Il ne s’agit nullement d’en faire une obsession. Loin de là… Mais si le «cas» du Hezbollah (car c’est réellement un cas) revient très souvent dans les articles de presse et les analyses médiatiques, c’est parce que le parti pro-iranien est réellement le principal facteur de blocage qui entrave toute sortie de crise dans le pays. Plus encore, il est l’initiateur et l’architecte de l’effondrement généralisé qui ronge les Libanais dans leur vie quotidienne depuis plusieurs années et qui a sapé les fondements de l’État et des différents secteurs socio-économiques à plus d’un niveau. Les faits, plus spécifiquement la situation actuelle, parlent d’eux-mêmes à cet égard…
Il y a dix-sept ans, jour pour jour, le 14 août 2006, entrait en vigueur le cessez-le-feu décrété par le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, sur base de la résolution 1701, afin de mettre fin à une guerre absurde déclenchée par le Hezbollah contre Israël le 12 juillet 2006. Pour bien comprendre le but visé à travers ce conflit armé, il serait utile de rappeler la conjoncture qui prévalait à l’époque sur la scène libanaise.
Le pays était en 2006 en pleine révolution du Cèdre dont le principal objectif, parallèlement au retrait syrien (à la suite de l’assassinat de Rafic Hariri en février 2005), était de réédifier un État central rassembleur, efficace et libre de ses décisions, se tenant à l’écart de la politique des axes régionaux. Sous l’impulsion de la vaste coalition souverainiste du 14 Mars, une dynamique transcommunautaire était en marche pour réaliser cet objectif. Si elle s’était poursuivie et développée en allant crescendo, une telle dynamique aurait renforcé sensiblement l’État, ce qui aurait affaibli d’autant le parti pro-iranien. Par le fait même, la marge de manœuvre sur la scène libanaise du parrain de la formation chiite, les pasdaran, aurait diminué dans une large mesure.
Pour le Hezbollah, il était donc vital de stopper cette dynamique transcommunautaire, fondamentalement libaniste, du 14 Mars. D’où, dans un premier temps, la série d’assassinats politiques de 2005, suivie de l’occupation prolongée du centre-ville de Beyrouth, en 2006, qui a eu pour résultat de freiner tout essor économique dans le pays. Mais cela n’était pas suffisant. Il fallait non seulement arrêter la dynamique transcommunautaire d’édification d’un État digne de ce nom, mais porter surtout un coup de Jarnac à l’élément moteur de cette dynamique, en l’occurrence le 14 Mars.
Quoi de mieux qu’une «bonne» guerre à grande échelle pour modifier profondément un rapport de forces? C’est ce à quoi s’était attelé l’ancien chef de la «brigade de Jérusalem» des pasdaran, Qassem Souleimani, qui a planifié et dirigé, depuis le territoire libanais, la guerre de juillet 2006. Indépendamment des importantes pertes en vies humaines et des énormes dégâts matériels – dommages collatéraux pour le régime des mollahs – les retombées politiques, sécuritaires, économiques et financières, de ce conflit imposé au Liban avaient sonné le glas du projet de remise sur pied de l’État.
D’un point de vue stratégique, la guerre de juillet 2006 aura ainsi marqué le début de la chute lente et progressive du pouvoir central. Une chute pratiquement «annoncée» il y a dix-sept ans et qui a pu se maintenir et s’accentuer grâce à la couverture chrétienne que le directoire aouniste a assuré au parti pro-iranien, mais aussi du fait du «fromagisme» (pour reprendre le terme de Fouad Chehab) et de l’affairisme sans limites de nombre de hauts responsables officiels. Sans compter l’esprit vichyste, capitulard, de certains pôles politiques qui ont plié l’échine face au Hezbollah alors qu’ils auraient dû être aux avant-postes du courant souverainiste…
Les Libanais subissent aujourd’hui l’aboutissement des coups de boutoirs successifs assenés depuis juillet 2006 à la dynamique libaniste. Mais il ne s’agit là nullement d’une fatalité. Car les situations contraires aux fondements historiques, culturels et sociétaux d’un pays ne sauraient perdurer. Toute occupation, même par procuration, a une fin… Une fin inéluctable.
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