La grève des enseignants se poursuit dans plusieurs établissements
Le corps enseignant dans les écoles du public et du privé dénonce les "promesses creuses" des responsables concernés.

Pour la seconde semaine consécutive, plusieurs établissements resteront fermés le lundi 17 janvier, sept jours après la reprise des cours le 10 janvier. En cause: la grève observée par des enseignants du public et du privé, qui se poursuit alors qu’aucune solution relative à leur dossier ne semble poindre à l’horizon.

Dimanche, la Ligue des enseignants du secondaire a ainsi affirmé qu’elle ne suspendra pas la grève tant que ses revendications ne sont pas satisfaites. En maintenant cette position, "nous menons l’une des guerres les plus féroces face aux promesses creuses faites par les responsables", a martelé la Ligue dans un communiqué. Elle explique que les enseignants ont été "contraints" de rester chez eux, d’autant que leur salaire suffit à peine à faire le plein de leurs véhicules et ce "parce que les autorités concernées ont refusé d’améliorer nos conditions salariales, alors que le ministre de l’Éducation (Abbas Halabi), fait appel à notre conscience pour sauver l’année scolaire".

Même son de cloche chez les contractuels de l’enseignement public, qui avaient dénoncé samedi le silence du gouvernement et du ministre de l’Éducation, lesquels sont "déconnectés de la réalité" et "n’assument pas leurs responsabilités". Le ministère de l’Éducation est conscient du fait qu’ "il ne sert à rien de débattre de ce dossier, puisque tout le monde sait que le problème réside dans le manque de fonds", soulignent-ils dans un communiqué. "Ce qui signifie que le ministère de l’Éducation admet que les écoles publiques mettent fin à l’année scolaire sous le signe du non-retour", ajoutent-ils.

De leur côté, le rassemblement des comités des enseignants dans les écoles catholiques du Kesrouan et du Metn ont eux aussi affirmé maintenir la grève "puisqu’il leur est impossible d’assurer les cours vu les conditions salariales actuelles". Ils n'ont pas pris en compte la décision prise par le syndicat des enseignants des écoles privées, qui avait annoncé vendredi la reprise des cours le lundi 17 janvier, "tout en maintenant ouvertes ses assemblées pour accompagner les négociations menées avec le ministère de l’Éducation". Il a aussi "menacé de recourir à la désobéissance civile si les solutions qu’il réclame ne sont pas mises en application".

"Le droit à une vie digne"

"Nous ne voulons pas sacrifier l’année scolaire, mais nous réclamons notre droit à une vie digne pour pouvoir assumer notre mission", déclare à Ici Beyrouth Marie, une enseignante dans une école du Kesrouan.

Avec la dévaluation de la livre, les enseignants réclament que leurs salaires soient revus à la hausse d’autant qu’ils sont toujours payés en livres libanaises et n’ont pas été révisés depuis le début de la crise. Ainsi, un enseignant contractuel dans les écoles publiques touche moins d’un dollar par heure. Quant aux enseignants des écoles privées, leur salaire varie entre 25 et 150 dollars selon le cycle d’enseignement, l’ancienneté et la capacité de l’établissement à payer. Ce qu’ils perçoivent suffit à peine à assurer les besoins vitaux de leurs familles.


Par ailleurs, les enseignants réclament l’application intégrale du décret 46, surtout par la caisse des indemnités des établissements privés, relatif aux 6 échelons auxquels ils ont droit, qui demeurent impayés dans plusieurs écoles et aux retraités. Ils demandent aussi à ce que les 350 milliards de livres (approuvé par le Parlement en octobre dernier dans le cadre d’un financement public de 500 milliards de livres destinées à l’éducation privée et publique) soient versés au secteur privé. Les enseignants du public veulent recevoir toutes les sommes qui leur ont été reconnues dans le cadre d’un accord avec le ministère de l’Éducation, à savoir l’équivalent de 90 dollars à titre de compensation, une avance sur les salaires et une nouvelle tarification des allocations de transport.

Nisrine Chahine, porte-parole des enseignants du primaire dans le public, avait déploré, à maintes reprises, "le refus du président de la République de signer les décrets permettant aux enseignants du public de bénéficier d’une aide sociale", laissant l’affaire aux soins du gouvernement. Or les activités de celui-ci sont bloquées depuis la mi-octobre 2021 par le tandem chiite Amal-Hezbollah, qui proteste contre le maintien à son poste du juge d’instruction Tarek Bitar, chargé du dossier de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. Maintenant que le cabinet Mikati pourrait reprendre ses réunions cette semaine, "rien ne prouve que le dossier des enseignants sera à son ordre du jour", comme l’ont fait remarquer nombre d’entre eux dans un échange de commentaires sur les réseaux sociaux.

Gare à l’exode des enseignants

Contactés par Ici Beyrouth, les présidents des comités des enseignants dans de nombreuses écoles privées dénoncent la "situation misérable" dans laquelle se trouve l’enseignant au Liban. "L’augmentation que nous revendiquons comble à peine nos frais de transport", explique ainsi Marcel Zeylaa, président du comité des enseignants au collège des Saints-Cœurs de Kfarhbab. "Les salaires doivent être proportionnels à la dévaluation de la livre libanaise'', ajoute-t-il. Le syndicat demande à ce qu’ils soient comptabilisés sur la base de 3.000 livres pour un dollar. Ce qui n’est plus valable aujourd’hui."

Antoine Akiki, président du comité des enseignants au collège Val Père Jacques et coordinateur des comités du Metn, revient sur "les 6 échelons qui n’ont toujours pas été accordés aux enseignants quatre ans après que le décret ministériel ait été publié". "À l’époque, ils valaient près de 400 dollars, constate-t-il. Aujourd’hui, c’est l’équivalent de 22 dollars. Les enseignants sont des diplômés. Il est inadmissible qu’ils sombrent dans la pauvreté."

La direction de la Saint Joseph School de Kornet Chehwane a adressé une circulaire aux parents de ses élèves les informant d’une part du maintien de la suspension des cours et d’autre part, des efforts que son administration déploie conjointement avec le diocèse d’Antélias pour trouver une solution constructive à l’endurance des enseignants en collaboration avec les comités des parents et des professeurs. 

Quant à Georges Rayess, président du comité des enseignants au collège Notre-Dame de Louaizé, il met en garde contre "un éventuel exode des professeurs en juin prochain – similaire à celui des médecins et des infirmiers – si la situation persiste". "Cela mettra en danger le haut niveau d’éducation assuré au Liban avec professionnalisme pendant de longues années", note-t-il.

Une mise en garde qui fait froid dans le dos.
Commentaires
  • Aucun commentaire