Après la victoire, Erdogan s'autohérite d'un pays en crise

Malgré sa victoire à la présidentielle, Recep Tayyip Erdogan va devoir diriger un pays miné par la crise et profondément clivé. Une crise dont il est lui-même en grande partie responsable. Il devra en priorité s'attaquer à l'inflation galopante et redresser l'économie.





Félicité de toutes parts à l'étranger et célébré toute la nuit par ses partisans en Turquie, Recep Tayyip Erdogan, réélu dimanche pour cinq ans, se retrouve lundi à la tête d'un pays miné par la crise et profondément clivé.Le chef de l'État a recueilli 52,2% des voix après dépouillement de la totalité des bulletins de vote, contre 47,8% à son rival Kemal Kiliçdaroglu.Ce deuxième tour inédit n'a pas attiré autant d'électeurs que le premier : même si la participation reste élevée, elle est en retrait de trois points au niveau national (hors diaspora), autour de 85%.Les provinces du sud-est à majorité kurde, comme celle de Diyarbakir, qui ont massivement voté pour l'opposition, se sont nettement moins mobilisées, avec cinq à six points de moins par rapport au 14 mai, conséquence possible de l'alliance dans l'entre-deux-tours de Kemal Kiliçdaroglu et de sa coalition avec une formation ultranationaliste.De son côté, le président Erdogan a pu s'appuyer sur sa base conservatrice et sur les partisans de son allié du MHP, ultranationaliste. Le chef de l'État a aussi fait alliance cette année avec plusieurs petites formations islamistes, dont le parti kurde Hüda-Par, qui a fait élire quatre députés sous l'étiquette de l'AKP, le parti du chef de l'État.

La cérémonie d'investiture du président est attendue vendredi à Ankara, au lendemain de celle du Parlement prévue jeudi.

Parmi ses priorités, le président Erdogan devra redresser l'économie et combattre l'inflation afin de redonner du pouvoir d'achat à la population.

Surtout si M. Erdogan et l'AKP veulent récupérer en mars prochain les municipalités d'Istanbul et Ankara, entre autres, passées dans l'escarcelle de l'opposition en 2019.

Le chef de l'État, qui a forcé la banque centrale à engloutir plusieurs dizaines de milliards de dollars pour maintenir la livre turque à flot avant les élections, devra aussi financer les hausses des salaires des fonctionnaires et des pensions de retraites promises pendant la campagne, soulignent les économistes.

Devant des dizaines de milliers de partisans enthousiastes qu'il a rejoints au cœur de la nuit devant le palais présidentiel à Ankara, le président réélu a promis une baisse rapide de l'inflation - toujours supérieure à 40% sur un an.

"Il n'y a aucun problème que nous ne puissions résoudre quand le lien est si fort (entre nous)", a-t-il lancé.


L'Organisation de la coopération et de la sécurité en Europe (OSCE), qui avait envoyé des observateurs pour s'assurer de la régularité du vote, a condamné lundi "l'intimidation et le harcèlement des partisans de certains partis d'opposition" et dénoncé "les propos incendiaires et discriminatoires utilisés dans les deux camps, avec des accusations mutuelles de coopérer avec des organisations terroristes".

Le Conseil de l'Europe s'est, lui, surtout inquiété du contexte dans lequel "de nombreux diffuseurs n'ont pas rempli leur obligation légale d'impartialité" ni donné de "chances égales aux deux candidats".

Un entretien téléphonique est par ailleurs prévu en soirée avec le président américain Joe Biden, a annoncé le conseiller spécial du chef d'État turc, Ibrahim Kalin.

M. Erdogan s'est déjà entretenu lundi avec le chancelier allemand Olaf Scholz qui a annoncé, dans un communiqué, l'avoir invité à Berlin et vouloir donner "un nouvel élan" à la coopération entre les deux pays.

D'autres entretiens suivront avec plusieurs dirigeants européens, dont le président français Emmanuel Macron, a précisé M. Kalin.

De son côté, le maire CHP d'Istanbul Ekrem Imamoglu, qui a arraché la capitale économique de la Turquie au contrôle de l'AKP en 2019, a proposé de réunir ses partisans lundi dans sa ville. "Ne vous inquiétez pas, tout repart de zéro", a promis celui qui pourrait être le candidat de l'opposition turque à la présidentielle de 2028.

Marie de La Roche Saint-André, avec AFP



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