Hommage au Père Henri Boulad s.j.
Son zèle pour le Christ était celui des grands saints

Ce n’est pas un monument aux morts que nous élèverons au prêtre jésuite libano-égyptien Henri Boulad (1931-14 juin 2023), qui vient de décéder au Caire. C’est un monument vivant. Chacun de nous est, en effet, un monument, un diamant brut que le P. Henri Boulad  s’efforçait infatigablement de tailler au cours de ses homélies, dans ses nombreux ouvrages,  ou les retraites qu’il était sollicité de donner, notamment au Liban.  Son zèle pour le Christ était celui des grands saints. Il souffrait de voir le diamant à l’état brut rester opaque, comme une promesse non réalisée, comme un dormant que nulle princesse, nul prince charmant n’a réveillé.

L’un des documents qui l’a le mieux révélé est la supplique qu’il a adressée en 2007 au Pape Benoît XVI, sous le titre «  SOS pour l’Église d’aujourd’hui ». Il y réclamait la mise en œuvre d’une « nouvelle évangélisation », telle que la réclamait Jean-Paul II, une  «réforme spirituelle pour revivifier la mystique et repenser les sacrements pour attirer à nouveau des chrétiens qui se tournent vers les religions d’Asie, les sectes, le New-Age, l’occultisme (…) et vont chercher ailleurs la nourriture qu’ils ne trouvent pas chez eux ».

«L’Église catholique, qui a été la grande éducatrice de l’Europe pendant des siècles, semble oublier que cette Europe a accédé à la maturité, y écrivait-il. Notre Europe adulte refuse d’être traitée en mineure (…). Nos chrétiens ont appris à penser par eux-mêmes et ne sont pas prêts à avaler n’importe quoi. Les nations les plus catholiques d’autrefois, la France ou le Canada français, ont opéré un retournement à 180° pour verser dans l’athéisme, l’anticléricalisme, l’agnosticisme, l’indifférence. Pour un certain nombre d’autres nations européennes, le processus est en cours. L’apparente vitalité des Églises du tiers-monde est trompeuse. Selon toute vraisemblance, ces nouvelles Églises passeront tôt ou tard par les mêmes crises qu’a connues la vieille chrétienté européenne.»

La modernité est incontournable

«La modernité est incontournable, analysait-il, et c’est pour l’avoir oublié que l’Église est dans une telle crise aujourd’hui. Vatican II a essayé de rattraper quatre siècles de retard, mais on a l’impression que l’Église est en train de refermer lentement les portes qui se sont ouvertes alors (…). Rappelons-nous l’injonction plusieurs fois répétée de Jean-Paul II : «Pas d’alternative à Vatican II».


A la lumière de la rencontre entre le pape François et le Grand Imam d'Al-Azhar Ahmad Al-Tayeb à Abou Dhabi, le Père Henri Boulad reprenant le thème de la rencontre avec la modernité, affirmait: «Les deux grandes religions (chrétienne et musulmane, NDLR)  sont confrontées à la modernité Dans une certaine mesure, notre Église catholique n’est pas sortie du Moyen-Âge: elle pense en termes de chrétienté. (…) L’Église craint de laisser l’homme exercer son libre arbitre (…) C’est une faute… Les hommes sont adultes, on ne peut pas leur imposer une religion, sinon il n’y a plus de place pour la foi. Mais cette liberté fondamentale de l’homme met en péril les structures religieuses. L’Église est ébranlée par le sécularisme. Et les scandales achèvent de la mettre à terre!

«Ne croyez pas que je sois pessimiste à l’égard de l’Église, ajoutait-il, je suis au contraire infiniment optimiste. Elle renaîtra, différente, plus belle. Cette modernité qui la secoue si fort, c’est elle-même qui l’a enfanté !»

«Pour l’islam, les choses sont très différentes, nuancait-il. Depuis le IXe siècle, on a figé l’interprétation du Coran, empêché toute évolution. À présent que les sociétés musulmanes reçoivent la modernité, elles ne sont pas épargnées par le sécularisme que l’on constate en Occident. Bien au contraire! Elles le reçoivent avec beaucoup plus de violence que le christianisme (…) Le choc de l’islam avec la modernité est une déflagration qui fait trembler le monde! Je vois les jeunes générations remettre en cause la religion de leurs parents, en Égypte, mais aussi dans les pays musulmans que je connais. Elles accèdent à l’information via Internet, via des chaînes de télévision satellitaire que les régimes ne savent pas crypter. Attention… Je ne dis pas que l’islam est fini, mais qu’il est profondément ébranlé.» ( Aleteia , juillet 2019).

« Quant à la jeunesse française, je l’implore de se réveiller!, concluait-il Ne croyez pas que l’avenir est fermé, que votre pauvreté ou votre petit nombre vous empêche d’agir. Ce sont les minorités qui initient les grands basculements et il suffit d’un rien pour faire basculer l’Histoire.»

 
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