Un peu plus d’un an après son départ du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian reprend du service, et se voit chargé, dans tous les sens du terme, d’un dossier loin d’être des plus aisés: le Liban. Il lui a été confié par le président Emmanuel Macron, qui en a fait son «envoyé personnel» au «pays du Cèdre». Jean-Yves Le Drian se rend ce mercredi à Beyrouth, lui qui a été en première ligne, dès le début des crises qui affectent le Liban, depuis plusieurs années. Portrait.
Jean-Yves Le Drian, qui arrive ce mercredi à Beyrouth, avance en terrain miné. Ce que l’on a appelé «l’initiative française», concernant l’élection d’un président de la République au Liban – qui favorisait l’élection de Sleiman Frangié – semble avoir du plomb dans l’aile. La mission M. Le Drian au «pays du Cèdre»: rapprocher les points de vue.
Après la rencontre à Paris (le vendredi 16 juin) entre le président Emmanuel Macron et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, il semble y avoir une entente franco-saoudienne sur la question de la présidentielle libanaise. Cela pourrait potentiellement faciliter la mission de Jean-Yves Le Drian. Selon nos informations, ce dernier devrait rencontrer tous les partis politiques libanais, ainsi que tous les candidats et non-candidats ayant recueilli des voix lors de la douzième séance électorale au Parlement du 14 juin dernier. Cette première visite serait suivie par une autre, au mois de juillet et par une tournée régionale.
Ne pas raccrocher son tablier
Cette mission libanaise est un défi de plus pour Jean-Yves Le Drian. Lui qui, en plus de quarante années passées au sein de la sphère politique française, y a (presque) tout connu et tout vécu. Député, maire, conseiller régional, président de région, mais aussi secrétaire d’État et ministre sous trois présidents français différents… on ne compte plus les mandats qu’il a pu exercer au sein de la République.
Dans le cadre de ses fonctions – ministérielles notamment –, ce fier breton, profondément lié et attaché à sa terre natale, a connu et dû gérer des crises, des guerres, le terrorisme, une pandémie…
Bien qu’âgé de 75 ans aujourd’hui, le natif de Lorient ne semble cependant pas encore près de rendre son tablier. Un peu plus d’un an après son départ du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian reprend du service, après qu’Emmanuel Macron en a fait son «envoyé personnel» au Liban. Une nomination dont l’objectif est de «faciliter» une solution «consensuelle et efficace» à la grave impasse politique que traverse le pays, selon les mots de l’Élysée.
Le dossier libanais est loin d’être des plus simples. Cela ressemble à une mission impossible. Mais Jean-Yves Le Drian – un homme présenté comme doté d’une solide expérience dans la gestion de crises – l’accepte.
«Non-assistance à pays en danger»
Ce mercredi, Jean-Yves Le Drian ne s’aventure pas en terre inconnue. Il est un habitué du Liban. Il s’y est rendu plusieurs fois. La première, c’était en 2012, en tant que ministre de la Défense, sous la présidence de François Hollande.
Sous celle d’Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian devient le nouveau ministre des Affaires étrangères. Et, une grande attention est portée au Liban, qui connaît, notamment à partir de 2019, une crise économique, sociale, politique, et un mouvement de contestation anti-gouvernemental sans précédent. Jean-Yves Le Drian est en première ligne, et c’est lui qu’Emmanuel Macron charge de transmettre aux responsables libanais des messages fermes afin d’essayer d’aboutir au redressement du pays.
Il n’hésite notamment pas à tenir des propos forts, pour alerter sur l’urgence en cours au sein du «pays du Cèdre». Lors d’une conférence de presse à Beyrouth le 23 juillet 2020, il avait exhorté les dirigeants libanais à mettre en œuvre des réformes afin de bénéficier des aides internationales. «Aidez-nous à vous aider, bon sang», avait-il dit alors.
Quelques jours après l’explosion qui a ravagé le port de Beyrouth, le 4 août 2020, et après la démission du gouvernement du Premier ministre Hassan Diab, le chef de la diplomatie française appelait les dirigeants libanais à se doter d’un gouvernement afin de rapidement mettre en œuvre des réformes. «Ce pays est au bord du gouffre... On ne va pas signer de chèque en blanc... Le risque aujourd’hui, c'est la disparition du Liban», avait-il affirmé au micro de RTL.
En mars 2021, lors d’une conférence de presse, sept mois après les deux déplacements du président Macron à Beyrouth, M. Le Drian disait être «partagé entre la tristesse, la colère et l’angoisse» devant la dégradation de la situation dans le pays. «Nous ne pouvons pas nous substituer aux forces politiques libanaises qui, pour le moment, se rendent responsables de non-assistance à pays en danger. Il est encore temps d’agir, demain, il sera trop tard», a-t-il écrit sur son compte Twitter.
«Un vrai désir d’aider les Libanais»
Mais au-delà des missions qui lui sont confiées dans le cadre de ses obligations ministérielles, ceux qui le connaissent bien décrivent un homme attaché au Liban. Noha Baz, pédiatre libanaise et auteure de «Goûts du Liban» (éditions Mango, 2021), est l’une d’entre eux. Elle décrit un homme qui «a un profond respect de l’humain et un vrai désir d’aider les Libanais». Pour Ici Beyrouth, elle raconte qu’en 2017, elle a, à titre amical, accompagné Jean-Yves Le Drian et son épouse Maria dans un périple découverte du sud Liban, notamment les villes de Tyr et Saïda.
«Nous avions été sur les pas des Croisés. Ils étaient subjugués par la beauté de la terre et des lieux, avec une sincère empathie pour les habitants de Saïda et de Tyr, en s’intéressant à leur quotidien, à leurs espoirs et leurs besoins», raconte-t-elle. Lors de cette visite, Jean-Yves Le Drian «a voulu aller à la rencontre des Libanais et côtoyer le Liban de tous les jours. Pas les paillettes, les lieux huppés ou les boites de nuit». Dans le souk de Saïda, «il a pris le temps de s’intéresser à chaque artisan, du fabricant de loukoums à celui de pâtisseries…».
Pour Noha Baz, Jean-Yves Le Drian est «à l’écoute, attentif aux besoins des Libanais». «C’est un homme juste, avec une vraie sincérité à l’égard du Liban et des Libanais. C’est un homme de parole et d’action qui met l’humain au-dessus de tout le reste.» Elle raconte également que l’une des premières personnes à l’avoir contactée, après l’explosion du 4 août, «c’est Jean-Yves le Drian et son épouse, afin de savoir comment j’allais».
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