Le premier vice-gouverneur de la banque centrale, Wassim Mansouri, qui assume l’intérim à la tête de la BDL, a assuré que les salaires des fonctionnaires seront payés en dollars fin août. Il a cependant averti que «le pouvoir de la banque centrale de maintenir la stabilité financière et monétaire est limité dans le temps», plaidant en faveur de la réalisation de réformes.
Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban (BDL), Wassim Mansouri, a annoncé vendredi lors d'une conférence de presse que «les salaires des fonctionnaires du secteur public seront versés ce mois-ci en dollars américains au taux de change de 85.500 livres libanaises», dans un souci de préserver la stabilité monétaire.
Il s’agit de la seconde conférence de presse que M. Mansouri tient depuis qu’il a remplacé Riad Salamé à la tête de la BDL, en attendant qu’un nouveau gouverneur soit nommé.
Comme la première fois, il a exposé les grandes lignes de la politique qu’il compte suivre d’ici là, sans donner aux journalistes présents la possibilité de lui poser des questions.
Il a réaffirmé qu’il n’est pas question pour lui de puiser dans les réserves de la BDL pour financer les activités de l’État. Il est également revenu à la charge au sujet de la réalisation «indispensable» de réformes pour préserver la stabilité financière et monétaire.
Celle-ci représente, pour lui, une priorité. «La stabilité du taux de change dans les circonstances actuelles, à l’ombre des clivages politiques aigus et des différentes rumeurs, n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une coopération établie entre la banque centrale, le gouvernement et le ministère des Finances», a-t-il déclaré d’emblée.
M. Mansouri a ensuite assuré que cette stabilité «sera maintenue par les moyens traditionnels sur base des articles 75 et 83 du Code de la monnaie et du crédit» qui régissent son intervention sur le marché, en accord avec le ministre des Finances, mais qu’elle est tributaire de plusieurs facteurs qu’il a exposés au cours de sa conférence de presse. «Au cours du mois dernier, cette intervention, qui a permis de préserver la stabilité monétaire, n’a rien coûté à la BDL dont les réserves obligatoires sont restées intactes», a-t-il indiqué, avant d’ajouter: «En dépit de notre intervention sur le marché, la masse monétaire a diminué de deux trillions de livres pour passer à 59,9 trillions de livres».
Sept trillions de LL pour les salaires
Pour ce qui est des salaires des fonctionnaires, il a expliqué dans le détail les raisons pour lesquelles il a été décidé de les payer en dollars: «Près de sept trillions de livres sont nécessaires pour couvrir les salaires dans le public. S’ils sont payés en livres, en l’absence de lois prévoyant les réformes requises et de mesures gouvernementales correspondantes, cela affectera négativement le taux de change».
Le fait de les payer en dollars permettra d’injecter des devises sur le marché et de préserver ainsi le taux de change, a poursuivi M. Mansouri, en précisant dans ce même cadre qu’il a été convenu «de satisfaire les besoins de l'armée et des forces de sécurité sans toucher aux réserves» de la BDL. À quoi il a ajouté que «ces besoins sont les mêmes pour EDL, ainsi que pour les ministères des Télécommunications, de la Santé, des Travaux publics, des Affaires étrangères et de l’Éducation ». Or, il ressort de ses explications que la BDL ne sera pas en mesure de les satisfaire. «Toutes ces institutions ont besoin que leurs fonds en livres soient convertis en dollars. Mais il ne sera pas possible d’assurer cet argent d’un seul coup, même si les besoins sont immédiats. Si la BDL va aider à convertir en dollars les fonds en livres, ce sera seulement pour couvrir une partie limitée des besoins de ces ministères», a-t-il souligné, en précisant qu’il appartient au gouvernement de «déterminer les priorités» et que cette dérogation pourrait ne pas être assurée le mois prochain.
M. Mansouri réagissait ainsi indirectement au bras de fer engagé la semaine dernière entre les deux ministères de l’Énergie et des Finances au sujet du paiement d’une cargaison de fuel pour le compte d'EDL, sans l’autorisation préalable de la commission chargée du dossier de l’électricité.
Pas de prêts au gouvernement
Le premier vice-gouverneur a insisté sur le fait que le pouvoir de maintenir la stabilité financière et monétaire est «limité dans le temps». Aussi a-t-il solllicité le concours du gouvernement et du Parlement, plaidant en faveur de l’approbation par ce dernier du plan d’action adopté le 2 août par le conseil central de la BDL.
«Comment le gouvernement va-t-il pouvoir combler le déficit dans le budget 2023?», a-t-il lâché, confirmant que la Banque du Liban n'interviendra pas à ce niveau et n’accordera pas de prêts au gouvernement, «ni en dollars ni en livres». Selon lui, celui-ci doit impérativement améliorer la perception des impôts, mais suivant un plan équilibré, en élargissant la tranche des contribuables et en contrôlant les ports ainsi que les voies de passage légales et illégales aux frontières. D’autant, a-t-il ajouté, que la BDL ne compte pas procéder à une impression de la monnaie.
M. Mansouri a déploré l’absence d’un minimum d’entente politique, mettant en garde contre un prolongement de la crise. «Chaque jour perdu sans l'approbation des lois pour la mise en œuvre de réformes accroît les risques d’effondrement de l’État, diminue les chances de trouver des solutions et de redynamiser l'économique et accentue les difficultés des déposants dans l'attente d'un règlement qui leur permettra de récupérer leur argent», a-t-il dit.
Il a notamment appelé les forces politiques à « tenir l'autorité monétaire à l’écart de toute ingérence politique» et averti que tout délai dans la réalisation des réformes «va développer l’économie du cash et entraîner l’isolement du Liban à l’échelle internationale».
En ce qui concerne l'audit juricomptable de la BDL réalisé par la compagnie Alvarez & Marsal, M. Mansouri a indiqué que la banque centrale finalisera toutes les procédures d'audit, déjà entamées, en fournissant à la société et à la justice tous les documents requis.
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