Après trois jours de débats tumultueux, alimentés par des propos controversés d'Emmanuel Macron, prêt à "emmerder" les non-vaccinés, l'Assemblée nationale a adopté jeudi au petit matin en première lecture le projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal.
Il faudra alors aux plus de 12 ans pouvoir justifier d'un statut vaccinal pour accéder aux activités de loisirs, aux restaurants et bars, aux foires ou aux transports publics interrégionaux. Un test négatif ne suffira plus, sauf pour accéder aux établissements et services de santé.
Parmi leurs amendements de retouche, les députés ont repoussé de 12 à 16 ans la nécessité d'un pass vaccinal pour les sorties scolaires et activités péri et extrascolaires.
La dernière nuit de discussions a avancé cahin caha, avec quelques éclats de voix sur le pass sanitaire dans les meetings ou la situation outre-mer.
Le cap de l'article 1er (sur 3) n'a été franchi qu'à 3h du matin. "On est fatigués, des députés doivent rentrer en circonscription", lâchait un élu dans les couloirs, tandis que le ministre de la Santé Olivier Véran se disait prêt à "enchaîner" la séance avec des réunions matinales.
Jusqu'au bout de la nuit, les parlementaires ont échangé sur le fond, les oppositions ciblant en particulier les contrôles d'identité que pourront opérer cafetiers ou restaurateurs en cas de "raisons sérieuses" de penser qu'il y a fraude au pass vaccinal. Martine Wonner, égérie des covidosceptiques, a dit craindre "une société de délation".
Les députés LR, qui se sont finalement divisés sur le vote d'ensemble du projet de loi (28 pour, 24 contre, 22 abstentions), ont annoncé qu'ils saisiraient le Conseil constitutionnel sur ce point des contrôles.
Le Premier ministre Jean Castex était venu lui-même mercredi après-midi demander aux parlementaires d'accélérer, après le blocage, voire selon LFI la "crise", provoqués par les propos d'Emmanuel Macron.
"Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C'est ça, la stratégie", a clamé le chef de l'Etat dans un entretien au Parisien mardi. "Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen", a-t-il ajouté.
Sommé de s'expliquer, Jean Castex a d'abord confirmé devant le Sénat sa volonté de mettre la pression sur les non-vaccinés. "Qui outrage la nation ? (...) Qui conduit les soignants dans nos urgences à faire des choix éthiques dramatiques ? Eh bien c'est une infime minorité", a-t-il tancé.
Puis au Palais Bourbon, le Premier ministre a exhorté les députés à "débattre dans des délais rapides", compte tenu de la situation sanitaire.
"Excusez-vous" des "propos indignes" du président, lui avait intimé la patronne des Insoumis à l’Assemblée, Mathilde Panot. Chef de file des députés LR, Damien Abad avait critiqué un "populisme froid et calculateur" de la part du chef de l'Etat.
La candidate de LR à la présidentielle Valérie Pécresse a elle accusé Emmanuel Macron de faire "de la diversion avec ses phrases", dans un entretien à La Provence.
Environ 53% des Français ont dit avoir été "choqués" par les propos d'Emmanuel Macron, et 47% "pas choqués", selon un sondage Elabe publié mercredi soir.
La députée et candidate à la présidentielle Marine Le Pen a estimé que l'exécutif voulait "condamner à une mort sociale" les non-vaccinés, tandis que le candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan s'élevait contre des mesures "des plus liberticides".
Jean Castex aura à nouveau l'occasion de s'exprimer, jeudi à 8H30 sur RMC et BFMTV, alors que l'épidémie flambe. Quelque 332.252 nouvelles contaminations au Covid-19 ont été enregistrées mercredi, un nouveau record, tandis que le nombre de malades hospitalisés a continué d'augmenter, notamment dans les services de soins critiques.
Et 66.000 personnes avaient reçu une première dose de vaccin mercredi, un record depuis le 1er octobre, selon Olivier Véran, qui a semblé faire le lien avec la pression exercée par l'exécutif.
Quelque "5% des patients hospitalisés" disposent de faux pass, a aussi indiqué le ministre. Le projet de loi alourdit les sanctions pour fraude.
En Conseil des ministres, l'état d'urgence sanitaire a été décrété dans plusieurs territoires français d'Outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélémy) en raison de l'"augmentation considérable" de cas.
AFP
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