Laury Haytayan, directrice de l’Institut de la gouvernance des ressources naturelles de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (Natural Resource Governance Institute, NRGI) a expliqué que le navire de forage Transocean Barents (du groupe Total), censé arriver mercredi dans les eaux territoriales libanaises, a pour mission d'évaluer l’importance des réserves pétrolières et gazières dans le bloc 9, situé dans la zone économique exclusive (ZEE) libanaise en Méditerranée, au sud du Liban.
«Il doit déterminer la présence ou non de ces ressources à travers le forage», souligne Mme Haytayan, invitée de l’émission Political Pulse sur le site This is Beirut.
Une fois sa mission terminée, le Transocean Barents repartira «indépendamment du résultat», affirme-t-elle.
Le navire se rendra dans les eaux territoriales chypriotes après son passage au Liban, également pour une mission d’exploration préliminaire. Elle se déplace de zone en zone et de pays en pays à cet effet et n’est en aucun cas un instrument d’extraction de pétrole ou de gaz, insiste Mme Haytayan.
«Lorsque dans soixante ou quatre-vingt-dix jours, ce bateau s’en ira, ne vous alarmez pas. Ce n’est pas une conspiration», dit-elle.
Au cas où Total annoncerait la découverte de réserves en quantités commerciales importantes, deux cas de figure se présentent. Dans le premier cas, si toutes les réserves trouvées se situent dans la ZEE libanaise, «le contrat signé avec les entreprises concernées pourra être immédiatement appliqué afin que l’extraction gazière commence».
Dans le second cas, si la réserve de gaz est répartie entre le Liban et Israël, il faudra appliquer les dispositions de l’accord maritime entre les deux pays, ce qui veut dire que Total doit d’abord signer un contrat financier avec Israël sur les compensations. Une fois l’accord signé, Total pourra lancer son projet de production.
Sur les retours de l’exploitation de ces ressources, Mme Haytayan explique que les revenus générés «seront soumis à des mécanismes propres au contrat et à l’État libanais».
Sur la question du Fonds souverain, l’experte rappelle les deux éléments compris dans ce projet: l’investissement – 75% des revenus seront investis à l’étranger – et le développement. «Il est trop tôt pour mettre en place un fonds souverain», commente cependant Laury Haytayan. «Nous n’avons pas de vision claire quant à l'avenir de ce secteur. Nous avons uniquement un bloc où des activités sont menées, avec des incertitudes sur son contenu», souligne-t-elle.
«Pourquoi mettre en place un Fonds souverain maintenant et payer ses membres (qui sont au nombre de huit, selon le texte de loi qui doit être examiné jeudi au Parlement) sans avoir de revenus?», s'interroge-t-elle.
Selon ses explications, il faut au moins cinq à sept ans pour commencer à percevoir des revenus du secteur gazier si et seulement si des gisements de gaz sont découverts.
Mme Haytayan estime par ailleurs que la classe politique «qui a mal géré tous les secteurs du pays pendant les trois dernières décennies fera de même avec le secteur du pétrole et du gaz». «Le problème est dans l’application des lois, à l’instar de la loi de 2002 sur l’électricité», fait-elle valoir.
L’experte insiste ainsi sur la nécessité de mettre en place des réformes, soulignant que le groupe Total est présent au Liban grâce à la signature de l’accord de démarcation des frontières maritimes entre le Liban et Israël, appuyée par les États-Unis et la France. «Ce n’est pas parce que Total a confiance dans les institutions du pays ou dans son potentiel que le groupe est de retour», affirme-t-elle.
Au sujet d’une éventuelle visite du responsable américain Amos Hochstein à Beyrouth à la fin du mois d’août, Mme Haytayan estime qu'elle est liée à l’inauguration des travaux de forage et non pas à des négociations sur la démarcation des frontières terrestres avec Israël, comme certains cercles le suggèrent, notant le nœud que représente la localité de Chebaa dans ce dossier.
Pour suivre l’intégralité de l’interview de Laury Haytayan sur This is Beirut, cliquez ici.
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