L’élection d’un nouveau président signifie-t-elle la fin d’un état de vacance indûment prolongé et le début d’une nouvelle ère dans la vie du Liban? Rien n’est moins sûr. Les effets inducteurs de la contre-offensive israélienne ont été non seulement déterminants, mais ils ont pavé la voie à des règlements négociés sur le plan régional et à la relance des dynamiques politiques tant au Liban qu’en Syrie après des décennies de blocage.
Le Liban semble buter sur des obstacles habituels occasionnés par les politiques de domination, les visions idéologiques et les intérêts oligarchiques qui expliquent les difficultés de l’alternance en cours. Indépendamment des stipulations constitutionnelles, les difficultés en cours témoignent de la fragilité de l’acculturation juridique vis-à-vis des réalités d’une société politique dont les dynamiques réelles se déploient en dehors de toute normativité et contestent la prégnance de la loi constitutionnelle. On a le sentiment que les institutions ne sont que des expédients dont on se sert à des fins contrastées.
Les stipulations de Taëf à l’endroit du pouvoir exécutif ont rendu inévitable le recours à une instance d’arbitrage extra-constitutionnelle et non libanaise qui rend compte de l’état de blocage institutionnel continu. Selon toute présomption, la recomposition en cours devrait mettre fin à cet état de prostration et aux multiples instrumentalisations dont il fait l’objet. La prudence qui s’impose à cet égard nous invite à en prendre acte en premier, à observer les pratiques de remplacement et à mettre en chantier une refonte institutionnelle qui nous permettrait de remédier aux apories juridiques en vigueur et de réformer la loi constitutionnelle.
Les réformes juridiques s’imposent afin de mettre fin aux irrégularités d’une vie politique qui a détruit la notion d’État de droit. Le Liban ne peut plus s’accommoder des contresens juridiques et de leurs conséquences politiques et des violences cycliques qui en ont résulté. Les alibis n’arrivent pas à exorciser les faits, et les effets délétères n’ont cessé d’étayer ce constat.
Ceci étant dit, il faudrait commencer par défricher le terrain et remédier au plus pressé à la remise du pays sur la voie de la normalisation progressive. Les équivoques qui ont prévalu jusque-là à l’endroit de l’application de la trêve sont de mauvais augure et nous renvoient aux réalités d’une guerre non terminée et aux desseins du Hezbollah qui se refuse à toute démarche de pacification et se positionne de manière intérimaire par rapport à une guerre reportée. La nouvelle autorité ne peut, sous aucun rapport, s’accommoder de cet état d’ambivalence au risque de faire capoter le processus de paix et de ramener le pays au point zéro.
Le mandat international est non négociable et les nouveaux élus doivent leur statut aux nouvelles dynamiques régionales tant sur le plan diplomatique que sécuritaire. Il est impératif de leur rappeler les coordonnées de cette mandature afin de se prémunir contre les tentations du volontarisme, des délires idéologiques et du concordisme facile et de mauvais aloi. L’application des résolutions 1701, 1559 et 1680 n’est pas sujette à des interprétations et la fin des extraterritorialités politiques et militaires est non négociable. Le dilemme des lignes de démarcation entre le sud et le nord du Litani est révolu et le Hezbollah ne peut, en aucun cas, revendiquer un statut légal reconnu par le droit international. Les nouvelles autorités en place ne peuvent pas transiger sur les impératifs tant politiques que juridiques et sur les encadrements internationaux qui les réglementent. Les imprudences langagières et le bravache du nouveau Premier ministre sont trop prématurés et peuvent remettre en cause la dynamique en cours.
Autrement, la mise en œuvre du programme de réformes annoncé par le président de la République devrait être relayée par celui du Premier ministre et du gouvernement projeté. L’état du pays requiert un Exécutif cohésif pour remédier aux inconséquences d’un Parlement entièrement inepte et irresponsable et préparer la véritable alternative démocratique avec les législatives à venir. Entre-temps, la préparation des chantiers de réformes peut prendre son cours, surtout que les enjeux en question ont été suffisamment étudiés par diverses instances, mais ils n’ont jamais vu le jour avec les verrouillages idéologiques et stratégiques en place. La période est celle d’une transition laborieuse où les échéances ne peuvent pas être décalées et où chaque acquis peut contribuer à l’avancement de cette entreprise monumentale qui ne fait que commencer.
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