Le Drian aux députés sunnites: dialogue et troisième candidat
La réunion tenue jeudi après-midi par l’émissaire français Jean-Yves Le Drian avec les députés sunnites, à la Résidence de l’ambassadeur saoudien Walid Boukhari, peut être considérée comme un résumé de sa troisième mission au Liban, qui se termine vendredi.

En effet, le représentant personnel du président français Emmanuel Macron pour le Liban, a souligné devant les 21 parlementaires présents, comme il l’a fait devant leurs collègues, l’importance du dialogue pour débloquer la présidentielle. En raison du rejet de l’opposition du dialogue multilatéral, auquel appelle notamment le président du Parlement Nabih Berry, M. Le Drian a tenté une nouvelle fois d’être inventif, utilisant le terme « discussion » au lieu de dialogue, selon des sources parlementaires.

Il a également mentionné devant eux la possibilité de se diriger vers un troisième candidat, les deux candidats déclarés n’ayant pas réussi à être élus lors de la dernière séance électorale en juin dernier. On rappelle que le chef des Marada Sleiman Frangié, avait obtenu les votes des députés du 8 Mars, et l’ancien ministre Jihad Azour avait reçu l’appui des blocs et députés souverainistes et du Courant patriotique libre.

Les députés sunnites, contrairement à ceux d’autres communautés, ont des appartenances politiques diverses. Leurs réactions aux propositions de M. Le Drian résument celles des interlocuteurs libanais de l’émissaire français, puisque certains les ont accueillies favorablement, et d’autres moins.

En tous les cas, le dossier de la présidentielle semble avancer. Au niveau international, le Groupe des Cinq (Arabie saoudite, Qatar, Égypte, États-Unis et France), qui œuvre pour débloquer le dossier de la présidentielle libanaise, devrait tenir une nouvelle réunion en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, prévue les 18 et 19 septembre, à New York.

Il convient de noter que M. Boukhari a rencontré jeudi le nouvel ambassadeur du Qatar à Beyrouth, cheikh Saoud ben Abdelrahman al-Thani. Selon des sources politiques, un émissaire qatari est attendu prochainement à Beyrouth.

Par ailleurs, selon la chaine MTV, M. Macron pourrait évoquer le dossier de l’élection présidentielle libanaise avec le pape François à Marseille le 22 ou 23 septembre.

Au niveau local, la réunion qui s’est tenue à Bnechii jeudi entre Sleiman Frangié et le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammed Raad, est significative, le chef des Marada étant principalement appuyé par le Hezbollah et le mouvement Amal. Il est intéressant de rappeler que M. Raad s’est réuni récemment avec le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, considéré par différentes sources comme le candidat consensuel par excellence.

Yarzé

Pour en revenir à la réunion de M. Le Drian avec 21 des 27 députés sunnites libanais, elle s’est tenue à la résidence de l’ambassadeur saoudien Walid Boukhari à Yarzé, en présence du mufti de la République, cheikh Abdel Latif Dériane.

Elle a été précédée par une rencontre restreinte entre MM. Le Drian et Boukhari, et cheikh Dériane.

Les six députés qui n’ont pas participé à la réunion sont : Halima Kaakour et Ibrahim Mneimné (Changement), qui refusent de prendre part aux rencontres à caractère confessionnel, Yanal Solh et Bakr Hojeiri, (élus sur la liste Amal-Hezbollah à Baalbeck-Hermel) qui selon certaines sources n’ont pas reçu d’invitation, Oussama Saad (Saïda) et Jihad Samad (8 Mars).

Prenant la parole au début de la réunion, M. Boukhari, a indiqué qu’elle vise « à renforcer l’unité et la solidarité entre toutes les parties ».

Le Drian

Le Drian, a souligné « la nécessité de réaliser les réformes requises pour le rétablissement du Liban et le règlement des crises socio-économiques », estimant que « la vacance au niveau des institutions paralyse l’Etat ». Il a fait valoir que « l’élection d’un président de la République ne constitue pas une solution en soi, mais une condition indispensable de cette solution ».

«La France et l’Arabie saoudite œuvrent conjointement en faveur du Liban, et nous espérons que les efforts qu’elles déploient avec le Groupe de Cinq aboutiront », a-t-il ajouté.


Dériane

Le mufti Dériane a assuré que "les députés sunnites œuvrent en vue de l’élection d’un président rassembleur et n’ont boycotté aucune  séance électorale". Il a, par ailleurs, réitéré "l’attachement des sunnites à la Constitution, à l’accord de Taëf, à l’entente et aux réformes et leur appréciation des efforts du Groupe des Cinq ».

"Il faut s’entendre sur le dialogue, et nous n'avons aucune objection à des dialogues rapides pour parvenir à un accord", a-t-il précisé.

Les députés

À l’issue de la réunion, plusieurs députés ont exprimé leur position.

« Le Groupe des Cinq encourage tout dialogue au sujet de la présidentielle », a assuré Abdel Rahman Bizri (Saïda), qui a ajouté que « les autres problèmes sont reportés jusqu’après l’élection présidentielle».

Selon Waddah Sadek, (Changement), «M. Le Drian a souligné la nécessité d’un dialogue portant sur de nouveaux candidats suite à l’échec de l’élection d’un président lors de la séance du 14 juin dernier».

Abdelaziz el-Samad, député de la "Modération nationale" a démenti que ce bloc et le député Karim Kabbara se soient retirés de la réunion après les discours prononcés, soulignant que la discussion « a porté sur le dialogue et son acceptabilité, mais n'a pas abouti à un consensus, car chaque député est resté attaché à son propre point de vue ».

Et d’ajouter : « Je ne suis pas favorable aux dialogues précédant l’élection, mais à la tenue d’une séance qui aboutira à l’élection d’un président".

Bkerké

Auparavant, l’émissaire français a rencontré le patriarche maronite Béchara Raï à Bkerké, qu’il a informé des résultats de ses réunions avec les officiels libanais.

Pour sa part, le patriarche a réitéré « son attachement au recours à la démocratie et à la Constitution comme mécanisme pour résoudre l’impasse au niveau de l’élection présidentielle ».

« L'élection d'un président de la République est la seule porte d’entrée pour réguler fonctionnement des institutions constitutionnelles et le retour à la normale de la vie politique », a souligné Mgr Raï.

M. Le Drian a par ailleurs rencontré le secrétaire général du parti Tashnag et chef du bloc des députés arméniens, Hagop Pakradounian.

Le Tachnag a indiqué dans un communiqué que « la discussion a été fructueuse et positive », et a souligné « la nécessité de poursuivre les contacts et les discussions avec les parties libanaises, sans conditions, pour parvenir à l'élection d'un parti consensuel »

M. Le Drian a aussi eu un entretien avec le député Ghassan Skaff. Le chef du Parti national libéral (PNL), Camille Chamoun, qui s’est également entretenu avec l’envoyé spécial français à la Résidence des Pins, a appuyé la tenue de l’élection présidentielle le plus rapidement possible, dans le respect de la Constitution », soulignant que le prochain président doit être «souverainiste, réformiste, libéré de toute contrainte, et qui s’engagera à appliquer la Constitution et l’accord de Taëf ».
Commentaires
  • Aucun commentaire