je me promène en bord de mer. Autour de moi les pêcheurs, les joggers, les cyclistes, les vieux en cercle, fumant un narguilhé. Ça crie, ça rit. Un peu plus loin les embouteillages et les klaxons. Hayda Lebnen. C’est le Liban. Je m’assieds sur un banc et je pense à Khalil Gibran…»
Roda est de ces personnes qui ont choisi qui et comment être, depuis sa tendre enfance, à commencer par son prénom. «Fini d’être la star! Danser comme Michael Jackson ne suffit plus. Je suis devenu 'l’autre'», confie-t-il. Le cheminement a été dur pour cet autre qui est passé de Mhamed, Mohamed, à Mimo, pour devenir enfin Roda. Ce parcours difficile s’est frayé au fil d'une crise identitaire individuelle, toujours en présence de Slinky, son ami imaginaire… jusqu’au cours de théâtre, où, dans le don de la salle, il commence par observer, avant de s’accepter dans son multiculturalisme et d’oser aller de l’avant. «Plus Slinky vieillit, moins il est bienveillant. Mais moi je reste. Je reviens à tous les cours. Toujours au fond, j’observe, j’écoute. […] Je reste parce que les mots de Cyrano sont plus forts que ceux de Slinky.»
Roda écrit et joue, pour mettre du cœur dans un monde dépourvu d’émotion et verbaliser sur les planches tous les non-dits. La religion, l’appartenance, la culture, le vécu d’un enfant au sein de tous ces tabous… tout est divulgué, sans tabous, dans un témoignage vif, poignant et amusant à la fois. «La première fois que j’ai vu Racine sur un livre, je me souviens m’être dit que c’est plus le nom d’un salon de coiffure que celui d’un auteur de tragédie grecque», écrit-il encore.
Dans un style de théâtre contemporain, un rythme de phrases courtes et saccadées ainsi qu’un vocabulaire accessible, Roda réussit à gagner l’approbation du lecteur. À le lire ou à l’écouter, on a un autre regard sur le monde, au-delà des frontières culturelles, politiques ou confessionnelles. À travers ses pages, on l’entend presque. On écoute la voix d’un enfant qui a pris son courage à deux mains et s’est frayé un chemin jusqu’aux rideaux rouges de la scène… De là où l’on se tient, dans le public ou à l’autre bout du monde, on l’applaudit.
Marie-Christine Tayah
Instagram: @mariechristine.tayah
On the road… A est un texte écrit et joué par Roda Fawaz et mis en scène par Éric De Staercke. Ce projet lui vaut plusieurs récompenses en Belgique; il est lauréat des Prix de la critique du théâtre La meilleure découverte 2016, et le Label d’utilité publique décerné par le COCOF en 2017, ainsi que le Prix de la SACD en 2021.
Qui ne se souvient pas de la voix de Roda Fawaz? Libanais d’origine, Belge de nationalité, il a répondu de loin à l’écho de Beyrouth en ruines et en pleurs. «Être libanais c’est garder espoir malgré la colère et l’injustice. Être Libanais c’est faire soi les mots de Brel et se souvenir qu’ 'il est des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril', garder espoir et se relever. Hayda Lebnen. C’est le Liban.», l’entend-on clamer à la radio lors d'une émission qui a largement été partagée sur les réseaux sociaux. Un an après, il commémore ce jour atroce du 4 août en adressant une lettre à un petit Georges, libanais, né lors de l’explosion, comme un miracle de la vie face à la mort.
Lors de sa première visite au Liban, plus précisément dans son village du sud, Jwahiah, lui qui est né au Maroc et a grandi en guinée, avant de devenir belge, il ne ressent rien. «Je ne ressens rien. Je pourrais être dans un village au fin fond du Portugal que ça ne changerait rien pour moi. Je n’ai aucun souvenir qui s’y attache, aucune histoire. Ni mes parents, ni mes grands-parents n’y ont vécu. Une semaine au Liban m’a suffi», écrit-il dans son texte. Et pourtant, il ne se contredit pas, lui qui avait clamé haut et fort: «Être libanais est un métier de névrosés. Pour certains c’est aimer le Liban mais être incapable d’y vivre. Pour d’autres, c’est maudire le Liban mais être incapable de le quitter.» Et encore, «À Annecy, dans l’appartement d’un inconnu, je noie ma tristesse au son de la voix de Feyrouz. Je ferme les yeux et je me vois au Liban. Il fait beau. Je me promène en bord de mer. Autour de moi les pêcheurs, les joggers, les cyclistes, les vieux en cercle, fumant un narguilhé. Ça crie, ça rit. Un peu plus loin les embouteillages et les klaxons. Hayda Lebnen. C’est le Liban. Je m’assieds sur un banc et je pense à Khalil Gibran…»
Roda est de ces personnes qui ont choisi qui et comment être, depuis sa tendre enfance, à commencer par son prénom. «Fini d’être la star! Danser comme Michael Jackson ne suffit plus. Je suis devenu 'l’autre'», confie-t-il. Le cheminement a été dur pour cet autre qui est passé de Mhamed, Mohamed, à Mimo, pour devenir enfin Roda. Ce parcours difficile s’est frayé au fil d'une crise identitaire individuelle, toujours en présence de Slinky, son ami imaginaire… jusqu’au cours de théâtre, où, dans le don de la salle, il commence par observer, avant de s’accepter dans son multiculturalisme et d’oser aller de l’avant. «Plus Slinky vieillit, moins il est bienveillant. Mais moi je reste. Je reviens à tous les cours. Toujours au fond, j’observe, j’écoute. […] Je reste parce que les mots de Cyrano sont plus forts que ceux de Slinky.»
Roda écrit et joue, pour mettre du cœur dans un monde dépourvu d’émotion et verbaliser sur les planches tous les non-dits. La religion, l’appartenance, la culture, le vécu d’un enfant au sein de tous ces tabous… tout est divulgué, sans tabous, dans un témoignage vif, poignant et amusant à la fois. «La première fois que j’ai vu Racine sur un livre, je me souviens m’être dit que c’est plus le nom d’un salon de coiffure que celui d’un auteur de tragédie grecque», écrit-il encore.
Dans un style de théâtre contemporain, un rythme de phrases courtes et saccadées ainsi qu’un vocabulaire accessible, Roda réussit à gagner l’approbation du lecteur. À le lire ou à l’écouter, on a un autre regard sur le monde, au-delà des frontières culturelles, politiques ou confessionnelles. À travers ses pages, on l’entend presque. On écoute la voix d’un enfant qui a pris son courage à deux mains et s’est frayé un chemin jusqu’aux rideaux rouges de la scène… De là où l’on se tient, dans le public ou à l’autre bout du monde, on l’applaudit.
Marie-Christine Tayah
Instagram: @mariechristine.tayah
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