Un problème de corrosion sur le système de sécurité des réacteurs nucléaires français s'est étendu à au moins un autre réacteur, un nouveau déboire qui tombe mal au moment où l'approvisionnement électrique est tendu et la filière scrutée comme jamais.
Parmi eux, un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime) est désormais aussi concerné par ce défaut, qui n'avait jusqu'à présent affecté que des réacteurs plus puissants et récents.
"Les défauts qui ont été constatés sur les réacteurs de dernière génération ont été constatés sur un autre réacteur", celui de Penly 1, qui est déjà à l'arrêt, a indiqué à l'AFP Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Le problème n'avait jusqu'à présent été identifié que sur des réacteurs de 1.450 mégawatts. Le défaut détecté à Penly 1, un réacteur de 1.300 MW, est le premier qui concerne une autre famille de réacteurs.
EDF avait annoncé à la mi-décembre l'arrêt par précaution des deux réacteurs de la centrale de Chooz (Ardennes) pour vérification d'éventuels défauts sur son circuit de refroidissement de secours, après la détection de défauts à Civaux (Vienne), une autre centrale de même modèle.
Le groupe a, depuis, annoncé qu'un des réacteurs de Chooz était effectivement concerné par le même problème. Le second fait toujours l'objet d'investigations.
Le problème identifié à Penly "serait dû aussi à un phénomène de corrosion sous contrainte, c’est-à-dire le même phénomène qui a été détecté" sur les réacteurs de 1.450 MW, a précisé Karine Herviou, évoquant "un défaut de l’ordre du millimètre".
L'arrêt des quatre réacteurs de Civaux et de Chooz en plein mois de décembre avait privé la France de 10% de sa capacité nucléaire et fait bondir les prix de l'électricité, déjà très élevés, sur le marché.
"La réalisation des contrôles, l’instruction de solutions techniques et leur déploiement conduisent EDF à prolonger l’arrêt des réacteurs de Civaux 1, Civaux 2, Chooz 1, Chooz 2 et Penly 1", a prévenu jeudi soir le groupe public d'énergie.
Le gestionnaire du réseau RTE a renforcé dernièrement son niveau de vigilance sur l'approvisionnement de la France en électricité alors que la disponibilité du parc nucléaire, également chamboulée par la pandémie, est au plus bas.
La France, qui tire la grande majorité de son électricité du nucléaire, comptait jeudi 10 réacteurs indisponibles sur 56 et était privée de 20% de ses capacités, au moment où la consommation est élevée avec la baisse des températures.
La question est désormais de savoir si d'autres réacteurs du parc français sont concernés par ce problème de corrosion.
"On ne sait pas s'il n'y a pas de problèmes ailleurs. EDF est en train de revoir tous les enregistrements" des contrôles effectués dans le passé sur le parc, a indiqué Karine Herviou.
"Il est impossible d'exclure que d'autres réacteurs du palier 1.300 MW soient touchés", a jugé Yves Marignac, expert nucléaire de l'association NégaWatt.
"Ce qui pose un problème difficile pour les autorités, qui est de savoir si on applique la même logique (que pour les réacteurs de 1.450 MW) et on ferme préventivement les réacteurs ou si on privilégie la sécurité électrique", a-t-il ajouté. Car "fermer davantage de réacteurs de 1.300 MW conduirait inévitablement à des ruptures d'approvisionnement".
Les nouveaux problèmes révélés jeudi interviennent à l'heure où la France s'interroge sur son avenir énergétique sur fond de montée des préoccupations autour du changement climatique.
Le nucléaire est l'un des thèmes clivants de la campagne présidentielle, avec des candidats favorables à cette énergie (notamment à droite, à l'extrême droite, mais aussi au PCF) et d'autres hostiles (LFI et EELV en particulier).
Le président Emmanuel Macron, qui ne s'est pas encore déclaré candidat à un second mandat, a annoncé en novembre que la France allait lancer un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires.
Elle n'en construit pour l'instant qu'un seul de nouvelle génération, l'EPR de Flamanville (Manche), qui a connu de nombreux retards. Le dernier vient d'être annoncé mercredi: le chargement du combustible a été repoussé de fin 2022 au second trimestre 2023, pour une facture alourdie de 300 millions d'euros.
AFP
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