«L’homme doit s’appuyer sur le passé et tendre vers l’avenir», nous dit Henri Bergson. De ce siècle dernier où notre pays a connu diverses occupations, la famine, des guerres et des misères, nous allons retenir l’édification d’une nation, son impact sur le monde, son rayonnement culturel et sa formidable vitalité. Mois par mois, un peu de ces petites lucioles d’hier pour éclairer notre chemin vers demain.
Vivent les vacances! S’il faut attendre la fin du mois pour jeter «les cahiers au feu et les livres au milieu», dès les premiers jours, juin sent bien le sable chaud. Mais aussi les départs vers des contrées exotiques. C’est le 6 juin 1939 que l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) est officiellement inauguré et en grande pompe. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, plus de 1000 personnalités représentant plus de 11 pays assistent à la cérémonie durant laquelle des avions font une démonstration. Trois pistes asphaltées sont ainsi prêtes pour emmener les Libanais explorer le monde. Bien des années plus tard, le 30 juin 1972, le Concorde 2, deuxième prototype de l’avion supersonique, atterrira à l’AIB dans un vol de démonstration devant une foule subjuguée. Toujours dans le domaine des transports, c’est un Salon de l’automobile qui attire les amateurs. Inauguré par le président Camille Chamoun le 18 juin 1955, dans le jardin de Sanayeh, le salon réunit plus de 80 modèles dont une Oldsmobile qui a comme atout inédit la climatisation. Une première!
En juin 1959, les fouilles vont bon train à Anjar et mettent au jour toute une cité omeyyade fortifiée. Palais, bains et jardins font le bonheur du conservateur des Antiquités, l’émir Maurice Chéhab. «Anjar fut fille d’Omeyyades, amie des caravanes et songe des nomades.» Nadia Tueni.
Cette cité sera classée en 1984 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. C’est dans le souk Abou Nasr qu’est découvert en juin 1965 un temple datant de l’époque romaine. Il reste trois colonnes en bon état de ce monument baptisé temple de la fortune du nom de la déesse Fortuna. Durant ce mois également et la même année, le temple d’Echmoun révèle encore ses splendeurs avec un bas-relief qui parle de chasse et des statuettes d’enfants guéris par le dieu guérisseur des Phéniciens et qui datent du Ve siècle av. J.-C. L’énorme chantier de fouilles qui a pris place en 1995 et auquel ont participé des architectes venus du monde entier révèle bien des surprises. Des pièces de silex qui attestent de la présence d’hommes du temps de la préhistoire et les traces d’une cité hellénistique. Sortons de Beyrouth direction Baalbeck où deux sarcophages romains sont découverts en juin 1996 lors d’excavations pour installer des câbles du réseau téléphonique.
Côté art, le mois de juin est le mois des derniers événements artistiques avant les grandes vacances. Le 12 juin 1962, Paul Guiragossian expose à L’Orient ses dernières œuvres très appréciées du public. Le 15 juin 1966 disparaît Boris Novikoff, une grande figure de l’art au Liban et qui avait reçu les insignes de l’ordre du Cèdre pour son apport au développement artistique. Juin 1968 verra deux manifestations importantes, à savoir une exposition de peintures d’artistes libanais à Dar el-Fan suivie d’une conférence de Leila Hafez, Maurice Sacre et Aref Rayess, mais également le 12 du mois et à l’initiative de Mona Bassili et Leila Khalidi un Montmartre libanais. L’escalier de la rue Bliss sera envahi de couleurs, de toiles et de sculptures pour le plus grand plaisir de tous. Le 1er juin 1970, le premier Salon des peintres arméniens du Moyen-Orient se tient à l’hôtel Phoenicia avec plus de 36 artistes dont Séta Manoukian, Sophie Yeremian, Hrair et Torossian. Le premier prix est remporté par Krikor Norikian et le second prix par John Hadidian. Le 1er juin 1971, Dar el-Fan encore et toujours présente les estampes de Hokusai du Mont-Fuji. Le 3 juin de la même année, Solange Tarazi expose ses œuvres pleines de lumière à Téhéran où elle remporte un plein succès. Elle exposera également au Maroc en juin 1973. Toujours en juin 1971, la première Biennale des antiquaires se tient dans la salle d’exposition du Conseil national du tourisme et rassemble plus de 20 exposants.
Le Liban pleure le grand écrivain et journaliste Maroun Abboud qui s’est éteint le 3 juin 1962. L’année suivante, une exposition du livre libanais est organisée à la librairie Julliard à Paris. Nos auteurs s’exportent. Le 22 juin 1964, René Habachi, philosophe et essayiste, se voit attribuer le prix Jean Amrouche pour le meilleur écrivain méditerranéen de l’année 1964. Deux ans plus tard, en juin 1966, c’est la grande Andrée Chédid qui reçoit le prix Louise Labé pour son recueil Double pays. Une belle exposition à la Librairie du Liban en juin 1971 présente une collection de livres, cartes et gravures sur l’histoire de la région. On n’oubliera pas Nadia Tueni qui nous a quittés le 20 juin 1983 mais dont les écrits pleins de beauté feront partie du patrimoine comme des mots éternels. Son dernier recueil, Liban, 20 poèmes pour un amour – «Mon pays mon visage, La haine et puis l’amour naissent à la façon dont on se tend la main» – montre bien le désarroi qui était celui des poètes quand la guerre n’a aucune pudeur. Magnifique Nadia Tueni dont le visage, les mots, le talent et la tendresse ne vieilliront jamais.
L’instant présent s’écaille telle une vieille peau
Nous atteindrons par contre la dimension du vent
Avec ce paysage qui dort au fond des mots.
Bernard Pivot profite du silence des canons pour venir présenter le 8 juin 1994 du Liban son Bouillon de culture avec Amine Maalouf comme invité principal. Le même Maalouf qui fera son entrée le 23 juin 2011 à l’Académie française. Mais n’oublions pas la magnifique exposition du Musée Sursock en juin 1999 et qui présentait une trentaine de manuscrits de grande valeur qui font partie du fonds de la Bibliothèque nationale qui avait grandement souffert des conditions déplorables d’entreposage.
Du côté des médias, la nouvelle station émettrice située à Amchit permettra à Radio Liban à partir de juin 1962, d’atteindre les Libanais dans les pays d’émigration. Une grande date dans le monde de la presse avec, le 15 juin 1971, la fusion de L’Orient et Le Jour. L’Orient-Le Jour, qui paraitra sur 16 pages, aura pour directeurs de publication Georges Naccache et Jean Chouéri, et comme rédacteur en chef Edouard Saab, assisté de Lucien Georges. Le début d’une solide aventure. Le mois de juin pourtant ne réserve pas que de bonnes surprises pour la presse. Le 2 juin 2005, Samir Kassir est victime d’un odieux attentat. Ses mots percutants, son analyse sans concession lui coûteront la vie. Il laissera derrière lui des éditoriaux dont on ne se lasse pas, une magistrale Histoire de Beyrouth, et toute une génération de jeunes qui le prennent pour modèle. Et le 8 juin 2012, debout jusqu’à la fin, Ghassan Tueni s’en ira à l’âge de 86 ans après un parcours des plus remarquables. Patron d'An-Nahar et de la maison d’édition Dar An-Nahar, politicien sans concession, auteur de plusieurs livres politiques et historiques, victime de drames familiaux insoutenables, Ghassan Tueni est une légende.
Temple d'Echmoun.
Crédit photo : C.N.T./Yetenegian
Vivent les vacances! S’il faut attendre la fin du mois pour jeter «les cahiers au feu et les livres au milieu», dès les premiers jours, juin sent bien le sable chaud. Mais aussi les départs vers des contrées exotiques. C’est le 6 juin 1939 que l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) est officiellement inauguré et en grande pompe. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, plus de 1000 personnalités représentant plus de 11 pays assistent à la cérémonie durant laquelle des avions font une démonstration. Trois pistes asphaltées sont ainsi prêtes pour emmener les Libanais explorer le monde. Bien des années plus tard, le 30 juin 1972, le Concorde 2, deuxième prototype de l’avion supersonique, atterrira à l’AIB dans un vol de démonstration devant une foule subjuguée. Toujours dans le domaine des transports, c’est un Salon de l’automobile qui attire les amateurs. Inauguré par le président Camille Chamoun le 18 juin 1955, dans le jardin de Sanayeh, le salon réunit plus de 80 modèles dont une Oldsmobile qui a comme atout inédit la climatisation. Une première!
En juin 1959, les fouilles vont bon train à Anjar et mettent au jour toute une cité omeyyade fortifiée. Palais, bains et jardins font le bonheur du conservateur des Antiquités, l’émir Maurice Chéhab. «Anjar fut fille d’Omeyyades, amie des caravanes et songe des nomades.» Nadia Tueni.
Cette cité sera classée en 1984 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. C’est dans le souk Abou Nasr qu’est découvert en juin 1965 un temple datant de l’époque romaine. Il reste trois colonnes en bon état de ce monument baptisé temple de la fortune du nom de la déesse Fortuna. Durant ce mois également et la même année, le temple d’Echmoun révèle encore ses splendeurs avec un bas-relief qui parle de chasse et des statuettes d’enfants guéris par le dieu guérisseur des Phéniciens et qui datent du Ve siècle av. J.-C. L’énorme chantier de fouilles qui a pris place en 1995 et auquel ont participé des architectes venus du monde entier révèle bien des surprises. Des pièces de silex qui attestent de la présence d’hommes du temps de la préhistoire et les traces d’une cité hellénistique. Sortons de Beyrouth direction Baalbeck où deux sarcophages romains sont découverts en juin 1996 lors d’excavations pour installer des câbles du réseau téléphonique.
Côté art, le mois de juin est le mois des derniers événements artistiques avant les grandes vacances. Le 12 juin 1962, Paul Guiragossian expose à L’Orient ses dernières œuvres très appréciées du public. Le 15 juin 1966 disparaît Boris Novikoff, une grande figure de l’art au Liban et qui avait reçu les insignes de l’ordre du Cèdre pour son apport au développement artistique. Juin 1968 verra deux manifestations importantes, à savoir une exposition de peintures d’artistes libanais à Dar el-Fan suivie d’une conférence de Leila Hafez, Maurice Sacre et Aref Rayess, mais également le 12 du mois et à l’initiative de Mona Bassili et Leila Khalidi un Montmartre libanais. L’escalier de la rue Bliss sera envahi de couleurs, de toiles et de sculptures pour le plus grand plaisir de tous. Le 1er juin 1970, le premier Salon des peintres arméniens du Moyen-Orient se tient à l’hôtel Phoenicia avec plus de 36 artistes dont Séta Manoukian, Sophie Yeremian, Hrair et Torossian. Le premier prix est remporté par Krikor Norikian et le second prix par John Hadidian. Le 1er juin 1971, Dar el-Fan encore et toujours présente les estampes de Hokusai du Mont-Fuji. Le 3 juin de la même année, Solange Tarazi expose ses œuvres pleines de lumière à Téhéran où elle remporte un plein succès. Elle exposera également au Maroc en juin 1973. Toujours en juin 1971, la première Biennale des antiquaires se tient dans la salle d’exposition du Conseil national du tourisme et rassemble plus de 20 exposants.
Le Liban pleure le grand écrivain et journaliste Maroun Abboud qui s’est éteint le 3 juin 1962. L’année suivante, une exposition du livre libanais est organisée à la librairie Julliard à Paris. Nos auteurs s’exportent. Le 22 juin 1964, René Habachi, philosophe et essayiste, se voit attribuer le prix Jean Amrouche pour le meilleur écrivain méditerranéen de l’année 1964. Deux ans plus tard, en juin 1966, c’est la grande Andrée Chédid qui reçoit le prix Louise Labé pour son recueil Double pays. Une belle exposition à la Librairie du Liban en juin 1971 présente une collection de livres, cartes et gravures sur l’histoire de la région. On n’oubliera pas Nadia Tueni qui nous a quittés le 20 juin 1983 mais dont les écrits pleins de beauté feront partie du patrimoine comme des mots éternels. Son dernier recueil, Liban, 20 poèmes pour un amour – «Mon pays mon visage, La haine et puis l’amour naissent à la façon dont on se tend la main» – montre bien le désarroi qui était celui des poètes quand la guerre n’a aucune pudeur. Magnifique Nadia Tueni dont le visage, les mots, le talent et la tendresse ne vieilliront jamais.
L’instant présent s’écaille telle une vieille peau
Nous atteindrons par contre la dimension du vent
Avec ce paysage qui dort au fond des mots.
Bernard Pivot profite du silence des canons pour venir présenter le 8 juin 1994 du Liban son Bouillon de culture avec Amine Maalouf comme invité principal. Le même Maalouf qui fera son entrée le 23 juin 2011 à l’Académie française. Mais n’oublions pas la magnifique exposition du Musée Sursock en juin 1999 et qui présentait une trentaine de manuscrits de grande valeur qui font partie du fonds de la Bibliothèque nationale qui avait grandement souffert des conditions déplorables d’entreposage.
Du côté des médias, la nouvelle station émettrice située à Amchit permettra à Radio Liban à partir de juin 1962, d’atteindre les Libanais dans les pays d’émigration. Une grande date dans le monde de la presse avec, le 15 juin 1971, la fusion de L’Orient et Le Jour. L’Orient-Le Jour, qui paraitra sur 16 pages, aura pour directeurs de publication Georges Naccache et Jean Chouéri, et comme rédacteur en chef Edouard Saab, assisté de Lucien Georges. Le début d’une solide aventure. Le mois de juin pourtant ne réserve pas que de bonnes surprises pour la presse. Le 2 juin 2005, Samir Kassir est victime d’un odieux attentat. Ses mots percutants, son analyse sans concession lui coûteront la vie. Il laissera derrière lui des éditoriaux dont on ne se lasse pas, une magistrale Histoire de Beyrouth, et toute une génération de jeunes qui le prennent pour modèle. Et le 8 juin 2012, debout jusqu’à la fin, Ghassan Tueni s’en ira à l’âge de 86 ans après un parcours des plus remarquables. Patron d'An-Nahar et de la maison d’édition Dar An-Nahar, politicien sans concession, auteur de plusieurs livres politiques et historiques, victime de drames familiaux insoutenables, Ghassan Tueni est une légende.
Temple d'Echmoun.
Crédit photo : C.N.T./Yetenegian
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