Ceux qui ont vécu les premières années de la guerre libanaise ont connu ces moments cauchemardesques, marqués par une alternance infernale de cessez-le-feu précaires, de périodes d’accalmies relatives et de reprises des combats avec souvent un accroissement de la violence. C’est dans ce cycle funeste qu’est plongé depuis plusieurs jours le camp palestinien de Aïn el-Heloué où la nuit de samedi à dimanche a été marquée par un calme relatif, mais les accrochages sporadiques ont repris dimanche à l'aube, vers 4 heures du matin. Ces affrontements, dont l'enjeu est le contrôle du camp — qui représente une position stratégique sur la route du Sud — opposent des factions intégristes (alliées à l'Iran) au Fateh, principale composante de l'Organisation de libération de la Palestine (l'OLP), qui relève de l'Autorité palestinienne de Cisjordanie, présidée par Mahmoud Abbas.
En fin de matinée, dimanche, de violents affrontements, ponctués de pilonnage aux obus de mortier, étaient signalés dans plusieurs secteurs du camp. Selon certaines informations (non confirmées), le Fateh aurait lancé une offensive en direction des positions intégristes dans les zones El-Tawarek et Hettine. Des témoins ont rapporté que les bombardements qui accompagnent ces combats sont les plus violents depuis le début des accrochages, il y a quelques jours. Cela explique que le mouvement "d'exode" des habitants du camp vers Saïda s'est accru au cours des dernières vingt-quatre heures. Notons à ce propos que le Premier ministre sortant Nagib Mikati et le ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Mawlaoui, ont interdit samedi l'installation d'un campement aux entrées de Saïda pour accueillir les déplacés de Aïn el-Heloué qui sont plutôt hébergés dans des mosquées et au siège de la municipalité de la ville. Parallèlement, certains médias ont fait état durant le week-end d'une effervescence et d'une tenson dans plus d'un camp palestinien.
La journée de samedi
Cette nouvelle dégradation intervenue dans la matinée de dimanche pointait déjà à l'horizon dans la journée et la soirée de samedi. Les périodes de trêves et d’affrontements entre les deux parties s'étaient succédé à un rythme soutenu, entrecoupées de démarches intensives visant à obtenir un arrêt des accrochages. Mais en vain. Ou tout au moins, il faudra attendre quelques jours pour déterminer si les responsables palestiniens parviendront à imposer un arrêt durable des échanges de tirs et des assauts militaires réciproques entre les groupuscules fondamentalistes et le Fateh.
La journée de samedi avait été marquée par un début de matinée tendu, mais calme à l’intérieur et à la périphérie de Aïn el-Heloué. Peu avant midi, les crépitements des armes automatiques et les explosions des obus anti-chars et des obus de mortier avaient recommencé à se faire entendre dans le camp et dans la ville de Saïda.
Selon diverses sources d’information, les accrochages avaient repris samedi, après une courte pause, lorsque des miliciens des groupuscules intégristes "Jund el-Cham" et "La Jeunesse musulmane", avaient lancé une attaque, en fin de matinée, contre des positions du Fateh et des "Forces de la sécurité palestinienne" dans les secteurs de Hettine et Taamir, à l’intérieur du camp. Les tirs se sont rapidement étendus aux quartiers de Darb el-Sim et Jabal el-Halib.
À la suite de cette nouvelle dégradation sur le terrain, les combattants du Fateh ont lancé de leur côté une attaque, samedi vers midi, contre des positions de fondamentalistes à Hettine, à l’intérieur du camp. Vers 13 heures, un premier cessez-le-feu avait été proclamé. Il durera ce que durent les roses… Les affrontements reprendront à grande échelle peu après 14 heures pour s’étendre à de nouveaux axes et secteurs du camp, notamment dans les régions de Tireh, Ras el-Ahmar, el-Safsaf et Breksat, le long de la rue el-Fawkani et dans les dédales de ces zones.
Dans l’après-midi de samedi, une délégation de responsables palestiniens a fait son entrée dans le camp (ou du moins a tenté de le faire) afin d’imposer un cessez-le-feu. Une partie de la délégation s’est rendue dans un quartier tenu par le Fateh, à Breksat, mais elle a été rapidement la cible d’obus de mortier, tandis que l’autre partie de la délégation, qui devait se rendre dans la zone contrôlée par les islamistes, au siège du groupuscule Esbat el-Ansar, n’a pu mener à bien sa mission.
L’intervention de l’ambassadeur de Palestine
Face à la poursuite des tirs, l’ambassadeur de Palestine, Achraf Dabbour, a pénétré dans le camp en compagnie de membres du Comité conjoint d’action palestinienne afin d’entreprendre sur le terrain des démarches d’apaisement. Un cessez-le-feu «ferme» (semblable à ceux du début de la guerre libanaise…) a été proclamé et devait entrer en vigueur samed à 19 heures 30. Les accrochages devaient effectivement diminuer d’intensité mais dans un climat de calme très précaire. Plus tard en soirée, les accrochages devaient reprendre de plus belle, le Fateh annonçant sur ce plan que les groupuscules fondamentalistes rejetaient le cessez-le-feu. De fait, les médiateurs palestiniens ont quitté le camp vers 21 h 30, samedi, ouvrant la voie à une relance des accrochages qui se sont poursuivis jusqu'à une heure avancée de la nuit de samedi.
Ces affrontements ont fait une soixantaine de blessés et sept morts, dont un jeune homme de Ghazieh, atteint d’une balle perdue. Les tirs ont, en effet, atteint les quartiers de Saïda limitrophes du camp. Cette recrudescence des affrontements a poussé des centaines d’habitants de Aïn el-Heloué à trouver refuge à Saïda où ils ont été logés dans des mosquées et à la municipalité de la ville après avoir tout laissé derrière eux (voir à ce sujet le reportage à Saïda de notre collègue Maxime Pluvinet).
L’injonction de l’armée
Tous les efforts déployés au cours des derniers jours afin de rétablir le calme dans le camp s’étant avérés vains, l’armée libanaise – qui contrôle les entrées de Aïn el-Heloué – a publié samedi en début d’après-midi un communiqué au ton ferme, soulignant que face à la poursuite des accrochages «le commandement de l’armée adopte les mesures adéquates et entreprend les contacts qui s’imposent afin de mettre un terme à ces affrontements». «Le commandement de l’armée demande aux parties concernées au sein du camp d'observer un cessez-le-feu afin de préserver leur cause et de sauvegarder la vie des habitants dans les régions limitrophes» du camp.
Au plan strictement politique, le chef du gouvernement d’expédition des affaires courantes, Nagib Mikati, s’est entretenu samedi de la situation à Aïn el-Heloué avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, lequel est entré en contact dans la journée de samedi avec les hauts responsables du Fateh au Liban afin de leur demander de tout mettre en œuvre afin de mettre un terme à la tragédie que vit la population dans le camp. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres...
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