Le corbeau et le regard: Beyrouth en motifs II n’est pas sans rappeler l’espiègle renard de la Fontaine qui, par l’odeur d’une jebneh alléché, fixait la cime d’un arbre. Pourtant, l’exposition solo d’œuvres de l’artiste libanaise Dyala Khodary à la galerie Art on 56 th n’a rien à voir avec le fabuliste du XVIIe siècle et sa fable sur la sagesse et l’humilité.
L’artiste présente, non pas une fable, mais un récit visuel autour de l’architecture de Beyrouth, ville de contradictions. Elle se concentre principalement sur deux éléments architecturaux:
*Le corbeau, une structure qui soutient l’ouverture du balcon et favorise l’accès à l’extérieur. C'est là une des influences architecturales du mandat français et de la vague d’urbanisation qu’il a entraînée. Dyala s’y intéresse dans le cadre de sa deuxième exposition sur les motifs beyrouthins, car le corbeau est beaucoup moins mis en avant que la triple arcade, notamment, alors qu’il est tout de même un des symboles phares d’une architecture éclectique et hybride.
*La bouche d’égout (regard), une ouverture couverte sur la chaussée, qui permet l’accès à ce qui se trouve en dessous. Parsemé de métaphores, l’encorbellement symbolise la volonté d’aller de l’avant et de s’élever, et la bouche d’égout incarne l’espoir ainsi que la possibilité de s’échapper même lorsqu’on est au plus bas. «Le corbeau, c’est le haut, et le regard, c’est le bas, représentant les “ups and downs” de Beyrouth», me dit Dyala.
Cette représentation «romanticisée» du regard, avec des feuilles mortes et des gouttes de pluie, est pour Dyala un ultime appel à la résilience, à «ne pas partir», à «faire la paix avec le bas». En effet, pour l’artiste, «il y a toujours une issue».
Par ailleurs, le regard dissimule un certain mystère sous sa plaque de fer, mystère qui n’est pas forcément quelque chose de négatif selon l’artiste. Le concept en tant que tel est une métaphore d’un avenir incertain par essence, dans le prisme duquel il y a aussi des jours meilleurs.
Dans le cadre de son étude du regard, outre les répliques des plaques au sol, Dyala en a fait de petites représentations en mixed médium, sur du lin, du bois, et de l'étain oxydé. Par-dessus, la peinture acrylique et la résine définissent les détails de la forme du regard. Lorsque je m’approche, pensant découvrir les inscriptions habituelles que je vois dans les rues de Beyrouth, je remarque que certains regards sont gravés comme des pièces de monnaie. Avec la crise et la dévaluation dantesque de la monnaie, les pièces ne sont plus du tout utilisées, et j’avoue que je n’en avais même jamais vu, à part justement par terre. L’amalgame m’est confirmé par l’artiste.
Pour Dyala, cette exposition est une mission, étant de ceux qui ont décidé de «ne pas partir». C’est un aboutissement de ce que l’artiste considère comme une période qu’elle donne à son pays, et qu’elle emploie à traduire la complainte lancinante des Libanais sur les toiles. Par l’angle urbain, «j’exprime l’appel au secours des citoyens» qui, par antithèse, «ne sont guère soucieux de leur devoir civique envers la ville». Dyala se fait alors invocatrveice de la saugarde de Beyrouth et de son espace urbain, présentant donc un travail engagé, qui cherche à provoquer un impact.
Enracinées dans l’exploration urbaine, les peintures sont des instantanés de Beyrouth, capturant son architecture unique qui mélange l’ancien et le nouveau, le fonctionnel et l’esthétique, l’authentique et le cosmétique. Dans cette série d’œuvres d’art, Dyala expérimente les représentations de paysages urbains, en plaçant les compositions dans des perspectives angulaires afin de jouer avec les perceptions du lieu et du temps. Bien que les toiles soient dépourvues de toute présence humaine, elles rappellent des lieux habités, capturant des indices de la vie qui passe. Ainsi, les peintures sont aussi troublantes que fascinantes et constituent un hommage unique au vrai Beyrouth.
Pour ce qui est de la représentation plastique et du processus créatif, l’artiste s’est inspirée de monuments réels, dans des quartiers très différents de Beyrouth, vus à partir des toits ou lors de balades à pied.
La palette de couleur est très variée; on pourrait croire qu’un filtre de couleur est mis sur certaines toiles. Je m’interroge sur ces divergences: «Le sujet me le dicte, le filtre vient intuitivement en fonction du “mood”». En effet, Dyala oscille entre une monochromie, pour faire ressortir la forme et les jeux d’esthétique architecturaux, et un réalisme qui capture davantage qu’un moment, une ambiance.
Les châssis ont cependant un dénominateur commun, ces étranges «zips» – fermetures Éclair — qui traversent les toiles, peintes également. Ce sont des plaies, me dit Dyala. Mais lesquelles? «Celles, globales, de la ville, mais surtout celles que chacun a envie de panser».
Article rédigé par Léa Samara
Pour en savoir plus, cliquez ici
L’artiste présente, non pas une fable, mais un récit visuel autour de l’architecture de Beyrouth, ville de contradictions. Elle se concentre principalement sur deux éléments architecturaux:
*Le corbeau, une structure qui soutient l’ouverture du balcon et favorise l’accès à l’extérieur. C'est là une des influences architecturales du mandat français et de la vague d’urbanisation qu’il a entraînée. Dyala s’y intéresse dans le cadre de sa deuxième exposition sur les motifs beyrouthins, car le corbeau est beaucoup moins mis en avant que la triple arcade, notamment, alors qu’il est tout de même un des symboles phares d’une architecture éclectique et hybride.
*La bouche d’égout (regard), une ouverture couverte sur la chaussée, qui permet l’accès à ce qui se trouve en dessous. Parsemé de métaphores, l’encorbellement symbolise la volonté d’aller de l’avant et de s’élever, et la bouche d’égout incarne l’espoir ainsi que la possibilité de s’échapper même lorsqu’on est au plus bas. «Le corbeau, c’est le haut, et le regard, c’est le bas, représentant les “ups and downs” de Beyrouth», me dit Dyala.
Cette représentation «romanticisée» du regard, avec des feuilles mortes et des gouttes de pluie, est pour Dyala un ultime appel à la résilience, à «ne pas partir», à «faire la paix avec le bas». En effet, pour l’artiste, «il y a toujours une issue».
Par ailleurs, le regard dissimule un certain mystère sous sa plaque de fer, mystère qui n’est pas forcément quelque chose de négatif selon l’artiste. Le concept en tant que tel est une métaphore d’un avenir incertain par essence, dans le prisme duquel il y a aussi des jours meilleurs.
Dans le cadre de son étude du regard, outre les répliques des plaques au sol, Dyala en a fait de petites représentations en mixed médium, sur du lin, du bois, et de l'étain oxydé. Par-dessus, la peinture acrylique et la résine définissent les détails de la forme du regard. Lorsque je m’approche, pensant découvrir les inscriptions habituelles que je vois dans les rues de Beyrouth, je remarque que certains regards sont gravés comme des pièces de monnaie. Avec la crise et la dévaluation dantesque de la monnaie, les pièces ne sont plus du tout utilisées, et j’avoue que je n’en avais même jamais vu, à part justement par terre. L’amalgame m’est confirmé par l’artiste.
Pour Dyala, cette exposition est une mission, étant de ceux qui ont décidé de «ne pas partir». C’est un aboutissement de ce que l’artiste considère comme une période qu’elle donne à son pays, et qu’elle emploie à traduire la complainte lancinante des Libanais sur les toiles. Par l’angle urbain, «j’exprime l’appel au secours des citoyens» qui, par antithèse, «ne sont guère soucieux de leur devoir civique envers la ville». Dyala se fait alors invocatrveice de la saugarde de Beyrouth et de son espace urbain, présentant donc un travail engagé, qui cherche à provoquer un impact.
Enracinées dans l’exploration urbaine, les peintures sont des instantanés de Beyrouth, capturant son architecture unique qui mélange l’ancien et le nouveau, le fonctionnel et l’esthétique, l’authentique et le cosmétique. Dans cette série d’œuvres d’art, Dyala expérimente les représentations de paysages urbains, en plaçant les compositions dans des perspectives angulaires afin de jouer avec les perceptions du lieu et du temps. Bien que les toiles soient dépourvues de toute présence humaine, elles rappellent des lieux habités, capturant des indices de la vie qui passe. Ainsi, les peintures sont aussi troublantes que fascinantes et constituent un hommage unique au vrai Beyrouth.
Pour ce qui est de la représentation plastique et du processus créatif, l’artiste s’est inspirée de monuments réels, dans des quartiers très différents de Beyrouth, vus à partir des toits ou lors de balades à pied.
La palette de couleur est très variée; on pourrait croire qu’un filtre de couleur est mis sur certaines toiles. Je m’interroge sur ces divergences: «Le sujet me le dicte, le filtre vient intuitivement en fonction du “mood”». En effet, Dyala oscille entre une monochromie, pour faire ressortir la forme et les jeux d’esthétique architecturaux, et un réalisme qui capture davantage qu’un moment, une ambiance.
Les châssis ont cependant un dénominateur commun, ces étranges «zips» – fermetures Éclair — qui traversent les toiles, peintes également. Ce sont des plaies, me dit Dyala. Mais lesquelles? «Celles, globales, de la ville, mais surtout celles que chacun a envie de panser».
Article rédigé par Léa Samara
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