L’initiative française visant à débloquer l’impasse au niveau de l’élection présidentielle libanaise est toujours de mise, et Jean-Yves Le Drian, représentant personnel du président Emmanuel Macron, est attendu en septembre à Beyrouth. Selon les précisions recueillies par Ici Beyrouth auprès d’une source diplomatique française, Paris semble avoir entendu les critiques de l’opposition à plus d’un égard et s'emploie à rectifier le tir de l'ensemble de l'approche française portant sur la présidentielle.
Récemment critiquée, dans la forme comme dans le fond par les parties qui, jusqu’il y a quelques mois, étaient considérées comme les plus proches amis de la France, l’initiative présidentielle menée par Jean-Yves Le Drian, représentant personnel du président Emmanuel Macron pour le Liban, est toujours de mise.
Paris poursuit ses efforts visant à «créer un cadre pour favoriser un consensus» entre les acteurs libanais afin de débloquer l’impasse présidentielle, dix mois après le début de la vacance à la tête de l’État. Sa démarche dans ce cadre est toujours coordonnée avec les quatre autres pays membres du groupe des Cinq (États-Unis, Arabie saoudite, Égypte et Qatar).
Ces précisions, recueillies par Ici Beyrouth auprès d’une source diplomatique française, contredisent les informations faisant état de divergences de points de vue entre les Cinq, et annonçant la fin prochaine de la mission Le Drian.
La lettre
Selon la source susmentionnée, le tollé soulevé par l’opposition libanaise contre la lettre envoyée par l’émissaire français le 15 août dernier (demandant aux députés de répondre à deux questions précises portant sur le portrait et les priorités du prochain chef de l’État) est à placer dans le cadre du «jeu politique».
Et pour cause: l’ambassade de France à Beyrouth avait «averti au préalable» les blocs parlementaires de l’intention de M. Le Drian d’envoyer ce courrier, et aucun d’entre eux n’avait indiqué que cela poserait un problème, à en croire la source précitée.
Quant à l’utilité de demander par écrit des réponses déjà exprimées oralement par les interlocuteurs de M. Le Drian, elle réside dans le fait que «précisément, les réponses n’avaient pas été obtenues», indique la source en question.
La démarche française, telle qu’expliquée par M. Le Drian, a pour objectif de «créer un cadre pour favoriser un consensus». Or, selon la source diplomatique, «créer un cadre implique de formaliser les choses, afin d’identifier le plus petit dénominateur commun et établir une feuille de route sur laquelle tout le monde tombe d’accord, et qui constituerait une sorte de programme pour le futur président».
D’où l’importance d’avoir des réponses écrites afin de comparer les réponses entre elles et d’avoir des détails sur des points qui ne sont pas aussi clairs que ne le pensent certains députés ou blocs, estime Paris.
Quel était alors l’intérêt des notes que M. Le Drian prenait inlassablement sur son calepin, lors des rencontres à Beyrouth? «Certaines parties ne sont pas rentrées dans les détails, et d’autres ont demandé à avoir des discussions en interne avant de répondre», selon la source.
Coordination entre les Cinq
Répondant aux analyses faisant état de divergences au sein du Groupe des Cinq, et notamment entre la France d’un côté, et l’Arabie saoudite et le Qatar de l’autre, la source rappelle que M. Le Drian s’était entretenu avec le Premier ministre qatari et avec le ministre saoudien des Affaires étrangères et leur avait présenté sa démarche.
Les Cinq poursuivent leur coordination à très haut niveau, selon la source, qui relève que les parties concernées «ne vont pas faire le point toutes les deux à trois semaines, et pas sur chaque étape».
Toutefois, la France «n’a pas de problèmes avec les démarches et actions diplomatiques des autres pays, qui peuvent avoir lieu en complémentarité», selon la source, qui mentionne dans ce cadre des «campagnes» qui pourraient être menées en faveur de certains candidats.
Les Qataris «sont actifs» au Liban, relève la source diplomatique, sans aller jusqu’à parler d’une «initiative» de Doha. Dans tous les cas, il n’y a pas de désaccord qatari avec l’initiative française, selon elle.
Dialogue et scrutin ouvert
La France est consciente du rejet par l’opposition du projet de la tenue d’un dialogue global, réclamé par le 8 Mars.
On rappelle que 31 députés de l’opposition ont publié un communiqué la semaine dernière saluant l’initiative de M. Le Drian, mais rejetant l’option d’un dialogue et insistant sur le fait que la priorité est à l’élection d’un chef de l’État qui dirigera un dialogue national sur les armes du Hezbollah.
Selon la source diplomatique française, l’idée proposée «n’est pas un dialogue à l’image des précédents, comme celui de Doha par exemple, ni d’un grand marchandage, mais d’une table d’échanges très restreinte, sur la question de la présidence». Cette table serait précédée par des dialogues bilatéraux entre l’émissaire et chaque bloc, et engloberait tous les acteurs rencontrés par M. Le Drian.
Sur base de l’invitation de l’émissaire français aux députés, présentée lors de ses entretiens avec eux en juillet, le dialogue doit être suivi par un scrutin électoral ouvert jusqu’à l’élection d’un président. Le chef du Parlement, Nabih Berry, s’est-il engagé à tenir ce scrutin, sachant que les députés du mouvement Amal, qu’il dirige, et leurs alliés du Hezbollah et d’autres blocs du 8 Mars ont provoqué un défaut de quorum à l’issue du premier tour de toutes les séances électorales tenues jusqu’à présent? «C’est ce que nous proposons, c’est ce à quoi nous œuvrons, et cela dépend de toutes les parties concernées», répond la source.
Refaire le point en septembre
Alors que certains députés de l’opposition ont annoncé qu’ils ne répondront pas aux questions de M. Le Drian, son retour reste prévu en septembre, à une date qui n’a pas encore été confirmée.
«On refera le point en septembre, en fonction du contexte et des retours qu’on aura eus», selon la source.
On rappelle que M. Le Drian a déjà effectué deux visites à Beyrouth, en juin puis en juillet après la réunion à Doha du Groupe des Cinq.
L’accord chrétien
Quant au choix d’un candidat à la présidence, la position de la France est claire: «La démarche de M. Le Drian se fait sans a priori. Nous n’avons pas de candidat. Nous présentons un cadre qui implique une certaine neutralité.»
Après avoir soutenu durant des mois la formule «Sleiman Frangié à la présidence de la République et Nawaf Salam Premier ministre», Paris a reconnu que cette équation n’est pas acceptée par une large partie des députés libanais, notamment ceux de l’opposition, et semble l’avoir abandonnée.
La France n’est plus dans la logique de proposer une option. Selon la source précitée, la proposition précédente avait été mise sur la table pour forcer les uns et les autres à se positionner. L’idée n’était pas de la faire passer sans un minimum d’accord chrétien, et l’accord chrétien était inexistant.
En dépit des critiques de l’opposition parlementaire et du patriarche maronite Béchera Rai à l’encontre de l’épisode de la lettre de M. Le Drian, la France maintient son initiative, et attend de «faire le point» en septembre.
Quoi qu’il en soit, la balle est dans le camp des acteurs libanais. «Nous avons présenté une proposition de médiation et de facilitation. Si les Libanais ne veulent pas de cette mission, elle aura une fin», rappelle néanmoins la source précitée.
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