Il était une voix
Chaque matin, lorsque je m’apprête à recevoir les patients qui, tout au long de la journée, viendront confier à nos échanges les enjeux de leur vie, je me sens à la fois privilégiée et investie d’une authentique responsabilité.

Dans la concentration précédant cette tâche que j’aime profondément, je cherche les axes d’harmonie avec ce monde, extérieur comme intérieur, dont il faut saisir les lois pour pouvoir y être libre et y éprouver sa propre valeur.
Le savoir scientifique nous permet de connaître, comprendre, appliquer les lois de l’univers, de sorte que nous soyons en mesure d’œuvrer dans le monde physique, du simple quotidien au voyage dans l’espace. De même, une psychanalyse nous invite à reconnaître, discerner, mettre en mouvement certaines des lois invisibles régissant le fonctionnement de l’esprit, afin que nous puissions réaliser notre vision, notre version de l’existence humaine.
Ainsi, chaque jour, je travaille avec mes patients au devenir qu’ils désirent pour leur vie. Ce qu’ils désirent alléger ou guérir. Ce qu’ils désirent être, avoir et accomplir. Souvent ces derniers mois, c’est grâce à mon livre La Vie augmentée que ces patients m’ont fait l’honneur de me choisir pour incarner leur psychanalyste et les guider dans cette réalisation.

Leur écho, chaque fois singulier, à ce livre, m’a donné l’idée d’en extraire l’essentiel pour vous sur cette page, à la lumière de leur regard. Tous les quinze jours, j’en choisirai un extrait, qui me donnera aussi l’occasion de m’adresser à vous au plus près de mon expérience de l’instant et de «l’air du temps», celui des femmes et des hommes que j’écoute intensément.

Voici un passage de l’introduction: «Il était une voix»

17 avril 1970, 13h07. Les astronautes de la mission Apollo 13 viennent d’accomplir l’exploit d’un périlleux retour (…) en liaison radio avec le centre spatial de la NASA auquel James Lovell a pu adresser le désormais célèbre: «Houston, we’ve had a problem.»

À cette distance presque impensable, la voix humaine, portée depuis Houston par les ondes, est restée présente sans cesse, ne répondant de rien dans ce danger extrême, mais répondant tout court, et maintenant, dès lors, trois hommes déboussolés dans le monde des vivants. Perdre tout arrimage à un point fixe, ne plus être lesté par la gravitation du corps, de la parole, du lien à l’Autre, est une expérience de pure angoisse.


Nous sommes tous, humains, des désorientés en puissance. Peut-être est-ce pour cela que le cosmos, l’espace nous parlent. L’inconscient, dans son versant de mort (il a aussi un prodigieux versant vital), ressemble à la loi d’un mouvement programmé pour nous faire tourner en rond, en boucle, à vide. Cela prend forme réelle, dans nos vies, à travers nos souffrances et nos symptômes, les échecs en série, les scenarii douloureux qui se répètent, nos cogitations obsédantes et sans issue, le manège infernal de nos angoisses et de nos peurs, notre mal de vivre inexpliqué, le sentiment insensé de causer notre propre perte.

Il nous faut, pour en sortir, la force d’un événement qui vienne changer le cours des choses. Les odyssées de l’espace mettent toujours en scène un tel événement, crucial. Elles sont des métaphores d’une bifurcation, d’une courbure de trajectoire qui ramène à la vie.

C’est cela la psychanalyse: saisir la chance de se réorienter, de prendre une direction qui retrouve la gravité du désir. Des effets, puissants, en découlent, auxquels j’ai consacré les cinq chapitres de ce livre: sortir d’une position de malade, choisir l’amour, trouver un sens à sa vie, être fier de son existence, vivre apaisé. Ce nouveau champ de vie, aux coordonnées ainsi modifiées, est ce que j’ai appelé la «vie augmentée».



@sabinecallegari

 

 
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