Audi: “Les Libanais se sont-ils accoutumés à la peur, l‘humiliation, la soumission ?”
Le métropolite de Beyrouth fustige l'absence de réaction du peuple et son "idôlatrie" à l'égard des chefs, ainsi que l'inconscience des driigeants et leur volonté d'échapper à toute reddition de comptes en se cachant derrière le principe de l'impunité. 

Le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audi, a dénoncé dimanche le fait que “chaque camp, parti ou individu oeuvre pour son intérêt propre et exclusif, même si cela est aux dépens de l’intérêt public, où le blocage institutionnel est devenu un moyen pour arriver à ses fins, et la distorsion des faits un instrument de l’action politique (…)”.

“Le responsable souhaite rester au pouvoir, même s’il doit pour cela se boucher les oreilles, se voiler les yeux et tuer sa conscience face à l’humiliation du peuple dont il est témoin, en raison de sa cupidité, son avidité et son attachement compulsif aux postes”, a indiqué Mgr Audi dans son homélie dominicale à la cathédrale Saint-Georges du centre-ville de Beyrouth.

“Quant au peuple, au lieu de faire un seul corps, dans la mesure où la corruption a visé tout le monde sans distinction, le fléau de l’embrigadement aveugle continue de se propager, dans ses rangs et l’idolâtrie des chefs et la sanctification du parti ou de la communauté de constituer un devoir à ses yeux. Les gens n’interrogent pas leur conscience et n'ouvrent pas les yeux sur l'amère vérité selon laquelle tout s'effondre sur la tête de tout le monde”, a noté le métropolite Audi.

“L'effondrement s'accélère, le dollar rafle ce qui reste d'épargne, la misère envahit la population, le désespoir règne à l’ombre du ralentissement fatal de toute protection populaire et aspiration à une solution, du blocage des institutions et de la paralysie de leur action, de l’absence de voix réprobatrices, et de l’impuissance du citoyen et du pouvoir judiciaire”, a-t-il ajouté.

“Cela ne nous interpelle-t-il pas ? Les gens se sont-ils accoutumés à la peur, à l'humiliation et à la soumission ? Les Libanais ont toujours porté le flambeau de la liberté et de la dignité. Qu'est-ce qui a changé ? Si l'occasion est mûre pour un vrai changement, et si les gens sont honnêtes dans ce qu'ils disent au quotidien, nous espérons assister à un changement réel et fondamental, que nous espérons pour le meilleur en faveur de notre pays et de son peuple”, a souligné Mgr Audi.

"Le jour de l’échéance électorale n'est pas un jour de pique-nique, mais une opportunité à saisir pour que notre pays retrouve sa gloire, pour que son drapeau flotte à nouveau avec l’orgueil et la fierté volée par tous ceux qui ont accepté que le Liban devienne un manège et un siège pour les étrangers et les opportunistes”, a-t-il encore dit.


L’exemple de la Grande-Bretagne

Fustigeant par ailleurs le non-respect des mesures sanitaires pour enrayer la pandémie de Covid-19, Mgr Audi s’est inspiré du scandale de l’actuel “Partygate” en Grande-Bretagne, en profitant de  l’occasion pour tacler les responsables sur la question de l’impunité dont ils s’entourent.

“J'ai été surpris par la position des Britanniques, qui ont découvert que leur Premier ministre, Boris Johnson, ne respectait pas les règles de quarantaine et avant organisé une fête dans son quartier général avec certains de ses amis, alors que les rassemblements sont interdits dans le pays”, a indiqué le métropolite de Beyrouth.

“Le peuple qui respecte la loi de son pays et adopte le principe de la demande de comptes et de la sanction de ceux qui violent la loi, même s'il s'agit d'un haut-responsable, est un peuple qui mérite respect et appréciation. Et voici que le Premier ministre britannique se retrouve seul face à son peuple et à des responsables de son parti, aucune communauté ne le protégeant, aucune tribu ne le couvrant, aucun parti ou partisan refusant qu’il soit mis en cause”, a-t-il noté.

“La Grande-Bretagne n’a pas connu sous le mandat Johnson l'isolement international, la régression sociale, la pauvreté ou la famine ; la valeur de sa monnaie n'a pas baissé, les médicaments n’ont pas fait l’objet d’une pénurie, le pays ne s’est pas retrouvé plongé dans l’obscurité. Ce qu'il a fait était un manque de respect pour une décision imposée à tout le monde. Le peuple a réclamé le respect des règles de la quarantaine et de la distanciation sociale, loin des rassemblements. Or le responsable a rassemblé ses amis au siège de sa résidence, qu’il pourrait quitter désormais seul, dans la déception, dans la mesure où personne n'accepte, dans un pays qui se respecte et qui respecte sa Constitution et ses lois, qu’un responsable ne donne pas l'exemple. Même la reine a respecté les restrictions imposées et a fait ses adieux à son mari seule”, a affirmé Elias Audi.

“Mon espoir est que notre peuple apprenne de ce peuple à être patriotique et grand, à sanctionner ses responsables par respect pour leur pays, et à maintenir la distance physique et l’absence de rassemblements, même lors des funérailles, mariages et fêtes, pour prévenir la propagation de la pandémie et préserver leur santé et celle des autres”, a-t-il conclu.
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