Une lecture rapide d’articles et de dispositions divers du projet de budget 2024 suffit pour comprendre son ultime objectif: augmenter les revenus du Trésor pour combler le déficit escompté, quelles que soient ses conséquences sur le terrain. Avec sa mise en œuvre, la boucle de l’effondrement total du pays sera bouclée.
Il aurait été plus raisonnable de baisser simplement les dépenses au lieu de créer de toute pièce des impôts et des taxes dont certains violent les principes de l’éthique.
Sans aucune vision en termes de politique fiscale et économique, le projet de budget 2024 apparaît comme visant à amonceler des liasses de billets de banque dans les tiroirs de l’Etat, que celles-ci soient en livres libanaises ou en devises fortes.
Avec la caste dirigeante, il est désormais banal et ridicule d’évoquer l’hypothèse de réformes des institutions étatiques parce que la volonté d’entamer un tel chantier est absente, au grand désarroi d’une population, qui a vu plus de trois cent mille Libanais émigrer au cours des quatre dernières années.
Dollarisation des impôts
L’option de la dollarisation des taxes ne fera qu’appauvrir les plus pauvres sans pour autant renflouer les caisses du Trésor. Elle sera également contraire à la lutte contre l’inflation et la stabilité du taux de change de la livre contre les devises fortes.
Dans les faits, le Liban n’est pas les États-Unis, dans le sens où le pays du Cèdre ne peut pas émettre des dollars. Le seul recours des contribuables sera le marché parallèle, sachant que les employés du secteur privé ne touchent pas la totalité de leurs émoluments en devises fortes. Quant aux familles des fonctionnaires, il sera question pour eux de gérer leur misère. En deux mots comme en mille, l’économie se redresse lorsque la valeur de la monnaie nationale s’apprécie et non le contraire.
Dans le même ordre d’idées, l’une des dispositions du budget 2024, qui autorise les personnes imposables de payer leurs charges fiscales à partir de leurs comptes bancaires en lollars, en calculant sa valeur sur la base de 40 pour cent du taux de change du dollar américain contre la livre déterminée par Sayrafa, la plateforme de la banque du Liban, va à l’encontre de toute logique de lutte contre le grossissement de la masse monétaire en livres. Un phénomène que combat de toutes ses forces le Conseil de la Banque central afin d’alléger la pression sur la livre.
Les cadavres rapatriés
Dans le cadre du projet de budget 2023, une nouvelle taxe a été créée sur le rapatriement des corps des défunts. Cette taxe est de deux pour mille. Et c’est là que le bât blesse. De nombreux experts économiques ont donné de la voix pour dénoncer cette taxe qui défie tous les principes de l’éthique et du bon sens. Aussi se sont-ils interrogés sur le mécanisme de calcul de cette taxe? Serait-elle comptabilisée en référence au prix du cercueil dans lequel le corps du défunt est transporté ou au patrimoine de celui-ci ? Un délire. Une aberration.
Les services rapides
Une nouvelle redevance a été introduite grâce au concept du «service rapide et d’urgence dans les administrations publiques ». Cette redevance serait répartie comme suit: 50% pour les employés de la direction générale ou de la direction qui a fourni le service, 5% pour les employés des organismes de contrôle, 10% pour les employés des administrations qui n’ont pas fourni le service, 15% pour la mutuelle des fonctionnaires et 20% pour le Trésor public.
La TVA à 12%
Quant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), elle passerait à 12%. Cette taxe déboucherait sur une amélioration garantie des revenus de l’État, mais d’un autre côté, elle augmenterait les charges sur les consommateurs, d’autant que la classe pauvre est celle qui supporte le poids de cette taxe par rapport à ses faibles revenus. La hausse de la TVA affecterait les tarifs de l’électricité, l’Internet, de l’eau et toutes les factures des services publics.
La BDL de nouveau
Enfin, l’article 23 du projet de budget a stipulé que «les tarifs pour toutes sortes de services fournis par l'État à travers ses différentes institutions seraient versés en livres libanaises". Sauf qu’en cas de besoin et de nécessité, ces tarifs seraient réévalués en devises fortes et deviennent obligatoires selon un barème émis par la Banque du Liban (BDL). Et comme nous sommes en état de crise et que la nécessité est réelle, cela signifie que tous les services de l'administration publique pourraient être tarifés en dollars.
Reste à se poser les questions que chaque Libanais se pose: Où va-t-on? Que nous réservent les jours à venir comme surprises désagréables?
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