L'Egypte a récemment libéré plusieurs importants détenus politiques, laissant espérer la détente d'un pouvoir intraitable. Mais pour les défenseurs des droits humains, la répression est toujours "systématique" et aucune ouverture ne pointe à l'horizon.
L'étudiant italo-égyptien Patrick Zaki est sorti de prison, la figure de proue des droits humains Hossam Bahgat, qui risquait trois ans de prison, s'en est sorti avec une amende et l'Egypto-Palestinien Ramy Shaath est arrivé en France après 900 jours de détention, en échange de son renoncement à sa nationalité égyptienne.
Mais, dans le même temps, le détenu politique le plus célèbre d'Egypte, Alaa Abdel Fattah, écopait de cinq ans de prison, de même que Ziad el-Elaimi, autre figure de l'opposition libérale, et plusieurs militants connus.
De nouvelles lois répressives ont vu le jour, notamment une exigeant des ONG qu'elles s'enregistrent avant mi-janvier, sous peine de dissolution.
Un nouveau cadre inacceptable pour les ONG pour qui s'enregistrer est un "processus compliqué qui requiert des centaines de documents", note HRW. Et rien n'est garanti car "l'enregistrement dépend de l'accord public du ministère de la Solidarité sociale".
L'Arab Network for Human Rights Information (ANHRI) a ainsi annoncé avoir été informée dès octobre qu'elle ne pourrait s'enregistrer sous son nom actuel.
Cette ONG, l'une des plus grandes et anciennes des droits humains d'Egypte, a mis la clé sous la porte le 10 janvier. En 18 ans d'existence, elle avait survécu à trois présidents, une révolution populaire et le renversement militaire d'un chef d'Etat.
Pour Human Rights Watch (HRW), "les tentatives superficielles de l'Egypte pour donner une impression de progrès ne parviennent pas à masquer la répression brutale de toutes sortes de dissidences".
M. Sissi, lui, rejette en bloc les accusations. Recevant la presse mi-janvier, il s'est insurgé: "aimez-vous notre peuple plus que nous? êtes-vous plus soucieux de notre pays que nous? Ici, on n'a pas à manger, êtes-vous prêts à nous aider?"
En septembre, il a présenté sa "stratégie nationale pour les droits humains", dont l'un des axes est de considérer que l'éducation, la santé ou l'électricité sont plus nécessaires que le droit de rassemblement --quasiment interdit dans le pays.
L'ANHRI a dénoncé "l'augmentation des poursuites policières, légales ou non" et "des violations croissantes des droits humains". Et a indiqué avoir été incitée à "s'occuper des questions habituelles et pas de liberté d'expression et de conditions de détention".
"Nous refusons de devenir une organisation chargée des affaires de peu d'importance, une espèce d'organisation non gouvernementale d'Etat", martèle Gamal Eid, fondateur d'ANHRI qui affirme être harcelé depuis des années par les autorités.
Entre passages à tabac, petits mots reçus prévenant "Fais attention, M. Gamal" et placement en préventive de camarades, il jette aujourd'hui l'éponge, toujours interdit de quitter le territoire et avec ses avoirs gelés.
Son exemple n'est pas isolé, rappellent les ONG. Le pays compte 60.000 détenus d'opinion et de nombreux autres, libres, mais privés de voyage et de compte bancaire.
Amnesty International et une vingtaine d'ONG dénoncent "un bilan catastrophique" avec "des militants pacifiques, des défenseurs des droits humains, des avocats, des universitaires et des journalistes détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association".
Pour faire taire, les autorités ont aussi une autre arme: le conservatisme de la société. A coup de condamnations pour "débauche", une douzaine d'influenceuses ont été arrêtées depuis 2020.
Et des militants exilés apprennent "l'arrestation ou la +disparition+ de proches" en Egypte pour faire pression sur eux, selon HRW, qui appelle à lutter contre "une campagne étatique visant à décimer la société civile égyptienne, autrefois hyperactive".
AFP
Lire aussi
Commentaires