Jacques Léonard: rétrospective photographique d’un esprit nomade
Documentant les mouvements de population en temps de guerre et capturant l’essence quotidienne de la Barcelone des années 1960, notamment parmi sa dynamique communauté gitane, Jacques Léonard a su imprégner chacune de ses œuvres d’un regard profondément humain. Cet été, la pittoresque ville d’Arles, nichée dans le sud de la France, rend hommage à cet artiste d’exception en lui dédiant sa première rétrospective.

Immortalisant l’Espagne des années 50, Jacques Léonard, un photographe français né au début du XXe siècle, méconnu en Hexagone, s’est passionné pour la vie des gitans de Barcelone. Après avoir découvert l’Espagne lors d’un repérage pour un , il y trouve son havre de paix et s’y installe à partir des années 1950, succombant au charme de Rosario Amaya, une gitane barcelonaise.
Néanmoins, l’œuvre de Léonard transcende le seul cadre de la culture gitane, comme le souligne Daniel Rouvier, directeur du musée Réattu d’Arles. Actuellement, ce musée accueille une exposition en son honneur, offrant une perspective élargie sur son travail. Jusqu’au 1er octobre, environ 150 photographies noir et blanc du «nomade d’esprit» sont présentées.
Crédit Photo: Jacques Léonard
Bien que la période de sa carrière active s’étale de 1943 à 1975, le patrimoine photographique de Léonard est colossal: plus de 20.000 clichés, composés de négatifs et de tirages vintage sur papier argentique, sont conservés aujourd’hui, selon M. Rouvier, également commissaire de l’exposition.
Depuis 2009, la fondation Photographic Social Vision de Barcelone œuvre pour la valorisation de ces archives, même si elles ne représentent qu’un échantillon de son immense production. Ses deux fils ont sauvé ces images précieuses à la suite de l’inondation de son atelier photographique.
Crédit Photo: Jacques Léonard
L’exposition actuelle au musée Réattu marque une première rétrospective complète de l’œuvre de Léonard, en France comme en Espagne, note M. Bouvier. Auparavant, seuls certains fragments de son œuvre, notamment ses photographies des gitans et des évadés français, transitant par l’Espagne en 1943 pour rejoindre les armées de la France libre, avaient été dévoilés.
L’exposition met en lumière une autre facette historique de son travail. Une série inédite documente le retour en Espagne, en 1953, des membres survivants de la «Division Azul», des volontaires recrutés par Franco pour aider l’Allemagne nazie dans l’invasion de la Russie.

Crédit Photo: Jacques Léonard
Selon M. Rouvier, le thème des migrations humaines fascinait Léonard, sans doute influencé par ses liens avec la communauté gitane. Son approche était toujours teintée d’humanisme: «Ce sont les gens qui l’intéressent», conclut le directeur du musée.
Crédit Photo: Jacques Léonard
Ayant commencé sa carrière au prestigieux studio Gaumont à Paris, notamment aux côtés du réputé cinéaste Abel Gance, Jacques Léonard a hérité d’un patrimoine culturel riche – fils d’un éleveur de chevaux gitans et d’une couturière. Sa transition vers le photojournalisme en Espagne a été marquée par un travail de commande, où son talent artistique se démarquait déjà nettement.
Daniel Rouvier, commissaire de l’exposition, souligne l’aptitude de Léonard à raconter des histoires à travers ses images, une influence indéniable de son passé cinématographique. Léonard, fidèle à son appareil photo, saisissait les moments qui attiraient son regard. Des clichés souvent pris de dos – de couples ou de touristes contemplant la mer à Barcelone, ou d’hommes savourant une sieste sur la célèbre Rambla de la ville – attestent de sa sensibilité artistique. «Ses images oscillent entre le documentaire et l’artistique», ajoute Rouvier.
Crédit Photo: Jacques Léonard
Son immersion profonde dans la communauté gitane de Barcelone, qui est devenue sa famille, est particulièrement mise en évidence dans ses nombreuses photos personnelles. Le parallèle est flagrant avec le travail de Lucien Clergue, photographe arlésien et cofondateur des Rencontres internationales de la photographie. Ce dernier est notamment connu pour ses images capturées lors du pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer, dans le sud-est de la France. L’exposition de Léonard est d’ailleurs associée à la programmation de cet événement international.
Crédit Photo: Jacques Léonard
Anne Clergue, la fille de Lucien, témoigne de l’admiration qu’elle porte à l’œuvre de Léonard. «J’ai retrouvé dans les photos absolument magnifiques de Jacques Léonard ce même regard plein de bienveillance que pouvait avoir mon père sur les gitans.» Ayant été la première à exposer Jacques Léonard dans sa galerie en 2020, elle prépare actuellement une nouvelle exposition dédiée à l’artiste pour l’été prochain.
Avec AFP
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