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Accueillant le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, à Moukhtara, le leader druze, Walid Joumblatt, a appelé Téhéran et Washington à débloquer la présidentielle.
La visite que le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a effectuée vendredi dans le Chouf, dans le but de consolider la réconciliation de la Montagne scellée en 2001, a surtout mis en évidence une convergence de vues druzo-chrétienne sur les dossiers d’actualité, notamment l’urgence d’un déblocage de la présidentielle, l'élaboration d'une feuille de route précise pour un redressement du pays et la consolidation de la réconciliation dans la Montagne. Si le dialogue, comme moyen pouvant éventuellement favoriser un déblocage, a aussi été évoqué, ce n’est que de manière lapidaire, en raison probablement des divisions politiques autour de l’opportunité de cette démarche, souhaitée notamment par le tandem Amal-Hezbollah.
La présidentielle a été au cœur du discours de bienvenue du leader druze, Walid Joumblatt, qui a accueilli le chef de l’Église maronite et le cheikh Akl druze, Sami Abi el-Mouna, à Moukhtara, cinquième étape de la tournée, vendredi, de Mgr Raï dans le Chouf.
Dans son discours, M. Joumblatt a mis l’accent sur l’urgence d’élire un président et a fustigé ceux qui bloquent la présidentielle. Il a appelé l’Iran et les États-Unis à contribuer à la débloquer, en faisant référence aux récentes visites concomitantes du chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, et de l’émissaire américain, Amos Hochstein, à Beyrouth.
M. Joumblatt a d’emblée souligné qu’il veut s’exprimer en tant qu’«observateur qui apprécie les efforts fournis tant au niveau local qu'international par Bkerké pour débloquer la présidentielle», avant de saluer l’appui manifesté par le patriarche à l’appel au dialogue lancé par le président de la Chambre, Nabih Berry.
«La réconciliation a été consacrée (entre habitants chrétiens et druzes de la Montagne) en dépit de certaines voix dissonantes émanant de parties qui cherchent à déterrer les morts et qui font l’impasse sur le vivre-ensemble dans le pays et la Montagne», a-t-il lancé, dans une allusion à peine voilée à des propos tenus par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Il a insisté sur le fait que «toutes les victimes tombées (durant la guerre) sont celles du pays, toutes appartenances confondues, et non pas de telle ou telle autre partie».
«Stupide et dangereux»
Abordant le dossier de la présidentielle, il a jugé qu’«il n’y a pas plus stupide, plus futile ni surtout plus dangereux que ceux qui n’hésitent pas à s’accommoder du vide à la tête de l’État et qui ne veulent pas faciliter la présidentielle», dans une allusion notamment au dernier discours du chef des Forces libanaises, Samir Geagea.
Il a dans le même temps critiqué indirectement les acteurs internationaux qui, à leur tour, ne facilitent pas la présidentielle, et qui s’étendent, selon lui, sur les caractéristiques du nouveau chef de l’État, «comme si le rôle du Parlement consiste à prendre des leçons de sculpture et de couture».
Le leader druze faisait ainsi allusion aux discours de nombreux responsables américains qui, à diverses occasions, ont souligné les qualités dont devrait être doté le chef de l’État libanais.
M. Joumblatt en a appelé d’ailleurs directement aux États-Unis et à l’Iran, en insistant sur le fait qu’ils peuvent contribuer à débloquer la présidentielle. Soulignant la concomitance des deux visites à Beyrouth du chef de la diplomatie iranienne et de l’émissaire américain pour la démarcation des frontières avec Israël, et le fait que les deux ont appelé à l’élection d’un nouveau chef de l’État, M. Joumblatt les a directement interpellés: «Peut-on délimiter le champ de Baabda, M. Hochstein, et peut-on faciliter l’élection d’un président, M. Abdollohian?»
De son côté, il s’est dit prêt à «aider au déblocage de ce dossier difficile, mais pas impossible».
Quant à Mgr Raï, il a réaffirmé que le but de sa visite dans le Chouf est de redynamiser la réconciliation scellée avec le patriarche Sfeir. Il a aussi insisté sur le fait que le Liban «est devenu étranger à lui-même et ne peut pas rester dans cet état».
«La santé du Liban et de la Montagne»
Au cours d’une rencontre organisée plus tôt à la bibliothèque nationale de Baakline, quatrième étape de la tournée patriarcale, autour du thème de «la réconciliation à la Montagne», le chef de l’Église maronite a souligné l’importance d’une action commune pour préserver l’unité nationale. «En aucune façon, je ne ferai marche arrière à ce sujet», a-t-il lancé.
«Quand la Montagne va bien, le Liban va bien, a-t-il ajouté. C’est une responsabilité partagée qui nous incombe à tous.» Pour le prélat, l’importance du Liban réside dans «l’unité dans la pluralité». «Ensemble, nous identifions nos problèmes et déterminons les remèdes à nos souffrances, a ajouté Mgr Raï. C’est à quoi nous aspirons avec le cheikh Akl druze (Sami Abi el-Mouna) et les personnes de bonne volonté. Nous ne reculerons pas, car il s’agit là de notre devoir national.»
De son côté, le cheikh Abi el-Mouna a souligné que «la réconciliation historique de la Montagne n’a pas été scellée par un document d’entente signé par un zaïm, un patriarche, un cheikh et des témoins». «Elle a été scellée à l’époque des sages et des héros pour rappeler que la Montagne est une histoire et que l’histoire ne peut être rayée par un incident par ci et une confrontation par là», a-t-il insisté.
Le cheikh Abi el-Mouna a appelé à une «réconciliation d’un autre type» qui prendrait la forme d’«initiatives pratiques pour construire les institutions de l’État et mener des projets productifs». «Ne devrions-nous pas développer une stratégie pour nous relever et compter sur nous-mêmes?»
Le cheikh Akl druze a, par ailleurs, mis l’accent sur l’importance du dialogue pour débloquer la présidentielle. «Le dialogue n’est pas un but, mais un moyen, a-t-il dit. Pourquoi n’y participera-t-on pas pour provoquer une percée» au niveau de la présidentielle, a-t-il lancé.
Mgr Raï avait entamé sa tournée dans le Chouf par une visite à Chanay où il a été reçu par le cheikh Akl druze, qui lui a remis la clé du village. De cette localité du caza de Aley, il avait appelé à «bâtir l’unité interne pour préserver le message du Liban sur base de la diversité et du pluralisme». «Le Liban ne peut pas être la terre du pluralisme dans l’unité, de l’ouverture sur tous les peuples et du dialogue s’il n’est pas neutre», a-t-il estimé.
Mgr Raï s’est par la suite rendu au Barouk, puis au siège de l’archevêché maronite à Beiteddine. Il a présidé une messe à 18h, au siège de l’évêché maronite de Beiteddine, pour la fête de la Nativité de la Vierge (8 septembre). Dans son homélie, le patriarche a repris les thèmes qu’il a développés durant la journée. Il a surtout exprimé le souhait d’une réconciliation consécutive à une franche explication, au niveau politique.
La journée a été clôturée par un dîner organisé en son honneur par l’ancien député Nehmé Tohmé au palais du Mir Amine.
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