Nadine Panayot, à la tête et au cœur du musée archéologique de l’AUB

Elle fait partie de ces grands passeurs de culture que sont toutes les personnes animées d’une grande passion et qui consacrent leur vie à la recherche et à la transmission. Lorsqu’on franchit l’imposant portail du Main Gate de l’AUB et que l’on pénètre dans l’antre de cette prestigieuse institution, 160 ans d’histoire nous rattrapent dans cet îlot de sérénité et de connaissance. Que dire lorsque l’on pousse la porte de son Musée archéologique pour écouter l’histoire et les enjeux racontés par celle qui est devenue la conservatrice de ce lieu depuis septembre 2020, un lieu plus ancien que le Liban lui-même?

Ce parcours impressionnant, déjà long et riche de 30 années d’expérience tant sur le terrain que sur le plan académique et le conseil, se trouve aujourd’hui face à une consécration et à un nouveau défi. D’abord, prendre en main les rênes d’une institution chargée d’histoire et de patrimoine. En effet, le Musée, datant de 1868, est le troisième plus ancien de la région après ceux du Caire et d’Istanbul, et il mérite de retrouver la place qui lui revient en devenant une référence au même titre que les grands musées mondiaux ou universitaires. Ensuite, il est essentiel de l’ouvrir au public en proposant des programmes et des événements innovants, dans une véritable optique d’engagement et de préservation du patrimoine, un véritable combat dans notre pays.
La nouvelle gardienne des lieux, Dr Nadine Panayot, s’est récemment vu décerner les insignes de chevalier des Arts et des Lettres, une distinction remise par le ministère français de la Culture représenté par Monsieur Jean-François Hébert, directeur général des Patrimoines et de l’Architecture, en reconnaissance de ses nombreuses contributions et engagements envers l’art, l’héritage, la conservation du patrimoine culturel et la littérature.

Docteur en archéologie, civilisations classiques de la Méditerranée et du Proche-Orient, elle a occupé pendant plus de 20 ans le poste de directrice du département d’Archéologie et de Muséologie à l’Université de Balamand. Son nom est indissociable du site archéologique d’Enfeh, où elle a activement dirigé les fouilles, ainsi que du Musée Ethnographique qu’elle a cofondé et dirigé de 2009 à 2020. Le site d’Enfeh ne cesse de livrer ses trésors, et récemment, un matériel lithique préhistorique, des jarres funéraires datant du chalcolithique, des pressoirs à huile de l’époque byzantine et des fortifications de l’époque des croisades y ont été découvertes.

La collection régionale du Musée archéologique de l’AUB compte un nombre important d’objets, dont seulement 2.500 sont exposés, provenant de la région et couvrant toutes les périodes. Les acquisitions de ces collections, qu’il s’agisse de dons, d’acquisitions ou de fouilles, sont souvent aussi passionnantes qu’une enquête de détective, faites de pistes, de fausses pistes, d’anecdotes et d’enjeux politiques. Il y aurait autant d’histoires à raconter que de pièces ou de couches d’histoire. Avec son équipe de recherche, elle a lancé un programme intitulé «The Hidden Stories of the Archaeological Museum». L’une des histoires les plus captivantes est celle du premier noyau de la collection: un don de 135 objets à l’institution quelques années après son ouverture par le consul américain à Chypre, Luigi Palma di Cesnola, un militaire archéologue d’origine italienne. Par la suite, il vendra une collection de 33.000 objets fouillés sur le site de Kourion à Larnaca au Metropolitan Museum, avant de devenir lui-même directeur du MET quelques années plus tard.

Si aujourd’hui la collection du Musée n’est plus amenée à s’agrandir, c’est d’abord parce que la Convention de l’UNESCO de 1972 a strictement réglementé les acquisitions entre les pays et que Le Liban en est signataire. Mais c’est aussi un choix éthique et politique de la part de la conservatrice, qui se voit régulièrement proposer des dons provenant des différents pays de la région, sachant que ces pays ont subi d’importants pillages lors des dernières guerres. Elle déclare ainsi que tant que le Proche-Orient n’est pas en paix, aucune décision d’acquisition ne sera prise. Ce choix est souvent contourné par certains pays ou par des individus qui possèdent des collections privées, ce qui suscite régulièrement débats et controverses.
Depuis septembre 2020, Nadine Panayot peut souffler un peu et se consacrer à la mise en valeur du patrimoine du Musée et à sa mission. Cette date correspond à un véritable état d’urgence face au cataclysme de l’explosion du 4 août qui a ravagé les musées de Beyrouth. Elle a alors créé une cellule de gestion de crise pour intervenir en urgence sur les collections muséales endommagées ou détruites, notamment celles des musées Sursock et de l’AUB. En collaboration avec des organismes spécialisés tels qu’ALIPH et l’Institut National du Patrimoine (INP) France, elle a mené d’importantes opérations de conservation et de restauration d’œuvres. À Sursock, 55 œuvres (dont des toiles et des manuscrits) ont ainsi pu être sauvées, tandis qu’à l’AUB, les 72 pièces en verre qui s’étaient brisées dans leur vitrine ont bénéficié d’un incroyable travail de recollage. Un travail extrêmement délicat, exigeant une minutie chirurgicale que seuls les plus grands spécialistes sont capables d’effectuer. Grâce à ce travail incroyable de recollage des morceaux brisés (12 verres restaurés par une équipe dépêchée par l’INP sur place, 8 par une équipe du British Museum de Londres et 6 grâce à l’incroyable travail du Chief Conservator of Glass, du Corning Musuem de NY), au total 8 pièces ont été exposées pendant trois mois dans la prestigieuse Room 3 du British Museum, attirant un nombre de visiteurs rarement atteint.

Article rédigé par Maya Trad
https://www.agendaculturel.com/article/nadine-panayot-a-la-tete-et-au-coeur-du-musee-archeologique-de-laub
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