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[audio mp3="https://icibeyrouth.com/wp-content/uploads/2023/07/Aussi-nombreux-que-furent-ceux-qui-avaient-parie-sur-une-popularisation-du-velo-a-Beyrouth-en.mp3"][/audio]
Aussi nombreux que furent ceux qui avaient parié sur une popularisation du vélo à Beyrouth en raison de la crise économique, les deux roues restent toujours rares dans la capitale libanaise. En cause notamment, une mentalité et des habitudes difficiles à changer.
La première fois que Marc Mouzawak a enfourché son vélo pour se rendre sur son lieu de travail à Hamra, ses proches l’ont unanimement qualifié de «fou». «Ce n’était pas dans la culture libanaise, mais j’ai décidé d’aller à l’encontre de cette mentalité, car c’est un moyen de transport respectueux de l’environnement et bon pour la santé», clame celui qui n’a plus jamais quitté son deux-roues. Pédaler permettait à ce professeur de snowboard de 36 ans de diviser son temps de trajet par quatre, passant d’une heure à 15 minutes à peine. Douze ans plus tard, il observe que ce moyen de transport est plus communément accepté, mais reste peu répandu dans la capitale.
Avec la crise économique, nombre de professionnels et d’usagers prédisaient pourtant que le deux-roues s’imposerait comme une alternative à la voiture, le carburant étant devenu inabordable pour toute une partie de la population. «Lorsque les prix de l’essence ont augmenté, très peu de gens nous achetaient des vélos pour le transport», note Noubar Korjikian, propriétaire d’un magasin de vélos à Beyrouth. Depuis 2019, ses ventes ont été divisées par trois. Il remarque que seul un cercle restreint d’initiés fréquente son magasin: ses clients sont principalement des jeunes de moins de 30 ans issus de classes sociales aisées.
À Beyrouth les cyclistes sont contraints de rouler sur la route en raison de l’absence de pistes cyclables. ©Apolline Convain
Des habitudes immuables
Le vendeur justifie la faible circulation du vélo dans Beyrouth par les dangers que représente le trafic et par la géographie de la capitale. Mais, selon Karim Sokhn, guide touristique de 33 ans, elle s’explique avant tout par une question de mentalité. Contrairement à d’autres pays tels les Pays-Bas, le vélo n’a jamais été considéré au Liban comme une alternative viable à la voiture. «Les gens adorent leur voiture, c’est leur culture, et il faudrait toute une génération pour que la situation change», déplore-t-il.
En 2012, il a fondé une entreprise qui cherchait à promouvoir l’usage du deux roues dans le pays. «Tout est parti d’une passion, raconte-t-il. J’avais l’habitude de me rendre à l’université à vélo. Les gens me posaient des questions, et j’ai compris qu’il y avait un besoin de sensibilisation.» Onze ans plus tard, son optimisme est retombé. Nombre des initiatives qu’il a imaginées ont échoué, comme celle visant à mettre en place un système de livraison à vélo. Karim Sokhn est persuadé que les Libanais n’adopteront pas le cyclisme à une large échelle avant des dizaines années. «Nous avons essayé en vain de changer les mentalités quand le pays connaissait un pic de développement économique. Que voulez-vous faire maintenant?» se demande-t-il.
Outre la prédominance de la voiture, les Libanais sont peu sensibilisés aux bénéfices du deux-roues et aux techniques de protection. «Le code de la route n’est pas respecté. La circulation est anarchique. Ce qui décourage les cyclistes qui veulent se lancer», regrette Noubar Korjikian. Ce dernier souligne aussi que pour de nombreuses personnes, le vélo est synonyme de pauvreté et réservé, par conséquent, aux catégories sociales les plus défavorisées.
Entreprises et associations se mobilisent pour faire évoluer les mentalités et sensibiliser les Libanais aux bénéfices du vélo. ©Apolline Convain
Des formations hebdomadaires
Pour tenter de faire évoluer les mentalités, une entreprise, qui loue des vélos électriques sur base d'abonnements mensuels, a mis en place des formations hebdomadaires gratuites afin de former les participants à la circulation. «La première impression des gens est que le vélo est dangereux, car il n’y a pas de pistes cyclables. Cependant, grâce à quelques astuces et habitudes, ils se rendent compte que ce n’est pas le cas», s’enthousiasme Joyce Hamze, responsable de la communication dans l’entreprise qui a aussi mis en place une application pour indiquer aux utilisateurs les rues les plus sécurisées pour se déplacer dans Beyrouth. Des associations espèrent par ailleurs promouvoir le vélo à travers des ateliers, du street art et des projets collectifs.
Cet activisme vise à combler l’inaction de l’État en la matière, car aucune mesure n’est mise en place par la municipalité de Beyrouth pour promouvoir le vélo. «Ce moyen de transport ne rapporte rien au gouvernement, c’est une raison pour laquelle il ne se développe pas», dénonce Noubar Korjikian. En avril 2019, Jamal Itani, alors président du conseil municipal de Beyrouth, avait annoncé la création de 16 kilomètres de pistes cyclables dans la capitale libanaise. Un projet qui n’a jamais vu le jour. Interrogée à ce sujet, la municipalité de Beyrouth n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Le vendeur de vélo veut miser sur les nouvelles générations pour faire évoluer les mentalités. «Même si vous rendez les rues de Beyrouth cyclables, les gens n’utiliseront pas le vélo, maintient Noubar Korjikian. La sensibilisation doit commencer dans les établissements scolaires pour faire comprendre aux jeunes que le vélo est quelque chose d’utile, de bon pour la santé et pour l’environnement.» Si le chemin est encore long, des espoirs subsistent pour que le vélo s’impose comme un moyen de transport et se répande au Liban.
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Aussi nombreux que furent ceux qui avaient parié sur une popularisation du vélo à Beyrouth en raison de la crise économique, les deux roues restent toujours rares dans la capitale libanaise. En cause notamment, une mentalité et des habitudes difficiles à changer.
La première fois que Marc Mouzawak a enfourché son vélo pour se rendre sur son lieu de travail à Hamra, ses proches l’ont unanimement qualifié de «fou». «Ce n’était pas dans la culture libanaise, mais j’ai décidé d’aller à l’encontre de cette mentalité, car c’est un moyen de transport respectueux de l’environnement et bon pour la santé», clame celui qui n’a plus jamais quitté son deux-roues. Pédaler permettait à ce professeur de snowboard de 36 ans de diviser son temps de trajet par quatre, passant d’une heure à 15 minutes à peine. Douze ans plus tard, il observe que ce moyen de transport est plus communément accepté, mais reste peu répandu dans la capitale.
Avec la crise économique, nombre de professionnels et d’usagers prédisaient pourtant que le deux-roues s’imposerait comme une alternative à la voiture, le carburant étant devenu inabordable pour toute une partie de la population. «Lorsque les prix de l’essence ont augmenté, très peu de gens nous achetaient des vélos pour le transport», note Noubar Korjikian, propriétaire d’un magasin de vélos à Beyrouth. Depuis 2019, ses ventes ont été divisées par trois. Il remarque que seul un cercle restreint d’initiés fréquente son magasin: ses clients sont principalement des jeunes de moins de 30 ans issus de classes sociales aisées.
À Beyrouth les cyclistes sont contraints de rouler sur la route en raison de l’absence de pistes cyclables. ©Apolline Convain
Des habitudes immuables
Le vendeur justifie la faible circulation du vélo dans Beyrouth par les dangers que représente le trafic et par la géographie de la capitale. Mais, selon Karim Sokhn, guide touristique de 33 ans, elle s’explique avant tout par une question de mentalité. Contrairement à d’autres pays tels les Pays-Bas, le vélo n’a jamais été considéré au Liban comme une alternative viable à la voiture. «Les gens adorent leur voiture, c’est leur culture, et il faudrait toute une génération pour que la situation change», déplore-t-il.
En 2012, il a fondé une entreprise qui cherchait à promouvoir l’usage du deux roues dans le pays. «Tout est parti d’une passion, raconte-t-il. J’avais l’habitude de me rendre à l’université à vélo. Les gens me posaient des questions, et j’ai compris qu’il y avait un besoin de sensibilisation.» Onze ans plus tard, son optimisme est retombé. Nombre des initiatives qu’il a imaginées ont échoué, comme celle visant à mettre en place un système de livraison à vélo. Karim Sokhn est persuadé que les Libanais n’adopteront pas le cyclisme à une large échelle avant des dizaines années. «Nous avons essayé en vain de changer les mentalités quand le pays connaissait un pic de développement économique. Que voulez-vous faire maintenant?» se demande-t-il.
Outre la prédominance de la voiture, les Libanais sont peu sensibilisés aux bénéfices du deux-roues et aux techniques de protection. «Le code de la route n’est pas respecté. La circulation est anarchique. Ce qui décourage les cyclistes qui veulent se lancer», regrette Noubar Korjikian. Ce dernier souligne aussi que pour de nombreuses personnes, le vélo est synonyme de pauvreté et réservé, par conséquent, aux catégories sociales les plus défavorisées.
Entreprises et associations se mobilisent pour faire évoluer les mentalités et sensibiliser les Libanais aux bénéfices du vélo. ©Apolline Convain
Des formations hebdomadaires
Pour tenter de faire évoluer les mentalités, une entreprise, qui loue des vélos électriques sur base d'abonnements mensuels, a mis en place des formations hebdomadaires gratuites afin de former les participants à la circulation. «La première impression des gens est que le vélo est dangereux, car il n’y a pas de pistes cyclables. Cependant, grâce à quelques astuces et habitudes, ils se rendent compte que ce n’est pas le cas», s’enthousiasme Joyce Hamze, responsable de la communication dans l’entreprise qui a aussi mis en place une application pour indiquer aux utilisateurs les rues les plus sécurisées pour se déplacer dans Beyrouth. Des associations espèrent par ailleurs promouvoir le vélo à travers des ateliers, du street art et des projets collectifs.
Cet activisme vise à combler l’inaction de l’État en la matière, car aucune mesure n’est mise en place par la municipalité de Beyrouth pour promouvoir le vélo. «Ce moyen de transport ne rapporte rien au gouvernement, c’est une raison pour laquelle il ne se développe pas», dénonce Noubar Korjikian. En avril 2019, Jamal Itani, alors président du conseil municipal de Beyrouth, avait annoncé la création de 16 kilomètres de pistes cyclables dans la capitale libanaise. Un projet qui n’a jamais vu le jour. Interrogée à ce sujet, la municipalité de Beyrouth n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Le vendeur de vélo veut miser sur les nouvelles générations pour faire évoluer les mentalités. «Même si vous rendez les rues de Beyrouth cyclables, les gens n’utiliseront pas le vélo, maintient Noubar Korjikian. La sensibilisation doit commencer dans les établissements scolaires pour faire comprendre aux jeunes que le vélo est quelque chose d’utile, de bon pour la santé et pour l’environnement.» Si le chemin est encore long, des espoirs subsistent pour que le vélo s’impose comme un moyen de transport et se répande au Liban.
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