Le secteur de l’assurance dans son ensemble a entamé une reprise lente, depuis le début de l’année, mais sa dynamique reste loin de celle enregistrée en 2019, selon plusieurs assureurs interrogés par Ici Beyrouth.
Les conditions de l’offre et de la demande dans l’industrie de l’assurance au Liban ont subi des changements significatifs, reflétant un pays en crise où l’État a démissionné de ses fonctions et où ses institutions sont à l’arrêt.
Assureurs et assurés ont dû s'adapter à la nouvelle réalité sociale caractérisée par une inflation incontrôlable et un appauvrissement sans précédent de la population.
Une partie importante des polices d’assurance souscrites dans toutes les branches de cette industrie sont associées à la condition d’un paiement de la prime échelonnée au mois, au trimestre ou au semestre. Signe des temps durs, aucun supplément n'est appliqué à ce mode de paiement. Cette concession faite par les assureurs arrange au bout du compte toutes les parties au contrat d’assurance.
Interrogé par Ici Beyrouth, Assaad Mirza, président de l’Association des compagnies d’assurance au Liban (Acal) souligne que, de manière générale, les assurés, anciens clients de la boîte, sont couverts dès le premier versement de la prime; quant à la nouvelle clientèle, les assureurs se donnent un délai de trois mois, à partir de l’acquittement de la première mensualité, pour garantir le sinistre, quelle que soit sa nature.
Par ailleurs, il est évident que dans une économie fortement dollarisée, toutes les souscriptions aux polices d’assurance, dans toutes ses branches, s’effectuent uniquement en dollars frais, en espèces ou par le biais d'une carte de crédit ou de débit internationale – une pratique qui est en vigueur depuis l'année 2022.
Un must
Les entreprises de grande taille, tout comme les petites et moyennes entreprises, ont maintenu leurs polices d’assurance contre «les sinistres matériels», un terme qui couvre tous «les sinistres non-vie», confie Assaad Mirza, qui trouve cette réaction compréhensible, étant donné que le monde des affaires au Liban est exposé à d'énormes risques et dangers conjoncturels en raison de la crise multidimensionnelle qui secoue le pays depuis 2019.
Quant aux polices d’assurance-maladie, s'’y souscrire un must, vu l’effondrement de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la disparition de facto d’une assurance-maladie de base connue au Liban sous le nom de police d’assurance troisième classe. «C'est une question de vie et de mort», souligne un assureur qui a choisi de garder l’anonymat. Selon lui, l'admission dans un hôpital au Liban est devenue pratiquement impossible sans une police d'assurance privée.
Services deuxième classe
Il est néamoins important de noter qu'une partie non négligeable de la clientèle privilégie désormais les formules qui épargnent un tant soit peu leur budget, souscrivant ainsi pour des couvertures médicales limitées, connues au Liban sous le nom de police d’assurance maladie de deuxième classe au lieu de première classe. Idem pour la branche de l’assurance automobile. En effet, une grande partie préfère l’option des polices d’assurance auto au tiers, une forme de couverture minimale, plutôt que celles à tous risques. Il convient de rappeler que l’assurance auto-obligatoire, dont la prime est abordable pour le citoyen ordinaire, couvre les dommages corporels des tiers.
Une hausse entre 11% et 12%
Le taux d’inflation galopant se répercutera sur le montant des primes d’assurance en général, et sur celles de l’assurance-maladie en particulier. Le président de l’Acal estime une révision à la hausse de ces primes, de l’ordre de 11% voire 12% en 2024. «Une augmentation irréversible, qui fait mal à la poche de l’assuré, mais qui est la résultante d’une entente entre l’Acal et l’ordre des médecins portant sur un remboursement à 100% des consultations à partir du 1er janvier 2024.» Jusqu’à fin 2023, les consultations seront remboursées à 85% en dollars frais, alors qu'elles n'étaient remboursées qu'à hauteur de 75% jusqu'en août 2023, rappelle-t-on. Il convient également de prendre en considération l'augmentation des tarifs des services hospitaliers.
Assurance vie au point mort
Interrogé sur la branche de l’assurance vie, Assaad Mirza indique que cette branche bat de l’aile en raison de l’arrêt d’octroi par les banques de crédits à la consommation, en général, et de crédits logement, en particulier. Il y va de même pour les plans d’épargne connus sous le nom de police d’assurance pension-retraite. Les compagnies d’assurance ne proposent plus de produits financiers, depuis le début de la crise, fin 2019. D’ailleurs, le ministère de l’Économie, ministère de tutelle des compagnies d’assurance, planche sur l’élaboration d’un règlement unique au contentieux opposant les souscripteurs aux plans d’épargne et pension-retraite aux assureurs. Le contentieux porte sur la part des remboursements qui seront effectués en dollars frais. En attendant qu'un règlement unifié soit approuvé par le ministère de l’Économie, ce dernier a ordonné la suspension de toute clôture de ce type de police d’assurance.
Avec des prévisions de croissance situées entre 5% et 7% pour 2023, l'industrie de l'assurance semble tirer son épingle de la crise libanaise avec le moins de dommages collatéraux possible.
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