Lors d’un bref séjour à Beyrouth, l’éminent compositeur libano-français, Gabriel Yared, est revenu, dans le cadre d’une rencontre organisée par Zeina Saleh Kayali à Beit Tabaris, sur les moments-clés qui ont jalonné sa prolifique carrière s'étendant sur plus d'un demi-siècle. Il a ainsi prodigué, avec bienveillance, son savoir-faire et sa passion ardente pour la composition musicale cinématographique, tout en illuminant les jeunes musiciens présents de sa vision éclairée et de sa philosophie de l'art musical.
Dans une ère où l'image règne en maître, surgissant avec une fulgurance vertigineuse pour se dissoudre aussitôt dans l'obscurité de l'oubli, certains créateurs parviennent à transcender cette fugacité en insufflant une âme à chaque instant capturé. Parmi les Ariel de la composition cinématographique, une étoile solitaire, filante devrait-on dire, éclaire le firmament de l'art sonore d’une lueur écarlate: il s’agit du compositeur libano-français Gabriel Yared. À travers son œuvre, cet artiste invite l'auditoire à plonger avec lui dans un abîme lumineux où l'image et la mélodie convergent puis fusionnent pour créer des scintillements évanescents, mais non moins immortels dans la conscience de ceux qui en extraient la sève. Son inspiration trouve, entre autres, ses racines dans les cantates majestueuses de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), les mazurkas lyriques de Fréderic Chopin (1810-1849) et récemment les sonates virtuoses de Domenico Scarlatti (1685-1757), un trésor musical qui lui sert de boussole pour naviguer les vastes océans compositionnels.
Trajectoire insolite
Nul ne s'étonnera que la légende ait forgé de son parcours une sorte d'archétype, car son génie créatif s'élève bien au-delà de la trivialité du «sitôt vu sitôt perçu» pour se fondre dans le domaine éthéré de l'émotion pure, où les mélodies deviennent des passerelles vers des univers intimes insoupçonnés. De tous les astres qui ont sillonné l’azur de la musique de film, Gabriel Yared est probablement celui dont la vie s'inscrit le mieux dans une trajectoire insolite. Et heureusement! On ne saurait trop dresser les limites de ces épiphanies qui font de ce poète du verbe musical et de l’image éloquente, tantôt le façonneur des étincelles sonores héritées d’Apollon, des rythmes enivrants puisés dans le nectar de Dionysos et des harmonies olympiennes inspirées de Calliope et inspirant au passage les plus grands réalisateurs internationaux, et tantôt une sorte de sylphe intimiste cultivant la note bleue pour quelques rares mélomanes.
Prise de conscience
Né le 7 octobre 1949 à Beyrouth, ce compositeur émérite a conquis le monde musical par la puissance émotionnelle de ses partitions. Ses compositions éclectiques, dont celle pour «Le Patient anglais» réalisé par Anthony Minghella et couronnée d'un Oscar, ont laissé une empreinte perdurable dans l'histoire du septième art. Gabriel Yared a également été honoré par un César, un BAFTA, un Grammy, et s'est vu décerner de multiples distinctions dans des festivals cinématographiques prestigieux. Il parvient ainsi à surpasser la musique mondaine populaire pour s'inscrire résolument dans une forme de musique d'art, conférant ainsi une profondeur inégalée aux œuvres cinématographiques qu'il accompagne, élevant l'expérience du cinéma à des cimes inégalées pour un public mondial de plus en plus subjugué. La musique cinématographique contemporaine, à son avis, pâtit d'une carence en thèmes musicaux: «Ce qui est doit être, mais où cela nous mènera-t-il?», s'interroge-t-il, offrant néanmoins un élément de réponse: « On va un jour se réveiller et en prendre conscience. Peut-être.»
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