Il y a des aspects récurrents dans ces sempiternels plans de redressement, depuis l’ère funeste du gouvernement Hassane Diab, jusqu’à celle, aussi néfaste, de Saadé Chami.
Le premier aspect est que ces plans ne «redressent» rien du tout. C’est juste un abus de langage. Sur ce site et ailleurs, des économistes éminents ont déjà abondé dans ce sens. On ne va pas y revenir.
Mais il y a une autre dimension qui a l’air d’échapper à l’analyse, et qu’on va suggérer ici. C’est le caractère immédiat de ces plans. On élimine tout de suite, ou alors sur les quelques petites années à venir, des établissements bancaires, puis des dépôts et des déposants-investisseurs qui ont été assez imbéciles d’avoir eu confiance dans ce simili État, et – quelle honte! – d’avoir perçu des intérêts.
En même temps, il faut éliminer tout de suite tous les engagements de la Banque du Liban (BDL) à l’égard des banques, donc des déposants – des dizaines de milliards de dollars. Et c’est ainsi qu’on va résorber les «pertes du système financier», selon la piètre appellation étatique, alors qu’il s’agit surtout de la dette d’un État qui ne veut pas respecter ses engagements.
Même le FMI et la Banque mondiale (BM) s’y sont mis, en prônant un traitement de résolution immédiate de toutes ces pertes, puis faire table rase tout de suite et qu’on en finisse. On a d’autres chats à fouetter.
Tout cela nous amène à une idée principale, au péché originel: on est en train de faire payer délibérément à une seule génération, la présente génération de malheureux citoyens (déposants et non-déposants) toutes les séquelles de la crise. Or quelle que soit la méthode de «répartition des pertes» à la fin, il n’y a aucune chance qu’une seule génération puisse humainement en supporter la charge.
D’où la proposition principale de ce laïus: il faut que le sacrifice soit étalé sur plusieurs générations pour qu’il devienne supportable. La proposition de faire appel aux actifs de l’État, en les exploitant selon des formules optimales, entre dans ce cadre.
Car ces actifs n’appartiennent pas véritablement à l’État, ils ont été acquis par l’argent des citoyens des trois ou quatre générations passées. Certains depuis l’époque ottomane, jusqu’aux périodes de l’indépendance, en passant par le Mandat.
Il faudrait ensuite, simultanément, étaler les sacrifices jusqu’à la génération future, même si elle n’a rien fait sauf naître dans ce pays. Mais n’empêche qu’elle en subit déjà les séquelles, rien que par la difficulté qu’elle a à acquérir une bonne éducation.
En somme, à considérer qu’on a une bonne gouvernance – une idée assez farfelue, je sais –, ce «trou financier» devient tolérable si on le répartit sur six générations: les quatre qui ont précédé, et accumulé des actifs étatiques, puis la présente, et la future. D’autres pays ont déjà plus ou moins appliqué cette distribution, justement parce que les pertes étaient colossales.
Évidemment, c’est une idée qui n’effleure même pas ces gens en haut lieu, pour la simple raison que tous leurs esprits sont concentrés actuellement sur une seule ambition: assurer leur place sous le nouveau mandat, quand et si…
Il n’y a qu’à suivre leur itinéraire quotidien pour s’en convaincre. Le Premier ministre se démène partout pour garantir la pérennité de son siège, de préférence sous Sleiman Frangié. Le ministre de l’Économie se voit en revanche calife à la place du calife (puisqu’il a un nom premier-ministrable!). Plusieurs se disputent déjà l’héritage du perchoir du Parlement… En fait, pas besoin d’énumérer, des Iznogoud il y en a à tous les étages.
Leur argument préféré est d’arborer tous les jours ce qu’ils appellent abusivement des ‘réalisations’, qui sont en réalité quelques aides que des donateurs ont bien voulu nous accorder pour des nécessités urgentes, et dont les ministres-mendiants sont très fiers.
Mais qu’est-ce que vous espériez? Le pouvoir est ce qu’il est, il corrompt, et, comme disait l’autre, le pouvoir absolu corrompt absolument.
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