Avec Le Drian, un changement dans la forme… et le fond
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Le changement «dans la forme» de l’approche française, reflété par la méthode adoptée par Jean-Yves Le Drian, dénote-t-il également un changement «dans le fond»? L’envoyé personnel du président Emmanuel Macron n’a pas évoqué l’ancienne initiative soutenue par Paris, et a sondé ses interlocuteurs sur «un candidat centriste dans le cadre d’un consensus parrainé par la France».
Le trait marquant de l’approche adoptée par Jean-Yves Le Drian, envoyé «personnel» du président français Emmanuel Macron au Liban, est le sérieux et la minutie avec lesquels il traite cette mission. L’ancien ministre des Affaires étrangères et de la Défense consacre plus d’une heure à chaque responsable libanais qu’il rencontre, pose de nombreuses questions, bien précises, et note les réponses. Cette façon d’aborder la question de la présidentielle libanaise, ainsi que le mutisme médiatique qui l’entoure, reflète clairement un changement de méthode de la part de la France.
Selon de nombreux observateurs, Paris appuie depuis de longs mois une «initiative» qu’il a lui-même lancée, et qui est basée sur l’élection du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République et la désignation du juge Nawaf Salam au poste de Premier ministre.
Après avoir considéré cette initiative comme la seule viable, il semble que la France a réalisé que ses chances de succès sont faibles, n’ayant pas obtenu l’aval des autres pays concernés de près par le Liban, notamment l’Arabie saoudite, et ayant été fermement rejetée par une large partie des leaders et partis libanais.
De Durel à Le Drian
La désignation par le président Macron d’un grand connaisseur du pays du Cèdre comme «envoyé personnel», dénote manifestement une prise de conscience de la nécessité de passer à autre chose. C’est ainsi qu’après les «tête-à-tête» qu’organisait le conseiller chargé de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’Élysée, Patrick Durel, avec des leaders libanais à Paris, Jean-Yves Le Drian, lui, est venu à Beyrouth, dans le cadre d’une «visite solennelle», effectuée par un «émissaire» chargé d’une «mission».
La visite de M. Le Drian rappelle les deux voyages effectués par le président Macron lui-même au Liban, au lendemain de l’explosion dévastatrice du 4 août 2020 au port de Beyrouth, puis moins d’un mois plus tard. Ces voyages avaient démontré le grand intérêt porté par Paris au Liban, que le président français avait de nouveau illustré de nombreuses fois.
C’est dans ce cadre que l’on peut notamment inscrire les conférences organisées par l’Élysée pour apporter une assistance humanitaire au peuple libanais, ou même le voyage effectué par Emmanuel Macron en Arabie saoudite  en 2017 pour aider l’ancien Premier ministre Saad Hariri, qui avait des «difficultés» à quitter le pays.
Forme et fond?

Ces différences dans la forme, entre les méthodes Durel et Le Drian, viennent-elles également traduire des différences sur le fond? Selon des sources proches de leaders politiques que l’émissaire français a rencontrés jeudi, «l’initiative française» n’a pas du tout été abordée lors des entretiens. Aucun nom de candidat n’a été prononcé, et le «troc Frangié-Salam» n’a pas été évoqué une seule fois.
D’après des sources proches du parti des Forces libanaises, «l’option Frangié» aurait été abandonnée par Paris, après que la France a constaté «le rapport de forces parlementaire, national et populaire», qui n’est pas en faveur de Sleiman Frangié. En revanche, et selon des sources proches du mouvement Amal, le nom du chef des Marada n’a pas été évoqué «parce que la France sait parfaitement que notre position n’a pas changé, et que nous continuons de l’appuyer».
Un candidat centriste?
La journée de jeudi de M. Le Drian a été faste. Il a rendu visite au Premier ministre sortant Najib Mikati, au patriarche maronite Béchara Rai, au chef des Forces libanaises Samir Geagea, et au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil. Il a également reçu à la Résidence des Pins les anciens ministres Sleiman Frangié à déjeuner, et Ziyad Baroud à dîner. Il convient de noter que tous deux avaient obtenu un nombre de voix lors de la dernière séance électorale: 51 pour le leader des Marada, et 6 pour M. Baroud.
La principale question posée par M. Le Drian à ses interlocuteurs est la suivante: «Que peut-on faire pour sortir le Liban de la crise?». Il a aussi sondé les dirigeants qu’il a rencontrés sur les points suivants: «Comment peut-on empêcher le blocage de l’élection? Y a-t-il un mécanisme constitutionnel?».
En l’absence d’un tel mécanisme, il a demandé à ses interlocuteurs s’ils seraient disposés «à accepter un candidat centriste, dans le cadre d’un consensus parrainé par la France».
À cette question, les Forces libanaises auraient répondu, selon des sources proches du parti: «Tout dépend du candidat, de son parcours, de son rôle, de ses relations et de ses capacités.»
Les mêmes questions seront posées aux officiels avec lesquels M. Le Drian s’entretiendra vendredi, notamment le chef du parti Kataëb Samy Gemayel, le chef du Rassemblement démocratique (bloc du Parti socialiste progressiste) Teymour Joumblatt, le député et ancien candidat à la présidence Michel Moawad. Il rencontrera également des députés du Hezbollah, de la Modération nationale, du Changement, ainsi que des indépendants. Il se réunira aussi avec les ambassadeurs de France, d’Arabie saoudite, du Qatar, d’Égypte et des États-Unis, les cinq pays ayant participé à la réunion de Paris sur le Liban le 6 février dernier.
Assistance à pays en danger?
Cette visite de M. Le Drian n’est que la première dans le cadre de sa nouvelle mission. S’exprimant à l’issue de son entretien avec le patriarche maronite Béchara Rai, il a clairement déclaré qu’il n’est porteur d’aucune option, mais qu’il mobilisera tous les efforts pour aider à sortir le Liban «immédiatement» du blocage politique.
À son retour, annoncé dans un mois, il est fort à parier qu’il sera porteur d’une nouvelle initiative. Lui qui avait sévèrement critiqué les leaders libanais en 2021 pour leur comportement vis-à-vis de leur patrie, réussira-t-il à apporter une «assistance à (ce) pays en danger»?
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