Achoura, entre rituel et spectacle
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Pour les chiites du monde entier, la commémoration de la bataille de Karbala fait l’objet d’un ensemble de rites accompagnés de chants et de psalmodies déplorant la mort des martyrs tombés au combat, et en premier lieu le martyr l’Imam Hussein : c’est Achoura, célébré le dixième jour de Muharram.
Chaque année, dans les premiers jours du mois de Muharram, les fidèles reproduisent et revivent, par une série de rituels, ce qui peut être considéré comme un mythe fondateur du chiisme : le martyre de l’Imam Hussein, petit-fils du prophète Mohamed et fils cadet du premier Imam Ali. Flanqué de sa famille et d’une petite troupe de 72 compagnons, l’Imam Hussein avait quitté la Mecque pour rejoindre, à Kufa, ses partisans qui devaient l’aider à reconquérir le pouvoir aux mains de Omeyyades. Ceux-ci assiègent son camp et lui coupent l’accès aux eaux de l’Euphrate : pressions et négociations n’aboutirent à aucun accord, car l’Imam refusait de prêter allégeance au calife Yazid, qui venait de succéder à son père Mu’awiya.
A l’aube du dixième jour, celui de Achoura, on livra bataille. Les partisans de l’Imam Hussein tombèrent un à un, le dernier à périr fut son demi-frère Abbas. Puis ce fut son tour. Les têtes des vaincus furent bandées sur des lances, les femmes et les enfants capturés et emmenés à Kufa, puis à Damas. Quant aux habitants de Kufa, la plupart d’entre eux n’avaient pas tenté d’intervenir, abandonnant ainsi leur imam à son sort. Le martyre de l’Imam est le paradigme du sacrifice de soi, de la lutte entre le bien et le mal, le combat entre l’oppression et l’injustice. Il symbolise la défense de l’Idéal de l’islam.
On abordait ce sujet d’une manière insuffisante, naïve et erronée sur la place islamique en général, c’est pourquoi le discours concernant l’éveil à la cause de l’imam Hussein chez Sayyed Mohammed Hussein Fadllallah évoque les vrais concepts de cet éveil, ses faits et ses buts. On l’évoque d’une façon qui la libère du poids du passé, du sectarisme et du fanatisme vers les horizons du présent et de l’avenir, vers l’ouverture de l’Islam et l’universalité de ses valeurs humaines.
La commémoration d’Achoura joue un rôle important à différents niveaux, et le présent n’est pas coupé de l’histoire. Bien au contraire, nous trouvons que l’homme qui tente de s’affirmer et qui essaie de confirmer ses pas dans la direction de son progrès et son développement sent qu’il y a dans l’histoire des points lumineux, dont l’évocation est nécessaire dans toute étape marquée par une sorte d’obscurité où est présente une leçon à tirer qui n’est pas liée à une époque spécifique, mais plutôt liée à toute la vie.
Limiter la dimension affective 

On insiste sur la nécessité de maintenir la cause de l’Imam Hussein dans le cadre d’une mobilisation populaire émotionnelle s’ajoutant à une mobilisation intellectuelle et rationnelle. L’importance de l’incitation émotionnelle et humaniste, d’une manière rationnelle, nous conduit à interagir avec toutes les tragédies de Karbala, interagissant vis-à-vis des massacres brutaux perpétrés dans de nombreux pays dans le monde, comme a souligné Sayyed Fadllallah : «Nous devons rationaliser cette émotion, la reformer et l’orienter pour qu’elle renforce la cause et qu’elle soit au service du message».
Une profonde critique est marquée par le discours poétique et littéraire dominé par l’aspect émotionnel, même dans les positions où la force et la dignité sont à montrer. Au début, Achoura fut un mouvement de conscience jusqu’à ce qu’elle devienne une tradition, les larmes de protestations devinrent des larmes froides que nous extirpons parce que nous ne vivons pas l’événement. Les poètes qui écrivent des poèmes dédiés à Achoura, plongent les chiites dans la lamentation et le tragique en suscitant l’émotion d’un clan et non pas celle de l’héroïne, -Sayyeda Zeinab qui a mobilisé la nation. Par conséquent, Sayyeda Zeinab est devenue dans la mentalité populaire, et peut être à un niveau plus élevé, le symbole d’une tragédie plutôt que celui d’une cause.
Dans le discours d’Achoura, il y a une énumération des miracles attribués aux Gens de la Maison Prophétique, sans aucune vérification ou considération de l’effet de l’exagération. Cela a affecté la mentalité chiite dans la façon dont elle traite les Gens de la Maison Prophétique et dans la compréhension de leur cause et leur action dans la vie ; nous les avons enfermés dans le cadre de la tragédie uniquement, et lorsque nous avons commencé à parler de leurs aspirations, nous l’avons fait du côté des miracles et du surnaturel. Nous les avons isolés du dynamisme de la vie et nous avons réduit l’immensité de leur action aux larmes. Beaucoup de chercheurs parlent des conséquences de la Tolérance des récits qui donnent une image déformée des événements, comme le font beaucoup de personnes chaque année qui ne réalisent pas le danger de ce qu’ils font. Ceux qui récitent les événements d’Achoura font la course et la compétition dans les styles de provocation des émotions.
De même, Sayyed Fadllallah et d’autres ulémas critiquent certaines pratiques considérées comme faisant partie intégrante du rituel commémoratif de Achoura. Elles sont intruses à l’Islam et à la cause de l’Imam Hussein que ce soit du point de vue jurisprudentiel, ou en termes d’analyse historique, sociale et médiatique. Bien au contraire, elles déforment l’image de cette révolution bénie. La Fatwa de Sayyed Fadllallah d’interdire l’auto-flagellation (Tatbir), traduit le sujet de la commémoration dans son ensemble partant d’une profonde étude objective de la situation actuelle. Nous sommes en présence de nombreuses coutumes et traditions sous le titre d’honorer l’Imam Hussein, telles que se frapper la tête avec une épée ; cela n’a aucun fondement dans les biographies et la ligne de pensée des Imams.
Développer les discours d’Achoura 
Il est très regrettable de voir qu’il y a un petit nombre parmi ceux qui récitent la biographie de l’Imam Hussein, qui soit conscient de l’étendue et l’horizon de celle-ci dans la grande cause. Nous manquons d’un être instruit qui a la culture de l’idée et la gestion de l’émotion, nous sommes conscients que l’homme a évolué. En effet, nos styles poétiques diffèrent de ceux de l’époque préislamique, même notre façon d’exprimer nos émotions est différente. La tragédie d’Achoura est peut-être limitée dans les éléments de vérité historique, de sorte que l’orateur ne dispose pas de matière à provoquer les larmes et les émotions ; cependant, lorsque l’orateur est cultivé, il saura manier les mots et organiser son discours afin de susciter les émotions et donner une image qui représente la tragédie de Karbala provoquant les larmes, sans jouer de sa voix ou citer de quelconques vers de poésies.
Nous parlons de la nécessité de mettre en scène la cause de l’Imam Hussein au théâtre et au cinéma, en écrivant une biographie de manière créative et artistique qui s’adresse à tout être humain dans le monde, par les éléments humanistes qui la caractérisent.
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