Vous êtes certainement déjà au courant, on est aux portes de la saison du tourisme d'été. L’occasion de célébrer, mais aussi de déceler ce que ce secteur dévoile, y compris la quantité d’approximations oiseuses qui circulent, et quelques initiatives qui n’existent pas.
D’abord pour les chiffres, le ministre lance des estimations à l’emporte-pièce. Il annonce 1,7 million de «voyageurs», dont 25% d’étrangers, et 7,5 milliards de dollars de recettes.
Or il est très difficile de trier avec un tant soit peu de précision les catégories de ces «voyageurs», leur caractère «touristique», et encore moins les recettes. Par exemple, les étudiants qui reviennent pour les vacances n’ajoutent rien à la masse monétaire, ce sont leurs parents qui vont les entretenir.
En outre, c’est le nombre de nuitées (passées dans le pays) qui fait référence dans ce domaine, beaucoup plus que le nombre de visiteurs. Une donnée qu’on n’a jamais eue.
Concernant les catégories, les étrangers sont essentiellement des Irakiens, Égyptiens, et Jordaniens, puis un peu plus d’Européens. Or les professionnels savent que ces catégories ne sont pas de gros consommateurs, rien à comparer avec les gens du Golfe qu’on a enfin réussi à éloigner. C’est pour cela que le tarif moyen par chambre à Beyrouth, selon la référence Ernst & Young, a été en moyenne de 46 dollars net par chambre en 2022. Et, même avec ce tarif, on n’a pas pu dépasser les 49% de taux d’occupation.
Deuxième catégorie, ces expatriés, qui sont en train de remplir les avions, ont partiellement des comportements de touristes. Mais il en est de même pour les locaux qui vont dans des restaurants, ou réservent pour une semaine à Faraya. Et on n’a aucun moyen de les distinguer, alors que, financièrement, la différence est que dans le premier cas c’est de l’argent frais qui rentre au pays.
Quant à la contribution du secteur à l’économie nationale, il faut se référer à l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) qui mentionne toujours deux séries de données. Il y a d’abord la contribution directe du tourisme, notamment les hôtels, les locations de voitures et les transporteurs aériens. Puis la contribution indirecte, regroupant toute autre consommation liée partiellement à ces voyageurs, y compris les restaurants, le shopping, les taxis, etc.
Ainsi découpées, l’OMT fournit donc ces deux séries de données, dont l’une est pratiquement la double de l’autre. Au Liban, cela s’est traduit en 2018 par un nombre d’emplois directs dans le secteur du tourisme égal à 144.000, et 250.000 emplois indirects. Les autres chiffres (recettes, contribution au PIB…) suivent les mêmes proportions.
Maintenant, pour ne pas rester dans le négatif, proposons quelques astuces pour rendre le vécu touristique plus aisé, plus transparent et plus rentable.
D’abord, éliminons cette initiative du ministre d’installer 20 ou 30 bureaux touristiques dans les régions. Cela ne sert à rien, pour deux raisons. La première est que ces centres, pour qu’ils soient utiles, il faut qu’ils aient des brochures qui indiquent les hôtels, les restaurants, les sites, les activités et des employés qui fournissent des renseignements détaillés, un peu comme les syndicats d’initiative en France. Or tout cela n’existe pas ou n'existe plus.
L’autre raison est que les fonctionnaires, comme on le sait, sont très souvent en grève. Donc au lieu de ne pas pointer aux locaux du ministère, ils ne pointeront pas au bureau régional.
Parmi les suggestions, retenons d’abord l’utilité de créer une plateforme de renseignement et de réservation d’hôtels et de logements sur Internet, avec une liste complète et un descriptif. Le tout sans but lucratif. Cela évitera aux intéressés de recourir à Booking.com, Trivago, ou Airbnb, qui empochent de 10 à 20% du tarif. Il en est de même pour les locations de voitures et autres activités.
Ensuite, les restaurants devraient être contraints d’afficher de nouveau leurs tarifs à l’extérieur, puisque le dollar a été adopté comme monnaie d’échange. Avec en plus la possibilité ou non de payer en LL et/ou par carte bancaire. Les consommateurs ne sont pas obligés d’être plumés.
Tertio, un autre site devrait fournir des renseignements sur les activités qui intéressent les touristes: spectacles, événements, offres de shopping, activités de plein air, excursions organisées, etc. L’idée est d’inciter les touristes à «consommer» davantage, de plein gré. Une astuce largement répandue.
Quattro, finissons-en avec ce monopole et droit de veto de la MEA, legs d’un autre âge. Si on autorisait des charters, des low-cost et des vols sans limites, on aurait certainement davantage de visiteurs. On peut au moins tester cette formule en haute saison, au moment où la MEA exige des tarifs astronomiques.
En marge, on ne peut s’empêcher quand même de déceler quelque chose de malsain dans cette histoire d’expatriés qui retournent pour une semaine ou deux, réjouissant ainsi le ministre qui croit qu’il en est l’instigateur. C’est comme si on disait: faisons en sorte de prolonger la crise le plus possible, on aura ainsi davantage de jeunes qui vont émigrer, et par la suite, encore plus de visiteurs l’été prochain…
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