Trente-et-un membres de l’opposition parlementaire ont déclaré que leur «confrontation démocratique et pacifique se fera dans le cadre institutionnel et hors de ce cadre». Si c’est ainsi qu’ils croient pouvoir contrer le Hezb…
Eh bien voilà, elle y est parvenue: l’opposition parlementaire a été en mesure de réunir trente-et-un représentants de la nation libanaise pour dire son ras-le-bol. Dans un communiqué du 16 août dernier, elle a été même jusqu’à annoncer un plan de confrontation: le moment décisif pour «contrecarrer la mainmise du Hezbollah sur le pays est arrivé» (1).
Bigre! L’opposition monte au créneau, le jour de gloire est arrivé. Mais n’est-ce pas tard pour sonner le branle-bas de combat? Cela fait un moment que l’irano-fascisme nous impose son Acte de suprématie.
Le manifeste des trente-et-un députés un modèle de pacifisme et de légalisme.
Mais écoutons plutôt un autre son de cloche: le tandem chiite ne nous veut que du bien; il tient à garder ses mains propres et il ne reprendrait guère à son compte la corruption et la mauvaise gouvernance qui prévalaient sous la Première République, ou à l’époque haririenne! Du moins, c’est ce que le Courant patriotique libre nous laisse entendre à chaque éructation de son leader, sauf si parfois échappent à ce dernier, si inspiré soit-il, des insultes comme «baltagi» lancées à l’adresse du président à vie de la Chambre des députés. Ainsi, nous n’aurions rien à craindre, ni massacre ni nettoyage ethnique, nous rassure-t-il. Quoique, sous couvert de «Résistance», nous devrions nous attendre au grignotage des propriétés foncières, au noyautage des institutions et à l’intimidation systématique des individus et des collectivités. Et peut-être, qui sait, à des ratonnades, les assassinats n’étant perpétrés qu’à titre exceptionnel et pour rappeler à qui veut bien l’entendre qui est le patron sur la place publique et qui, dans l’impunité de fait, peut défier la paix civile et les stipulations de notre contrat social.
Un remake de l’OLP
Jusqu’à la mitraillade d'avril 1975 à Aïn al-Remmaneh, Yasser Arafat réaffirmait, à la suite de chaque incident sécuritaire sur le sol libanais, son attachement à la souveraineté de notre pays et jurait ses grands dieux qu’il s’en portait garant. Dans sa duplicité, il le déclarait, relayé qu’il était par des organes de presse qui étaient sur son payroll. Entre-temps, il poursuivait son travail de sape dans l’idée d’instaurer l’État parallèle ou le mini-État qu’il n’avait pu établir en Jordanie. Pour ceux qui avaient vécu cette époque où la fourberie le disputait à l’habileté discursive, une comparaison s’impose: à maints égards, le discours hezbollahi de la Mouqawama ("résistance") est un remake du discours de la Mouqawama palestinienne qui, à en croire les ténors du Mouvement national de l’époque, n’avait pris ses quartiers au pays du Cèdre que pour la défendre contre les agressions sionistes.
Les soi-disant garants de la souveraineté libanaise.
Or une fois exfiltrés du Liban durant l’été 1982, et s’étant tenus cois en Tunisie, en attendant de signer les accords d’Oslo en 1993, les beaux parleurs de l’OLP allaient concéder, sous cape, que dans un Liban hospitalier, leurs leaders avaient commis des «péchés mortels» (2). Mais dans leur acte de contrition, ils ne voulaient pas admettre que la conflagration devait immanquablement éclater. Réfutant la thèse de Max Weber selon laquelle la force armée est une exclusivité du pouvoir légal, ils maintenaient qu’État de droit et Révolution palestinienne pouvaient coexister sous un même toit, et qu’une cohabitation entre les unités militaires régulières libanaises (armée, FSI, etc.) et les escouades de fedayin était souhaitable, voire dans l’intérêt des deux parties. Et pour preuve, disaient ces porte-paroles nostalgiques de la place de Beyrouth, le Front de libération nationale (FLN) avait pu, tout au long de la guerre d’Algérie, gérer ses bases militaires en Tunisie, sans en arriver au conflit frontal avec le régime de Bourguiba.
Allez savoir combien cette comparaison entre les contextes libanais et tunisien était valide! Il n’en reste pas moins qu’elle soulève la question vitale, à savoir dans quelle mesure, et jusqu’à quand, l’État libanais pourra cohabiter avec «l’inconvénient» Hezbollah, et jusqu’où nos forces armées régulières pourront s’accommoder des guérilleros de la soi-disant «Résistance».
Au Liban, nous allons, tôt ou tard, mais tout droit à la confrontation. On ne peut imaginer que des entités armées, relevant de commandements distincts, puissent vivre en bonne entente quand elles se côtoient au jour le jour. Les frictions d’ici et de là vont déclencher un mécanisme fatal, d’autant que des groupes d’autodéfense vont immanquablement se constituer en réaction à la dictature du fait accompli.
Or voilà que l’opposition...
Les trente-et-un viennent donc de proclamer l’ordre de mobilisation générale, mais leur communiqué semble être plus une réaction à l’initiative française de M. Le Drian, jugée trop proche des thèses du Hezbollah, qu’à un plan de campagne pour affronter le parti des mollahs. Car ce n’est pas en déclarant que leur «confrontation démocratique et pacifique se fera dans le cadre institutionnel et hors de ce cadre» qu’ils feront plier l’adversaire. Les thèses non violentes de Gandhi ne sont plus de mise. Et ce n’est pas en les mettant en application que Tayouneh a repoussé l’offensive qui la visait (3), ou que le Jabal al-Barouk a fait échec à l’incursion qui le ciblait (4)!
Youssef Mouawad
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1- «L’opposition annonce un plan de confrontation avec le Hezbollah», Ici Beyrouth, 16 août 2023.
2- «Khataya mumita» était texto l’expression que mes interlocuteurs avaient empruntée au catéchisme chrétien.
3- Le 14 octobre 2021.
4- En mai 2008.
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