Promouvoir les artistes des musiques du monde avec un seul et unique critère: la qualité, telle est la vocation, depuis des décennies, de la Libanaise de la diaspora Nayla Nasr Abdul-Khalek. Pour elle, la résistance culturelle se traduit à travers la réalisation de productions musicales et cinématographiques en France et ailleurs. À la tête de la société commNprod International, agence de production et de management d’artistes, elle vient de produire le brillant spectacle Karakoz de la comédienne franco-libanaise Coco Makmak au Théâtre de la tour Eiffel à Paris les 16 et 17 juin 2023, écrit et mis en scène par Coco Makmak et Rand Abdul-Khalek.
Nayla Abdul-Khalek a quitté à un jeune âge le Liban, avec le début de la guerre civile pour s’installer à Paris. Après des études universitaires, elle a animé un programme musical sur Radio Monte Carlo, puis entamé une carrière dans la publicité, avant de créer sa ligne de parfums de luxe, Elysios France. Plus tard, elle a rejoint l’Unesco à travers différents projets majeurs tels que l’éducation en urgence pour Enfants déplacés et réfugiés, et l’éducation en Afghanistan, ou encore l’organisation d’un concours de création et d’innovation à travers 368 universités dans le monde. Et ce n’est pas un hasard si, quelques années plus tard, elle s’est tournée vers le cinéma et la musique. Son mari, Ghassan Abdul-Khalek, journaliste au service des informations dont il était l’un des piliers à Radio Monte Carlo, cofondateur et président du Club de la presse arabe, prématurément décédé en 2004, avait créé le premier Festival du cinéma arabe à Paris, en collaboration avec Fréderic Mitterrand en 1983.
«C’était un festival avant-gardiste, dit-elle, car Ghassan avait compris que les cinémas arabes ne pouvaient rester confinés dans leur périmètre géographique. Il avait invité tous ceux qui allaient devenir de grands cinéastes: Youssef Chahine, Salah Abou Seif, Chadi Abdessalam, Henri Barakat, Michel Khleifi, Merzak Alouache, Bourhane Alawiyé, Omar Amiralay, Jean Chamoun, Mohammed Malas, Oussama Mohammad, Jocelyne Saab, Mohammed Khan, Jilali Farhati… et des grandes vedettes comme Faten Hamama, Ezzat Alayli, Hind Rostom, Farid Chawki, Assaad Fadda, Leila Eloui, Yousra, Mona Wassef, Nour Charif, Duraid Laham... pour ne citer qu’eux. Mais ce festival n’a duré que neuf ans car, en 1992, l’Institut du monde arabe (IMA) a décidé de se l’approprier et de l’organiser tous les deux ans. Malheureusement, le Festival du cinéma arabe s’est arrêté en 2010 faute de moyens.»
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En 2004, Nayla et son époux Ghassan créent le Festival des cinémas Sud-Sud à Assilah, au Maroc, sous la présidence et les directives de Mohammed Benaissa, à l'époque ministre des Affaires étrangères du Maroc. Le succès est immédiat. Les rencontres et projections avaient pour but de diversifier les goûts artistiques et culturels du public et par conséquent, d’élargir son intérêt pour d’autres cultures. «La soudaine disparition de Ghassan Abdul-Khalek qui en était le directeur, à la fin de l’été 2004, a été pour tous un immense choc, confie-t-elle. Il avait établi un dialogue des cultures, appelant à l’ouverture sur l’autre. De plus, il était le premier et seul Arabe à être désigné président du jury du Festival international de Venise dans la section Controcorrente en 2002. Ghassan avait des projets inestimables pour le septième art, mais le sort en a décidé autrement.»
En mai 2008, forte de son expérience et de ses contacts, Nayla reprend le flambeau et fonde commNprod International, agence de production et de management d’artistes, afin de mettre son large réseau au service de la culture. «J’ai démarré avec la musique, dit-elle. Cela a commencé en 2008 avec des groupes qui commençaient à me confier leur représentation, principalement dans le monde arabe, région qui n'a pas de secrets pour moi. En 2010, commNprod comptait plus de 20 groupes variés, d’une grande richesse, que l’on peut qualifier de musiques du monde. Nous avions des artistes du Liban, des pays du Maghreb, d’Iran, d’Espagne, d’Argentine, d’Inde et même de Corse, avec notamment le groupe mondialement connu I Muvrini.»
Au-delà de la représentation d’artistes, commNprod crée de toutes pièces de véritables «concepts-concerts» à travers notamment des concerts-hommages aux grands artistes libanais disparus. Alors que l’État libanais n’y songeait même pas, Nayla Abdul-Khalek y a pensé et l’a fait pour que l’on n’oublie pas le patrimoine artistique libanais. «Celui qui n’a pas de passé, ne peut pas avoir d’avenir, dit-elle. Si je ne réveille pas les hommages, personne ne le fera. J’ai organisé un concert-hommage en novembre 2014, un an après le décès de maître Wadih el-Safi à la Cigale, à Paris. Le magnifique chanteur Melhem Zein était en tête d’affiche. Jusqu’à présent, les gens qui y ont assisté s’en rappellent et c’est l’objectif: marquer les mémoires.»
Un an plus tard, sur la scène du Trianon, la belle voix puissante de Rwaida Attieh a présenté à un public en quête de qualité un hommage à Sabah. «Une autre soirée inoubliable a suivi un an après la première rencontre du public parisien avec Mohammed Khairy, ajoute-t-elle. Avec sa technique vocale sans pareil, il a envoûté le public des Qoudoud alépins et des chansons traditionnelles interprétées par le regretté Sabah Fakhri. Il y a eu un autre projet créé par commNprod qui n’a malheureusement pas eu de suite: le répertoire d’Edith Piaf en arabe dont la distribution musicale fut confiée au talentueux Michel Fadel. Le chant a été assuré par la chanteuse Jahida Wehbé, choisie par commNprod.»
En décembre 2022, commNprod a rendu hommage à Elias Rahbani en organisant avec son fils Ghassan Rahbani un inoubliable concert au Théâtre du 13e art à Paris, qui a eu un succès retentissant.
CommNprod se veut aussi un soutien et une aide aux jeunes cinéastes prometteurs à travers la coproduction de courts et moyens-métrages. «Nous avons coorganisé et programmé des festivals de cinémas arabes et du monde afin de promouvoir les talents cinématographiques. En 2015 et 2016, j’ai ramené le cinéma à l’Institut du monde arabe et organisé deux festivals très appréciés par la critique et les médias spécialisés tant la sélection était riche, variée et intéressante. Le fonctionnement interne de l’IMA était à l'origine de l’interruption de cette collaboration. C'est dommage, puisque le seul objectif était d’être simplement un pont au service de la culture», explique Abdul-Khalek.
Le spectacle de Coco Makmak, qui vient d’être produit à Paris, est une véritable réussite dont Nayla Abdul-Khalek nous fait part avec enjouement: «Les billets se sont vendus tellement vite qu’il nous a fallu proposer une troisième soirée de Karakoz avec Coco, le 16 septembre prochain. Il faut signaler l'effet virtuel qui s'est transformé en contact réel entre le public de Coco – qui la suit sur les réseaux depuis trois ans et qui est venu la découvrir pour la première fois –, et Coco sur scène. L'affection portée à cette artiste comédienne confirmée était impressionnante et la réaction étonnante! Le spectacle, du début à la fin, était une fête et une joie pour un public venu de Paris bien sûr, mais aussi d'Allemagne, de Belgique, d'Abidjan et de Nice...»
À ce jour, commNprod compte 25 artistes dont on peut dire qu’ils se répartissent en quatre catégories: musique du monde (Mauritanie, Inde, Espagne, Grèce…), jazz oriental et occidental (Lisa Simone, Mike del Ferro, Rami Atallah...), chanson française et musique classique (Catherine Lara, l’orchestre Lamoureux...) et chanson pop internationale (Jackson Four, Earth wind and fire, Buena Vista Social club.) Il y a tout juste un an, Nayla Abdul-Khalek s’est installée sous le soleil niçois et apporte son soutien au collectif Liban France (CLIF) dont elle dit: «C’est une belle aventure qui démarre.» Une multiplicité de projets l’attend à Paris, à Assilah, aux Émirats, à Beyrouth, au Canada et d'autres lieux...
www.commnprod.com
Instagram: @commnprod_int
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