Sans bruit, les négociations pour sauver l'accord international sur le nucléaire iranien avancent dans le huis clos feutré d'un palais viennois. "Efforts", "progrès", "chemin positif": le ton a changé après un démarrage dans la douleur, même si les Occidentaux continuent à déplorer la "lenteur" du processus, au vu de la montée en puissance en parallèle du programme nucléaire de Téhéran.
Vendredi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, jugeait l'ambiance "meilleure" que fin 2021 et estimait "possible" d'arriver à un accord "dans les prochaines semaines".
"Il y a de vrais progrès", disait plus tôt de son côté le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.
Un avis partagé par Téhéran qui a salué la volonté actuelle de tous les négociateurs d'aboutir à "un accord fiable et stable".
De même, Washington, très pessimiste en décembre, a noté "des progrès modestes", selon Ned Price, porte-parole du département d'Etat. "Pourtant ce n'est pas suffisant", a-t-il averti.
Les discussions sont "lentes, trop lentes", a aussi lâché le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, jugeant qu'elles compromettaient la possibilité d'aboutir à un accord dans un "délai réaliste".
Les sujets de blocage
Entre l'Iran et ses interlocuteurs, "les points de vue demeurent très éloignés sur l'étendue des sanctions à lever, le mode de vérification et les garanties que les Etats-Unis ne reviendront plus jamais sur leur parole", explique Ali Vaez, le spécialiste du dossier à l'organisation de prévention des conflits International Crisis Group.
Pour vérifier que les mesures punitives ont bien été abolies, "il y a deux domaines: les exportations de pétrole iranien et la capacité de Téhéran à rapatrier les revenus associés au secteur ainsi que les fonds gelés", précise-t-il à l'AFP. "Ce qui peut se faire en quelques jours".
Le sujet des garanties est plus délicat: "aucune administration américaine ne peut lier les mains de ses successeurs", précise l'expert.
En revanche, poursuit-il, "l'équipe de Joe Biden peut et doit fournir l'assurance que les compagnies qui investissent sur le marché iranien ne seront pas exposées à des sanctions américaines tant que l'Iran respecte ses engagements" sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Sur le volet nucléaire, reste à régler le sort des centrifugeuses utilisées pour enrichir l'uranium.
"Destruction, mise sous scellés ou panel de solutions intermédiaires" sont en débat, détaille un diplomate européen interrogé par l'AFP, l'Iran s'opposant à la première option.
Que faire également de la matière nucléaire en excès par rapport à la limite autorisée produite par la République islamique?
"Elle sera exportée en Russie ou diluée" pour aboutir à de l'uranium peu enrichi, détaille M. Vaez.
Une "poignée de semaines"
Les différentes parties refusent de fixer une échéance, mais les Occidentaux répètent régulièrement que "le temps est compté".
Il ne reste plus qu'une "poignée de semaines", a ainsi prévenu jeudi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
Car depuis le début de l'année, la République islamique a franchi plusieurs étapes, portant le taux d'enrichissement d'uranium à des niveaux inédits, proches des 90% nécessaires à la confection d'une bombe, même si de nombreuses autres étapes sont requises.
En cas d'échec des discussions, M. Blinken a dit "étudier d'autres mesures" avec les alliés des Etats-Unis "en Europe, au Moyen-Orient et au-delà". "Nous sommes prêts à tous les scénarios", a-t-il assuré.
Des sanctions pourraient par exemple être votées à l'ONU, avance M. Vaez.
Les faucons opposés à l'accord de 2015 plaident pour que Washington redouble de pressions économiques et diplomatiques, avant une éventuelle option militaire.
Une centaine d'élus républicains a appelé cette semaine l'administration de Joe Biden à se retirer des "vaines" discussions de Vienne.
Mais selon Julia Masterson, de l'Arms Control Association, "il est dans l'intérêt commun des puissances occidentales de poursuivre les négociations aussi longtemps que l'Iran reste assis à la table".
"L'accord peut être restauré si les deux parties sont créatives et flexibles", veut-elle croire.
AFP
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