Le 31 juillet, Riad Salamé, l’homme aux nerfs d’acier, tire le rideau sur un tiers de siècle passé à la tête de la plus haute autorité monétaire dans le pays. Clap de la fin: Riad Salamé affirme avoir accompli sa mission et s’interdit de prodiguer des conseils à son successeur, qui qu’il soit.
Riad Salamé, qui a bénéficié de larges prérogatives en vertu des articles 75 et 83 du Code de la monnaie et du crédit, a tissé des amitiés à l’international. Il a également généré des inimitiés, des rivalités et des envies. Du coup, il est resté dans le collimateur de l’opposition politique, qui n’avait de cesse de le critiquer même lorsqu’il cumulait les succès et sonnait la cloche des plus anciennes bourses du monde. Le phénomène s’est exacerbé lorsque la crise multifacette et historique du Liban s’est déclenchée en octobre 2019.
Riad Salamé, l’initiateur «des ingénieries financières», comme se plait à le surnommer l’opinion publique, est l’homme le plus controversé de la République. Il est tantôt haï, tantôt adulé, par les Libanais. Il est par moments porté aux nues et par moments maudit par les gouvernants.
Riad Salamé achève son mandat en pleine crise, laissant des vice-gouverneurs dans la confusion, la peur et un flop "transitoire" tonitruant.
Le branle-bas du dernier quart d’heure de la fin de son cinquième mandat, pourrait donner une idée de l’ampleur des responsabilités, qu’il a eu à assumer, pendant ses trente années de règne à la Banque du Liban,
Le tandem Hariri-Salamé
Avec son départ, c’est la dernière figure de proue de l’ère de Rafic Hariri – qui a aspiré à jouer le rôle de grand bâtisseur du Liban d’après-guerre – qui se retire de la scène publique.
Que l’on soit pour ou contre la politique monétaire de Riad Salamé, ce dernier a collé au parcours auquel Rafic Hariri l’avait prédestiné. Pour reconstruire un pays, il a assuré une stabilité qui passe par une réhabilitation de la confiance dans la monnaie nationale, une croissance du PIB, sous-tendue par un accroissement des dépenses publiques et de la consommation interne. Une politique monétaire financée par des fonds extérieurs, attirés vers le Liban grâce au maintien d’une structure de taux d’intérêt élevée et s’articulant autour d’un assainissement du secteur bancaire.
L’ancien Premier ministre Rafic Hariri introduit Riad Salamé, pour la première fois, à l’ancien chef de l’État Elias Hraoui, au printemps 1993, alors que ce dernier se trouvait en sa résidence privée à Hazmieh avant de s’installer au palais de Baabda. Il est nommé le 1er août de la même année gouverneur de la Banque du Liban.
Avant son accession à la tête de la banque centrale, il a géré avec grand succès le portefeuille de Rafic Hariri auprès de la banque d’investissement Merrill Lynch.
Salamé entendu par le marché
S’adressant à ses détracteurs, l’homme au poker-face fait remarquer que les marchés continuent de réagir à ses déclarations, malgré l’absence de réformes. Preuve en est, une stabilité du marché de change depuis mars lorsqu’il a annoncé être en mesure d’absorber toute la masse de livres libanaises en circulation, au lendemain d’un week-end perturbé (les 8 et 9 juillet) marqué par l’annonce du maintien de Sayrafa, la plateforme de la BDL.
Selon les milieux académiques, la Banque centrale aurait injecté pendant la récente période de stabilité de la livre près d’un milliard de dollars sur le marché de change sans pour autant que ses réserves reculent. Ce qui a amené les partisans de sa politique à souligner que «si l’on apprend ce que sait le magicien, il n’y aura plus de magie».
Interrogée par Ici Beyrouth, une personne très proche de Riad Salamé souligne que celui-ci entend charger ses batteries pour faire valoir tous ses droits à la défense. Citant ses propos, elle souligne qu’une banque centrale a pour rôle de financer et non pas de dépenser.
Riad Salamé laisse un grand vide derrière lui à la BDL, et face à cette situation, la classe politique dirigeante devrait apprendre à «jongler» en solo dans le labyrinthe libanais, mais en l’absence du «magicien».
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