Le président kazakh s'en est pris mardi à son puissant prédécesseur, pour la première fois après des émeutes sanglantes dans le pays et a annoncé le retrait imminent des troupes étrangères menées par la Russie, venues à la rescousse du régime en place.
Lors des troubles, des manifestants avaient scandé leur colère contre l'ancien dirigeant de 81 ans. Depuis, les rumeurs sur une fuite à l'étranger de M. Nazarbaïev se sont multipliées, mais les autorités kazakhes n'ont donné aucune information sur sa localisation.
Depuis le retrait de la présidence de Noursoultan Nazarbaïev en 2019, le pouvoir était de facto partagé entre lui et M. Tokaïev, son successeur désigné. Le clan de l'ex-chef de l'Etat contrôle encore des pans entiers de l'économie et du pouvoir. Signe de son importance, la capitale porte son prénom: Nur-Sultan.
Si les émeutes sont qualifiées d'agression "terroriste" étrangère par les autorités, les violences avaient éclaté après des manifestations contre la hausse des prix du carburant, sur fond de dégradation du niveau de vie et de corruption endémique dans cette ex-république soviétique.
Le président kazakh a estimé lundi que les assaillants avaient instrumentalisé le mécontentement de la population.
Dans ce contexte, M. Tokaïev a lancé une attaque frontale contre son mentor, M. Nazarbaïev, qui avait pris la tête du Kazakhstan soviétique en 1989 puis l'a dirigé de l'indépendance en 1991 à 2019.
"A cause du premier président, le Elbasy (Chef de la Nation, ndlr), une caste de sociétés très profitables, de gens très riches, est apparue dans le pays. Je pense que le temps est venu de payer un tribut au peuple", a affirmé M. Tokaïev.
Il veut donc que les élites qui "dans l'ombre" disposent "de fonds énormes" ainsi que les grandes entreprises approvisionnent un fonds dont bénéficiera la population.
Un des alliés de poids de M. Nazarbaïev, Karim Massimov, avait été arrêté samedi pour haute trahison après avoir été limogé de la tête des services secrets.
Les émeutes avaient conduit M. Tokaïev à appeler à la rescousse quelque 2.000 hommes d'une force militaire menée par la Russie. Selon lui, leur mission étant accomplie, leur retrait peut débuter cette semaine.
"La mission principale des forces de maintien de la paix (...) s'est terminée avec succès", a déclaré M. Tokaïev, "le retrait progressif du contingent unifié de l'OTSC débutera dans deux jours. Ce processus ne prendra pas plus de dix jours".
Ces soldats, principalement russes, ont été déployés dans le cadre d'une alliance militaire, l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), alliance d'ex-républiques soviétiques sous la houlette de Moscou.
Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a indiqué de son côté mardi que le départ se ferait une fois la situation "totalement stabilisée" et "sur décision" des autorités kazakhes.
Lundi, le président russe Vladimir Poutine avait dit que les troupes étaient là "pour une période limitée".
A Almaty, de nombreux habitants avaient accueilli ce contingent avec soulagement. "Je salue la coopération avec la Russie", a affirmé à l'AFP Roza Mataïeva, une professeure de 45 ans. "Je pense qu'il n'y a pas de menace à notre souveraineté."
Les violences les plus graves ont eu lieu dans cette ville, la capitale économique, où de nombreux bâtiments publics ont été saccagés et des commerces pillés, tandis qu'émeutiers et forces kazakhes s'opposaient dans des affrontements armés.
Les députés kazakhes ont en outre confirmé mardi la nomination d'un nouveau Premier ministre, Alikhan Smaïlov, après la démission du gouvernement la semaine dernière dans une tentative de calmer les manifestants.
M. Smaïlov, 49 ans, ancien ministre des Finances, a aussi été un collaborateur de M. Nazarbaïev.
AFP
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